journal intime
11 _ Jeudi 19 septembre 2002

Je quitte Olivier

Hier soir, j'ai quitté Olivier. Je savais que je le ferais cette semaine, mais je n'arrivais pas à trouver le courage alors je repoussais. Je savais que ça allait lui faire énormément de peine. Ca fait plus de quatre mois que nous étions ensemble, quatre mois pendant lesquels je me suis montrée souriante, gentille, attentionnée...à aucun moment je pense il n'a pu sentir que dans le fond je n'ai jamais été amoureuse de lui. J'ai triché en quelque sorte...et je m'en veux.
Toute la journée d'hier j'étais stressée à l'idée de lui téléphoner le soir. Je ne pensais plus qu'à ça, j'étais incapable de me concentrer sur quoi que ce soit, et j'ai descendu deux paquets de cigarettes : il fallait bien que je passe mes nerfs sur quelque chose.
J'étais morte de peur à l'idée de tout le mal que j'allais lui faire, et à l'idée de ce qu'il allait penser de moi. J'ai déjeuné avec Noémie à midi, et elle n'a pas vraiment réussi à me rassurer.
Et le soir est venu. Je manque parfois de spontanéité : j'aime que les choses soient parfaitement planifiées à l'avance. Pas toujours mais parfois. Ainsi hier, je me suis fixée un horaire très précis pour l'appeler : 19H30. A cette heure-ci je savais que j'aurais du temps devant moi avant de passer à table, et puis 19H30 c'est déjà le soir et je suis toujours plus à l'aise dans la soirée que dans la journée. J'avais aussi préparé mes phrases dans ma tête, sur la manière dont je lui annoncerai que je le quitte.
Les heures ont passé très vite et je me stressais de plus en plus. L'heure venue j'avais un noeud dans le ventre, une boule coincée dans la gorge... Jamais je n'aurais cru pouvoir être un jour dans cet état, moi qui d'habitude ai tendance à toujours garder mon calme. Quand j'ai pris le téléphone dans ma chambre, assise sur mon lit, j'avais les doigts qui tremblaient. A 19H30 pétantes j'ai composé le numéro.
" Salut c'est moi ". Et il m'a répondu " salut ! " d'un ton enjoué et content, comme à chaque fois qu'on s'appelle. Ca m'a foutue en l'air de l'entendre tout heureux. Je le voyais chez lui en train de sourire, les yeux brillants... Du coup j'en ai oublié toutes les belles phrases que j'avais préparées tout au long de la journée. Il n'y avait que lui qui parlait. Il avait passé une super journée pour des raisons que j'ai déjà oubliées, et moi je me contentais de placer trois mots par-ci par-là dans la conversation : " oui...ah ? ....chouette !... " Et au bout d'un moment il a compris que je n'étais pas bien et m'a demandé pourquoi. Alors j'ai dit ce qui me passait par la tête : " Ca fait longtemps qu'on est ensemble tous les deux... " J'aurais pas dû dire ça, car ça a redoublé sa joie : " oui ! quatre mois et demi ! " m'a-t-il répondu tout heureux. Putain... Alors je lui ai dit " trop longtemps je trouve... " et il a compris. Il est resté silencieux et moi aussi, et j'entendais sa respiration qui s'accélérait. Puis il m'a dit " qu'est ce que tu essaies de me dire ? " Et là j'ai balbutié quelques conneries vagues qui n'avaient aucun sens, mais qui voulaient bien dire ce qu'elles voulaient dire. Alors il est resté silencieux et au bout d'un moment il a raccroché.
Putain quelle conne ! me suis-je dit...Moi qui voulais essayer de lui faire le moins de peine possible, je m'y serais pas prise autrement si j'avais voulu le démolir. Je suis restée immobile assise sur mon lit. Les pensées défilaient à cent à l'heure dans ma tête, j'étais incapable de m'arrêter sur l'une d'elles. Je réfléchissais vaguement à ce qu'il pouvait faire en ce moment, s'il fallait que je le rappelle ou non... J'ai fumé deux clopes et je lui ai re-téléphoné. On était plus calme. Mais j'entendais bien qu'il pleurait de son côté (même s'il essayait de le cacher) et ça me faisait mal. Mais ma décision était prise et je ne voulais pas revenir dessus. Il m'a demandé pourquoi je ne voulais pas rester avec lui. Bonne question tiens...j'en sais rien. Dans le fond je l'aime bien. Mais pas assez pour m'engager plus longtemps. J'aime aussi la solitude, j'aime bien n'avoir à penser à personne d'autre qu'à moi, j'aime bien ne pas faire de projets dans l'avenir. Tout ça c'est mes raisons. Mais en fait toutes ces raisons se résument à une seule : je ne suis pas amoureuse de lui, c'est tout.
Enfin on a réussi à parler à peu près correctement. A la fin il m'a sorti un petit monologue qui m'a quand même un peu émue : " Et bien toi tu vas continuer à voir tes copines et à promener ton chien toute seule. Et moi aussi je vais continuer tout seul. Mais quand même vivre seul c'est pas possible, avec toi tout était plus agréable, etc...etc... " Il voulait quand même venir me voir ce week-end. J'ai refusé car je savais qu'en le revoyant j'aurais craqué. Il voulait qu'on reste amis, mais je me vois mal être ami avec quelqu'un à qui j'ai fait autant de mal. Mais je lui ai quand même promis de le lui téléphoner de temps en temps, ce que je ferai...je lui dois bien ça quand même.
Après le coup de fil je me suis sentie infiniment soulagée. J'étais une vraie pile électrique, je suis descendue en bas sans raison, toute contente, et je suis remontée et je ne me contenais plus. Fini ! que je me disais. Quel bonheur ! ! !
Après manger je suis allée promener mon chien (Olivier avait raison...) dans les rues et jusqu'à la plage. Il fait encore doux à cette époque de l'année et il y avait un petit peu de monde sur le sable. Entre autres un couple d'amoureux qui avaient l'air trop bien...ils faisaient plaisir à voir. Mais je me suis dit que moi aussi quelques jours avant, avec Olivier, on devait faire plaisir à voir. Et ce n'était qu'apparence, du moins de mon côté. Alors j'ai repensé à Olivier et je me suis mise à pleurer. C'était pas de la tristesse, plutôt du soulagement. Mais quand même j'ai eu le même type d'images en pensant à lui que les images qui défilaient dans ma tête quand ma soeur est partie il y a deux ans. Des images, des flashs, des sourires, des bons moments. Tout ça c'est le temps qui passe, et il n'y a rien qui me fasse plus horreur que le temps qui passe. Encore une page de tournée. Je me chantais dans ma tête la chanson " j'ai tout oublié quand tu m'as oublié ". J'aime pas ce genre de chanson, et j'aime pas le chanteur. Mais hier soir je me la suis chantée et je me suis rendue compte que j'étais désormais pareille. Dans quelques semaines Olivier m'aura oubliée. Et là j'étais à promener mon chien toute seule comme une conne sur cette plage. J'avais le cafard. C'est clair, on n'est pas fait pour vivre seul.

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