journal intime
179 _ mardi 17 juin 2003

L'aérodrome

J'ai la tête qui me tourne, ce soir. Sûrement à cause du vin blanc, j'ai dû boire un verre de trop. D'ailleurs je n'ai bu qu'un seul verre. C'est de ma faute, je n'aurais jamais dû accepter de suivre mes grands-parents à l'apéro. J'ai accepté car je n'avais rien d'autre à faire. Après une journée d'examens, je n'allais quand même pas me remettre directement au travail… Je les ai donc suivis.
Mais je raconte les choses complètement dans le désordre. Ce n'est pas parce que la tête me tourne que de dois écrire un texte incompréhensible. Tout d'abord, qu'est ce que mes grands-parents viennent faire ici ? C'est simple. Comme je l'ai déjà répété deux ou trois fois, ils vivent à Ars, sur l'île de Ré. De temps en temps ils viennent en ville à La Rochelle, et comme c'est assez rare ils se prévoient deux ou trois jours pour faire le tour de tous les magasins, se promener, et rendre visite à tous leurs amis. Et nous on les héberge pendant ce temps, ils sont arrivés hier, ils repartiront demain.
Quand je suis revenue de ma journée d'examens, ils m'ont demandé comment ça s'était passé. Hum… l'anglais ça va, mais les maths… Ah la la, mon voisin de table avait une magnifique calculatrice graphique et programmable. Je croyais que c'était interdit ces trucs-là, encore une fois ça devait être interdit juste dans mes fantasmes. Je découvre toujours plein de choses au dernier moment. C'est injuste, moi je n'ai qu'une pauvre machine qui permet tout juste les calculs de base, les sinus et les cosinus, à peine quelques babioles. Eux dans leur calculatrice ils enregistrent tout : les leçons de chaque chapitre, les formules importantes, les astuces, etc. Finalement ils ont tout dans la calculette, et rien dans la tête. Alors que moi je n'ai rien dans la calculette. Et rien dans la tête non plus, d'ailleurs. Cet examen fut un vrai calvaire, un véritable chemin de croix sans personne pour me soutenir. J'ai commencé un exercice, comme je n'y arrivais pas j'ai attaqué le deuxième, comme je n'y arrivais pas non plus je suis revenue sur le premier. Au bout d'un moment j'ai tiré un grand trait sur ma copie et j'en ai demandé une autre au professeur qui nous surveillait. Au bout d'une demi-heure, j'en revenais au point de départ. Un vrai calvaire !
J'ai quand même réussi à faire des choses, je n'aurai donc pas une roue de bicyclette comme note. Mais de là à obtenir la moyenne, c'est une autre paire de manches. Je pense avoir entre six et huit. Mais je n'attendais guère mieux des maths.
Par contre en anglais, je m'en suis curieusement bien tirée. Je suis pourtant nulle en anglais. Mais là j'ai trouvé le devoir vraiment simple. Noémie l'a au contraire trouvé très difficile. Bizarre. A moins que je ne sois soudainement devenue très forte en anglais ? Non, je devais être dans un bon jour, voilà.
Voilà ce que j'ai répondu à mes grands-parents. En d'autres termes bien sûr, car on ne parle pas de la même manière à ses grands-parents et à son journal. Mais en gros c'était ça. Ma grand-mère me disait : "As-tu donné le maximum ? _ Oui. _ Alors c'est le principal" a-t-elle conclu satisfaite. Mouais… je ne sais pas si c'est bien ça, le principal. L'essentiel est d'avoir la moyenne, quel que soit le travail fourni.
Quand ils allaient je revenais. Alors je suis allée avec eux. Chez Monsieur et Madame T, à La Passe. La Passe n'est sans doute pas le nom officiel, c'est comme ça qu'on l'appelle entre nous. C'est la rue de la bergerie. Je m'y balade de temps en temps quand je sors pour un bon moment. J'y étais même passée avec ma chère Julie… On était parties de Mireuil, on était passées devant le fameux coop, et on s'en était allées sur les chemins. Car au bout de la rue de la bergerie, c'est déjà la campagne.
Arrivés là-bas on s'est installé pour l'apéro. Cinq minutes après m'être assise je m'ennuyais déjà. Des non-fumeurs, en plus… J'ai tout d'abord refusé le vin blanc, le jus d'orange m'allait mieux, c'était un meilleur cru. J'avais apporté avec moi un bouquin pour réviser ma dernière épreuve, alors je me suis excusée et je suis partie à part pour travailler un peu. Evidemment ils m'ont répondu : "Mais bien sûr ! travaille ! C'est important le bac !" Eh eh… Ca impressionne beaucoup les personnes âgées, j'ai remarqué. A leur époque le bac était réservé à l'élite, alors quand tu leur dis que tu le passes, ils te regardent remplis d'admiration, et même un peu envieux… Isolée au fond du salon, j'ai relu les résumés. Une heure après je suis sortie promener mon chien.
Pas loin il y un poney club. Au plus loin de mes souvenirs, ce poney club est en construction, il doit avoir une douzaine d'années. Idem pour les potagers en face. Dans ma mémoire, je crois me rappeler d'un grand champ en friche, plus ou moins à l'abandon. A moins qu'ils n'y cultivaient du maïs ou du blé, tiens, j'ai un doute… Mais maintenant c'est rempli de petits potagers les uns à côté des autres, chacun a sa petite cabane, son petit portillon, ses petites barrières, c'est tout mignon. J'étais dans le virage sous le gros poteau électrique, j'ai ramassé un bâton que j'ai lançais à mon chien. Ca nous a occupés vingt minutes. Au-delà du champ c'est l'aérodrome de La Rochelle. Quand j'étais petite j'adorais voir passer les avions à même pas trente mètres au-dessus de notre tête, avant d'atterrir ou après le décollage. Rien que des petits avions, c'est un minuscule aérodrome. Aujourd'hui les avions, je m'en fous complètement. Et puis de l'autre côté de la route je voyais les tribunes du stade municipal. C'est fou cette vue que j'avais : le poney club, le stade, les potagers et l'aérodrome. Et je suis certaine qu'en montant de quelques mètres en hauteur, j'aurais aperçu le pont de l'île de Ré, et peut-être même l'île elle-même.
Je suis rentrée, et c'est là que j'ai accepté le verre de vin blanc de trop.
Demain, c'est la dernière épreuve et la plus importante : les sciences économiques et sociales. Celle que j'ai la plus travaillé. Jusqu'à maintenant je suis allée aux examens plutôt décontractée, mais demain je pense que je serai bien stressée sur les bords. Tout va se jouer demain. Et puis… ce sera les vacances. On fêtera sans doute ça avec des amis, je n'écrirai donc pas demain.

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