Hier soir, j'ai
quitté Olivier. Je savais que je le ferais
cette semaine, mais je n'arrivais pas à
trouver le courage alors je repoussais. Je savais
que ça allait lui faire énormément
de peine. Ca fait plus de quatre mois que nous
étions ensemble, quatre mois pendant lesquels
je me suis montrée souriante, gentille,
attentionnée...à aucun moment je
pense il n'a pu sentir que dans le fond je n'ai
jamais été amoureuse de lui. J'ai
triché en quelque sorte...et je m'en veux.
Toute la journée d'hier j'étais
stressée à l'idée de lui
téléphoner le soir. Je ne pensais
plus qu'à ça, j'étais incapable
de me concentrer sur quoi que ce soit, et j'ai
descendu deux paquets de cigarettes : il fallait
bien que je passe mes nerfs sur quelque chose.
J'étais morte de peur à l'idée
de tout le mal que j'allais lui faire, et à
l'idée de ce qu'il allait penser de moi.
J'ai déjeuné avec Noémie
à midi, et elle n'a pas vraiment réussi
à me rassurer.
Et le soir est venu. Je manque parfois de spontanéité
: j'aime que les choses soient parfaitement planifiées
à l'avance. Pas toujours mais parfois.
Ainsi hier, je me suis fixée un horaire
très précis pour l'appeler : 19H30.
A cette heure-ci je savais que j'aurais du temps
devant moi avant de passer à table, et
puis 19H30 c'est déjà le soir et
je suis toujours plus à l'aise dans la
soirée que dans la journée. J'avais
aussi préparé mes phrases dans ma
tête, sur la manière dont je lui
annoncerai que je le quitte.
Les heures ont passé très vite et
je me stressais de plus en plus. L'heure venue
j'avais un noeud dans le ventre, une boule coincée
dans la gorge... Jamais je n'aurais cru pouvoir
être un jour dans cet état, moi qui
d'habitude ai tendance à toujours garder
mon calme. Quand j'ai pris le téléphone
dans ma chambre, assise sur mon lit, j'avais les
doigts qui tremblaient. A 19H30 pétantes
j'ai composé le numéro.
" Salut c'est moi ". Et il m'a répondu
" salut ! " d'un ton enjoué et
content, comme à chaque fois qu'on s'appelle.
Ca m'a foutue en l'air de l'entendre tout heureux.
Je le voyais chez lui en train de sourire, les
yeux brillants... Du coup j'en ai oublié
toutes les belles phrases que j'avais préparées
tout au long de la journée. Il n'y avait
que lui qui parlait. Il avait passé une
super journée pour des raisons que j'ai
déjà oubliées, et moi je
me contentais de placer trois mots par-ci par-là
dans la conversation : " oui...ah ? ....chouette
!... " Et au bout d'un moment il a compris
que je n'étais pas bien et m'a demandé
pourquoi. Alors j'ai dit ce qui me passait par
la tête : " Ca fait longtemps qu'on
est ensemble tous les deux... " J'aurais
pas dû dire ça, car ça a redoublé
sa joie : " oui ! quatre mois et demi ! "
m'a-t-il répondu tout heureux. Putain...
Alors je lui ai dit " trop longtemps je trouve...
" et il a compris. Il est resté silencieux
et moi aussi, et j'entendais sa respiration qui
s'accélérait. Puis il m'a dit "
qu'est ce que tu essaies de me dire ? " Et
là j'ai balbutié quelques conneries
vagues qui n'avaient aucun sens, mais qui voulaient
bien dire ce qu'elles voulaient dire. Alors il
est resté silencieux et au bout d'un moment
il a raccroché.
Putain quelle conne ! me suis-je dit...Moi qui
voulais essayer de lui faire le moins de peine
possible, je m'y serais pas prise autrement si
j'avais voulu le démolir. Je suis restée
immobile assise sur mon lit. Les pensées
défilaient à cent à l'heure
dans ma tête, j'étais incapable de
m'arrêter sur l'une d'elles. Je réfléchissais
vaguement à ce qu'il pouvait faire en ce
moment, s'il fallait que je le rappelle ou non...
J'ai fumé deux clopes et je lui ai re-téléphoné.
On était plus calme. Mais j'entendais bien
qu'il pleurait de son côté (même
s'il essayait de le cacher) et ça me faisait
mal. Mais ma décision était prise
et je ne voulais pas revenir dessus. Il m'a demandé
pourquoi je ne voulais pas rester avec lui. Bonne
question tiens...j'en sais rien. Dans le fond
je l'aime bien. Mais pas assez pour m'engager
plus longtemps. J'aime aussi la solitude, j'aime
bien n'avoir à penser à personne
d'autre qu'à moi, j'aime bien ne pas faire
de projets dans l'avenir. Tout ça c'est
mes raisons. Mais en fait toutes ces raisons se
résument à une seule : je ne suis
pas amoureuse de lui, c'est tout.
Enfin on a réussi à parler à
peu près correctement. A la fin il m'a
sorti un petit monologue qui m'a quand même
un peu émue : " Et bien toi tu vas
continuer à voir tes copines et à
promener ton chien toute seule. Et moi aussi je
vais continuer tout seul. Mais quand même
vivre seul c'est pas possible, avec toi tout était
plus agréable, etc...etc... " Il voulait
quand même venir me voir ce week-end. J'ai
refusé car je savais qu'en le revoyant
j'aurais craqué. Il voulait qu'on reste
amis, mais je me vois mal être ami avec
quelqu'un à qui j'ai fait autant de mal.
Mais je lui ai quand même promis de le lui
téléphoner de temps en temps, ce
que je ferai...je lui dois bien ça quand
même.
Après le coup de fil je me suis sentie
infiniment soulagée. J'étais une
vraie pile électrique, je suis descendue
en bas sans raison, toute contente, et je suis
remontée et je ne me contenais plus. Fini
! que je me disais. Quel bonheur ! ! !
Après manger je suis allée promener
mon chien (Olivier avait raison...) dans les rues
et jusqu'à la plage. Il fait encore doux
à cette époque de l'année
et il y avait un petit peu de monde sur le sable.
Entre autres un couple d'amoureux qui avaient
l'air trop bien...ils faisaient plaisir à
voir. Mais je me suis dit que moi aussi quelques
jours avant, avec Olivier, on devait faire plaisir
à voir. Et ce n'était qu'apparence,
du moins de mon côté. Alors j'ai
repensé à Olivier et je me suis
mise à pleurer. C'était pas de la
tristesse, plutôt du soulagement. Mais quand
même j'ai eu le même type d'images
en pensant à lui que les images qui défilaient
dans ma tête quand ma soeur est partie il
y a deux ans. Des images, des flashs, des sourires,
des bons moments. Tout ça c'est le temps
qui passe, et il n'y a rien qui me fasse plus
horreur que le temps qui passe. Encore une page
de tournée. Je me chantais dans ma tête
la chanson " j'ai tout oublié quand
tu m'as oublié ". J'aime pas ce genre
de chanson, et j'aime pas le chanteur. Mais hier
soir je me la suis chantée et je me suis
rendue compte que j'étais désormais
pareille. Dans quelques semaines Olivier m'aura
oubliée. Et là j'étais à
promener mon chien toute seule comme une conne
sur cette plage. J'avais le cafard. C'est clair,
on n'est pas fait pour vivre seul.
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