Je dois avoir
une photo de Julie glissée sous les paupières,
car chaque fois que je ferme les yeux, c'est elle
que je vois. Alors comment l'expliquer autrement
?
Il fait bien chaud ces jours-ci, beaucoup trop
chaud pour moi
Je reviens d'une balade avec
mon chien, et j'ai bien cru que j'allais passer
l'arme à gauche sous le soleil. J'avais
beau raser les murs pour rester à l'ombre,
ça n'y changeait pas grand chose. Au moins
à La Rochelle, vous avez les arcades :
vous êtes sûrs de toujours trouver
un petit coin de fraîcheur. Alors qu'ici
A force de raser les murs, j'ai aterri e rue Quincampoix,
et ce nom me disait quelque chose. Soit ce nom
est célèbre, soit j'étais
déjà passée ici un jour.
De là je suis arrivée du côté
des Halles, je me suis empressée de descendre
au sous-sol chercher un peu de fraîcheur.
Ca ne casse pas des briques, les Halles. On sent
que c'est un endroit qui a été moderne
autrefois, mais aujourd'hui c'est devenu limite
ringard. Alors je suis remontée pour me
retrouver sur l'esplanade, qui un peu une sorte
de grand toit au-dessus de la ville. Je me suis
trouvée un petit coin à l'ombre
et me suis allongée sur le sol pour me
déconnecter un peu, c'était doux
Mon chien était collé contre moi,
comme s'il ne faisait pas déjà assez
chaud.
Je n'ai même pas honte de me reposer alors
que le bac approche. Eh oui, le bac est désormais
inévitable, avant il était à
l'horizon, maintenant il est planté là
devant moi comme un mur. Mais je ne me fais pas
trop de soucis : je vais venir, je vais voir,
et je vais vaincre. Foi d'Aglaia ! Je fais la
belle mais aujourd'hui mais je n'ai rien fichu,
pas plus qu'hier d'ailleurs. Alors je ne suis
pas si sûre que ça de vaincre. Mais
ce n'est pas grave. Tout ce que j'espère
(je ne suis pas exigeante), c'est d'avoir une
place à côté de la fenêtre.
Comme ça si je manque d'inspiration pendant
les examens, je pourrai toujours regarder de l'autre
côté pour passer le temps. Et le
temps, il va être long ! Il y a des épreuves
qui durent quatre heures. Franchement, je trouve
qu'ils ont placé la barre un peu haut :
quatre heures sans fumer, c'est rude !
Certains lecteurs me demandent ce que je compte
faire pour Julie. C'est vrai que je ne l'ai pas
dit, parce que pour moi ça paraît
évident. Je vais tout simplement attendre
que le bac soit passé, et là je
l'inviterai, à La Rochelle ou bien ici.
Et il faudra bien qu'elle comprenne ! Mais je
ne sais pas encore si je lui parlerai avec des
mots ou bien avec des gestes. Ce n'est pas évident,
tout ça
Je relis parfois le texte
que j'ai écrit quand je suis sortie avec
David. Tout paraît si simple et facile !
Il faut dire que la différence entre David
et Julie est de taille. David je le connaissais
assez peu en fait, et puis s'il n'avait pas voulu
de moi ça n'aurait pas été
dramatique. Alors que Julie
En tous cas, je ne lui dirai pas quelque chose
du genre : " Ecoute Julie il faut que je
te parle, voilà, je voulais te dire que
etc
" Ca n'aurait aucun sens, ce genre
de discours. Jamais on ne s'est parlé ainsi,
elle et moi. Rien que par des bouts de phrases
au fil des journées, j'ai tout appris d'elle
et elle a tout appris de moi. Lui dire "
écoute ", déjà, ça
ne veut rien dire. Ca se passera naturellement,
quand le moment propice sera venu. Il faudra qu'elle
comprenne. De toutes façons, je ne pourrai
pas me taire. Car elle verra bien que j'ai changé.
Si Julie était là, ici et maintenant,
c'est sûr que mon comportement serait différent
de d'habitude. Que je ne lui parlerais pas comme
avant, que quelque chose ne tourne pas rond dans
ma tête.
Le lui dire par des gestes, ça me paraît
plus simple. Et encore
pas tellement. A
part l'embrasser sur la bouche, je ne vois pas
ce qui pourrait lui faire comprendre que je l'aime.
Et même l'embrasser, ça risque de
ne pas être suffisant. Car on est tellement
proche que ça ne la choquerait pas. Une
nuit, elle avait dormi dans mon lit, ce
jour-là. Elle n'était pas très
bien, je me souviens, avant qu'elle s'endorme
on s'était serrées dans les bras
l'une de l'autre. Et on se caressait les cheveux.
Et nos lèvres s'étaient effleurées.
Et pourtant, je peux vous assurer que c'était
en tout bien tout honneur, que je n'étais
pas amoureuse et elle non plus. C'était
juste comme ça
Mais maintenant je veux plus que ça. Je
ne veux pas la serrer dans mes bras juste avant
de dormir, je veux la serrer toute la journée,
et toute la vie. Me fondre en elle jusqu'à
ce qu'on ne fasse plus qu'une, elle et moi. C'est
quand même pas compliqué ! Je m'aperçois
que dans la vie, ce n'est pas oui ou non, ce n'est
pas amitié ou amour, la frontière
est parfois bien fine entre les deux. Voire inexistante,
il y a juste un petit pas à franchir.
Mais je m'égare, je m'égare
J'en étais rendue sur l'esplanade des halles.
J'étais bien, là-haut, j'ai failli
m'endormir. J'entendais des enfants courir et
rire, et un guitariste chanteur. D'ailleurs je
l'avais déjà vu, un jour, et pas
très loin des Halles : devant le centre
Pompidou. D'ailleurs ce jour-là c'était
avec Julie, on s'était assise pas très
loin, et à un moment il nous avait parlé
en rigolant. Mais c'était en anglais, on
n'avait rien compris.
La seule chose qui me tracasse dans toute cette
histoire, c'est ce gars qui s'amuse à draguer
Julie. Je dis " s'amuse " car ça
ne peut pas être sérieux
S'il
était sérieux, il renoncerait avant
même d'avoir commencé. Un tout petit
peu de conscience, et il s'apercevrait qu'elle
est beaucoup trop bien pour lui. Sans le connaître,
j'en suis certaine. J'aimerais bien qu'il se foule
une cheville et qu'il parte en vacances un peu
avant l'heure, celui-là
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