Conduire dans
Paris n'est pas une chose facile, surtout quand
on n'a pas le permis. C'est pourtant ce que j'ai
fait hier.
On avait convenu avec mon père que je le
rejoindrais à son travail en milieu de
matinée. Je me suis donc rendue au ministère
de la Marine vers dix heures. J'avais préparé
deux sandwichs, un pour mon père et un
pour moi, en vue d'un petit pique-nique dans le
jardin des Tuileries. J'ai fait le trajet à
pied avec mon chien, rien de tel qu'une bonne
petite promenade matinale pour être en jambes
toute la journée. Et puis de Saint Lazare
à la Concorde, le chemin n'est pas si long
que ça.
J'arrive au ministère. Mon père
m'avait dit de passer par le côté,
que je trouverais là une porte à
laquelle il me suffirait de me présenter.
J'ai bien vu une porte, mais le bâtiment
étant assez grand, je n'étais pas
très sûre de moi. Mais la porte était
ouverte, alors autant tenter le coup. Je me suis
postée devant, à l'intérieur
il y avait deux jeunes gars qui parlaient et qui
m'ont regardée un peu étonnés,
l'air de dire " c'est pour quelle raison
? " Je leur ai dit qui j'étais et
ils ont eu l'air contents. Les gens sont comme
ça, heureux quand on leur révèle
un mystère, même tout petit, et en
l'occurrence le mystère c'était
" mais qui peut bien être cette jeune
fille avec un chien ? "
Je suis entrée à l'intérieur.
A ce moment-là, je ne savais pas encore
que je me trouvais dans la fameuse guitoune dont
mon père m'avait parlé des centaines
de fois, où il avait passé plusieurs
années dans sa jeunesse. Il devait sûrement
faire le même boulot que les deux jeunes
militaires aux cheveux courts qui m'avaient accueillie.
D'ailleurs je ne sais toujours pas en quoi consiste
ce boulot. Peu importe.
L'un des deux m'a dit de ne pas bouger, qu'il
allait chercher mon père. Pendant ce temps
l'autre rangeait le cendrier rapidement en me
disant " ton père y veut pas qu'on
fume ici " Eh eh
ça ne m'étonne
pas. L'autre a rajouté " pourtant
qu'est ce qu'on se fait chier ! "
Mon père est arrivé, il était
content, et peut-être même un peu
fier de moi. Je crois qu'il a toujours adoré
présenter ses enfants à ses collègues,
que ce soit ma sur, mon frangin ou moi.
Il a eu l'air hésitant, apparemment il
avait quelque chose à faire et il se demandait
s'il allait repousser cette chose pour rester
avec moi, ou bien la faire avant. Finalement on
l'a fait ensemble.
Il y avait un autre collègue qui était
entré dans la guitoune en même temps
que lui. Il devait avoir la cinquantaine et semblait
plutôt décontracté malgré
l'uniforme et les galons très élevés.
Il m'a plu tout de suite en tous cas, il n'avait
pas du tout l'air de se prendre au sérieux,
contrairement à certains haut gradés.
Mon père et lui devaient se rendre à
la Défense, c'était cette chose-là
que mon père avait à faire. Alors
il fut convenu que je les accompagnerais, en voiture.
On est ressorti de la guitoune pour aller jusqu'au
parking réservé. Arrivés
devant la voiture, le collègue me regarde
: " tu conduis ? " Je lui ai dit que
non, que j'avais dix-sept ans, et que je n'avais
que le permis de conduite accompagnée.
Alors il m'a dit " eh beh on va t'accompagner
! " Oh non
Je lui ai expliqué
que je n'avais pas conduit depuis des mois, et
jamais à Paris. Mon père, lui, n'avait
pas l'air de désapprouver son collègue,
et même ça le faisait sourire. Il
fallait vraiment qu'il ait confiance en moi !
Mais quand même j'hésitais, les gens
conduisent comme des fous à Paris. Et puis
le collègue, d'un seul coup, s'est mis
à boiter de la jambe en droite en me disant
" aïe j'ai une entorse, vaut mieux que
tu conduises ". Bon
je suis montée
à l'avant. Mon père était
à ma droite et l'autre gars derrière.
En s'asseyant sur la banquette il a soupiré
" pis si tu l'esquintes, t'inquiète
pas, ce sera pas la première fois ".
C'est vrai que c'était loin d'être
une belle voiture. Je n'y connais rien, je serais
bien incapable de vous dire la marque, mais c'était
un petit machin. Rien à voir avec les autres
véhicules du parking.
Je démarre. Je passe la première.
J'avance, doucement, et je sors du parking. Nous
voilà dans la rue, et après quelques
mètres j'arrivais déjà au
premier feu. Rétroviseur, clignotant à
gauche, un coup d'il dans l'angle mort et
je tourne. Au bout de la rue, me voilà
place de la Concorde. Là, ça se
compliquait un peu, j'étais légèrement
stressée, mais ça allait. Après
quelques hésitations je m'engage, le plus
dur était fait. Je me trouvais ainsi sur
les Champs Elysées. Mon père regardait
partout en même temps que moi, par contre
le propriétaire de la voiture avait l'air
tout heureux et me répétait "
eh beh tu vois, pour ta première conduite
à Paris tu remontes les Champs Elysées
! " Mouais
Mon père m'a prévenu
" fais attention au rond point ". Le
rond point, c'était l'Etoile ! J'étais
déjà passée par là
mais en tant que piétonne, je n'avais pas
fait attention au bordel innommable qui tourne
autour. Sur plusieurs files, avec priorité
à ceux qui entrent
Le pire c'était
les mobylettes, qui me passaient sous le nez devant
ou à gauche. Sans parler des voitures qui
étaient à l'intérieur et
qui sortaient en coupant devant tout le monde.
Un truc de fous ! Je me demande encore comment
je m'en suis sortie
Le reste du trajet fut
de la rigolade, à côté du
rond point de l'Etoile.
Je me suis beaucoup ennuyée à la
Défense. Mon père et son collègue
sont restés au moins une heure là-dedans,
et moi je patientais devant. En plus là-bas
c'est moche, et je ne pouvais pas trop m'éloigner
Un peu plus tard, j'étais assise sur un
banc du jardin des Tuileries, en compagnie de
mon père. Les sandwichs que j'avais préparés
étaient impeccables. Mon père m'a
demandé si je m'entendais bien avec David,
ce qu'il avait déjà fait la veille
d'ailleurs. Et ma réponse fut la même
Oui, très bien.
Puis il a déplié l'Equipe pour lire
un peu. Depuis que je le connais, c'est à
dire depuis toujours, mon père lit le magazine
l'Equipe. Il faut dire qu'il est très sportif,
et pour ça je ne tiens pas vraiment de
lui. Moi je suis partie avec mon chien du côté
du Louvres, que je préfère la nuit.
Pas terrible, le jour, la pyramide
Elle
me paraît bien fragile, à côté
des bâtiments éternels qui l'entourent.
On m'avait dit que la pyramide du Louvres, l'arc
du Carroussel, le jardin des Tuileries, l'obélisque
de la Concorde, les Champs Elysées, l'arc
de Triomphe, et enfin l'arche de la Défense,
étaient parfaitement alignés. De
là où j'étais j'ai pu vérifier
: c'est exact.
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