Ca m'a fait drôle
de rendre ma dernière copie d'examens du
bac hier, après cinq heures de grattage.
D'un seul coup je me suis sentie plus libre. Et
pourtant, je n'étais pas vraiment stressée
par les épreuves, loin de là
A chaque fois j'y suis allée décontractée,
sans me mettre trop la pression. Je travaillais
ce qu'il fallait mais pas non plus comme une folle,
je ne me couchais pas tard mais pas spécialement
tôt non plus. Mais c'est en rendant ma dernière
copie que j'ai pu constater tout le poids de ma
concentration. Ca fait quelque chose de sortir
tout ce qu'on a mis un an à apprendre
et qu'on va mettre une semaine à oublier.
Je suis sortie de là légère
comme un oiseau. Bon allez on se casse, c'est
pas tout ça mais maintenant c'est les vacances.
Le soir, une fête était prévue
pour célébrer la fin des épreuves
avec d'autres de ma classe. La fête était
grandiose ! Terrible ! Géniale ! Il y avait
plein de bonne musique et d'alcool ! C'est ce
qu'on m'a dit car moi je n'y suis pas allée.
J'avais dit à Noémie de ne pas m'attendre,
que je viendrais en cours de route. Mais hier
soir, j'étais incapable de prendre une
décision. De temps en temps je me disais
qu'il était peut-être temps que je
me bouge un peu, mais sans conviction. Les temps
passait et je restais là à traîner.
Vers dix heures Noémie m'appelle : "Mais
qu'est ce que tu fous viens vite ! _ Oui, j'arrive".
Je suis descendue de ma chambre, j'avais envie
de m'y rendre en voiture. Maintenant que je suis
de retour chez mes parents, je vais enfin pouvoir
faire des kilomètres en vue de mon vrai
permis. J'ai demandé à ma mère
si elle voulait bien m'accompagner, mais il était
tard, elle allait se coucher. Mon père
m'a entendue et m'a dit qu'il voulait bien, lui.
Un peu plus tard j'étais au volant de la
voiture, lui à côté. J'ai
peu conduit ces derniers mois, mais la dernière
fois c'était sur les Champs Elysées,
ce jour-là,
alors à La Rochelle le soir c'était
un jeu d'enfant. Je voulais faire un détour
alors on a descendu l'avenue Guiton, on a traversé
Laleu, on est revenu vers la ville puis on est
parti pour de bon vers le Nord, vers Pampin. Oubliée
la fête, je n'avais plus envie d'y aller.
A moi la plage et la mer. Comme il est agréable
de rouler la nuit
fenêtre ouverte
les cheveux dans le vent
On a arrêté la voiture au bord et
on est parti marcher sur la plage de Pampin, qui
est une plage de galets. Il faisait noir mais
nous n'étions pas les seuls promeneurs,
et il y avait même des jeunes qui s'amusaient,
sans doute des lycéens qui fêtaient
eux aussi la fin des examens. En face on voyait
les lumières de l'île de Ré.
Sur l'île de Ré il y a un terrain
militaire, à plusieurs reprises mon père
y a fait des simulations de combat, et il m'a
raconté ça hier. C'était
de bonnes parties de rigolades, ces simulations
de combat. Un jour qu'il était encore tout
jeune, ils les ont lâchés là-dedans
pour tout l'après-midi et toute la nuit,
avec des armes chargées à blanc,
des grenades de plâtre, des biscuits super-énergétiques
mais immangeables, tout ça
Mon père
et un copain à lui se sont trouvé
un petit coin à l'ombre d'un buisson et
loin des points rouges, et ils y ont piqué
un bon petit somme, tranquille. D'un seul coup
un type arrive, il devait se croire en pleine
guerre du Viet-Nâm sans doute : il s'est
dressé en haut d'un talus et a vidé
le chargeur de sa mitrailleuse sur mon père
et son copain ! Du coup ça les a complètement
réveillés. Mon père, qui
était sensé être mort avec
une cinquantaine de balles dans le corps, a saisi
une grenade et l'a envoyée vers le gars.
Et celui-là, plutôt que de se coucher
il s'est enfui en courant : la grenade a explosé
et il s'est retrouvé arrosé de plâtre.
Et c'est là qu'il s'est couché.
Mon père et son copain lui ont alors balancé
toutes leurs grenades, elles explosaient à
moins d'un mètre de lui ! A la fin il était
tout blanc, entièrement recouvert de plâtre
de la tête au pied, les vêtements,
les chaussures, le visage, le casque, les cheveux,
tout ! Ah ! Ah ! Ah ! Le pire c'est qu'en rentrant
son chef lui a fait remarquer qu'il avait dû
mourir au moins vingt fois dans la journée,
tandis que mon père était indemne.
Quand mon père m'a raconté ça
je n'en pouvais plus de rire. C'était nerveux,
la pression du bac qui retombait. J'imaginais
le gars en train de se prendre pour Rambo avec
sa mitrailleuse, et cette vision me pliait en
quatre j'aurais pu tenir dans ma poche ! J'en
avais les larmes aux yeux, des fous rires comme
ça sont bien rares. Mon père n'en
revenait pas et me disait "ben remets-toi
!" J'en avais les larmes aux yeux, bon sang
J'ai jeté un bâton à mon chien,
il a atterri tout près de l'eau. Le temps
qu'Adonis s'approche pour le saisir, une vague
l'avait recouvert. Mais Adonis a sauté
dedans et me l'a rapporté tout content.
Alors je l'ai regardé dans les yeux et
je lui ai expliqué qu'il avait fait un
mauvais calcul. Qu'après être montée,
la vague, elle redescend, et qu'il suffit donc
de patienter quelques secondes. Lui il ne comprenait
rien, il attendait que je lui relance. Alors je
lui ai fait une démonstration. J'ai lancé
le bâton, je me suis approchée de
la vague, j'ai attendu qu'elle descende et j'ai
récupéré le bâton.
Ce jeu m'amusait beaucoup alors j'ai recommencé
une fois, puis deux, puis trois
Finalement
j'ai décidé de compliquer un peu.
J'ai enlevé mes tennis et mes chaussettes
et j'ai remonté mon jean jusqu'aux genoux,
et du coup je laissais l'eau me grimper aux chevilles,
je pouvais aller plus loin. Et puis à force
j'ai poussé un peu trop le bouchon et une
vague plus grosse qu'une autre m'a rebondi sur
les mollets et je me suis faite arroser jusqu'à
la taille. Mon jean était trempé.
Mais j'adorais ça, et pis mince, je venais
de finir mon bac, c'est les vacances. Alors mouillée
pour mouillée j'y suis restée, dans
l'eau, jusqu'à la taille.
En rentrant dans la voiture je me suis assise
sur la couverture d'Adonis. C'était vraiment
chouette, hier soir. Je ne regrette pas de ne
pas être allée à la fête.
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