journal intime
6 _ Samedi 7 septembre 2002

Olivier

Mon copain Olivier est là en ce moment, chez moi… J'avais oublié qu'il venait ce week-end, c'est dire si j'y attache de l'importance… En ce moment il travaille dans la pièce à côté (le bureau de mon père), je dois préciser qu'il a envie de se constituer un bon dossier scolaire pour intégrer une bonne école l'année prochaine, alors il bosse comme un furieux. Ce qui fait d'ailleurs une différence de taille entre lui et moi qui me fous complètement de ce que je ferai l'an prochain.
Hier soir je suis allée l'accueillir à la gare de La Rochelle. L'an dernier il habitait ici mais il a déménagé avec ses vieux sur Bordeaux, on ne peut donc plus se voir que le week-end. Et je pense qu'on ne se verra plus très longtemps d'ailleurs, car j'ai de moins en moins de joie à le retrouver, à le revoir et à l'embrasser.
Hier soir, donc, j'étais à la gare. Il était 21h00, à cette heure là dans notre ville, qui est loin d'être géante, la gare est bien vide, bien silencieuse, et j'attendais tranquillement qu'il arrive. Et l'heure est venue et son train est entré en gare. Comme d'habitude je lui ai souri et on s'est embrassé. Il était sans doute plus heureux que moi j'imagine. Ca se voyait qu'il était content à plein de détails : son sourire (qui n'était pas forcé comme le mien j'imagine), ses yeux, etc…
J'aurais bien voulu que ce soit comme dans la chanson de Brassens, La Marine, dans laquelle il parle de tous ces petits moments éphémères quand deux amoureux sont longtemps séparés puis se retrouvent. Tout ce que les autres font au fil des semaines, les amoureux qui se retrouvent pour un ou deux jours le font en quelques heures : ils se font rire, ils fêtent leurs retrouvailles, ils s'offrent des cadeaux, ils font l'amour, tout ça en boucle le temps d'une journée. Mais nous non. Avant oui mais plus maintenant. Ca ne fait pourtant que quatre mois qu'on est ensemble lui et moi. Et c'est le premier week-end qu'on passe tous le deux après un long moment sans se voir. Il faut dire que maintenant les cours ont repris, on termine le vendredi soir pour recommencer le lundi matin…ça aide pas. En attendant j'avais honte, moi, de l'embrasser et de lui sourire. Comment peut-on être aussi malhonnête envers soi-même et envers quelqu'un… Le pauvre il va tomber des nues quand je lui annoncerai que je le quitte. C'est sûr qu'il n'aura rien vu venir. Surtout que je n'aurai aucune raison valable à lui fournir. Je n'ai rien à lui reprocher, je n'aime pas quelqu'un d'autre… Enfin si j'en ai une raison, c'est que je ne me plais plus avec lui, mais tout le monde n'accepte pas facilement ce genre de raisons, et je pense que lui il aura du mal à l'encaisser.
Quatre mois avec une personne ce n'est pas rien quand même, je ne peux pas dire qu'il m'est indifférent. C'est peut-être pour ça que j'ai envie de parler de lui aujourd'hui.
Je vis chez mes parents comme je l'ai déjà dit, et comme hier il était tard quand il est arrivé on est resté manger à la maison. Mes parents me font rire quand il y a un invité, ils sont plus attentionnés que d'habitude, ma mère soigne d'avantage sa cuisine, mon père fait moins de blagues nulles… Et mon petit frère parle trois fois plus, je crois qu'il aime bien être aimé des personnes que je fréquente, il doit s'en sentir " grandi " vue la différence d'âge qui nous sépare (4 ans). Enfin bref il y a toujours une ambiance particulière dans la maison quand il y a un nouveau, et comme Olivier est très apprécié par ma famille ça se passe très bien. Trop bien apprécié même, mes parents me demandent souvent comment il va, et ce qu'il fait, et si sa nouvelle vie lui plaît, etc… Parfois c'est relou, j'ai pas toujours envie de leur en parler à eux. Mais je suppose que s'ils ne me posaient jamais aucune question je trouverais ça bête aussi… On a quitté la table à minuit enchantés, plein de nouvelles les uns sur les autres. Dans ma famille aussi ils vont tomber des nues quand ils apprendront que je le quitte. C'est parfois chiant d'être le point de mire comme ça. Enfin heureusement qu'on est deux cibles avec mon petit frère, j'ose pas imaginer ce que ce serait si j'étais fille unique…
Le grand défaut d'Olivier, c'est qu'il travaille trop. Sérieux y a des limites quand même ! Je sais bien que moi je suis dans l'extrême opposée, fervente partisane du moindre effort, mais faut pas pousser… Ca fait trois jours qu'il a commencé et il travaille déjà tous les jours, même ce week-end alors qu'il est chez moi ! Je lui ai dit hier soir " eh mon gars c'est le bac que tu passes c'est qu'un diplôme comme les autres y a pas de quoi se tuer au travail pour ça ! " Mais non, lui il veut l'avoir avec une mention son diplôme, et qui plus est la mention bien voire très bien. Y en a vraiment qui aiment se compliquer la vie franchement… Il veut faire ingénieur plus tard. Ingénieur en quoi ça il ne sait pas mais ingénieur. Comme quoi il est plus motivé par les honneurs ou par le fric que par une activité précise. J'ai du mal à comprendre ça d'ailleurs. Y en a qui au contraire sont passionnés par un domaine particulier, et font tout pour l'intégrer, et se moquent bien de savoir quel poste ils y occuperont. Je trouve cette attitude plus respectable.
Pour ma part je n'ai aucune idée de ce que je veux faire plus tard. Je suis comme un poisson rouge moi : je n'envisage jamais l'avenir à plus de trois secondes à l'avance. Par contre c'est fou ce que je peux penser au passé… Enfin peu importe.
Ca fait maintenant trois jours que j'ai repris les cours et j'en ai déjà marre. C'est dommage, d'habitude je suis plus longue avant de commencer à m'ennuyer… Je connais désormais tous les profs à qui j'aurai affaire cette année et franchement je ne suis pas gâtée. Ils sont tous très motivés, et il n'y a rien de pire que des profs motivés : ce sont ceux-là qui vous donnent le plus de devoirs, de contrôles, d'interros surprise, etc... Je mettrai quand même une nuance sur mon prof d'histoire qui est excellent. Quant à ma prof de sport je ne peux pas en parler puisque pendant le cours de jeudi soir je me suis retournée un ongle au bout de cinq minutes en essayant d'attraper en plein vol un ballon de basket. Je saignais légèrement du petit doigt mais le règlement est formel : à la moindre goutte de sans c'est direct à l'infirmerie. L'avantage c'est que j'ai débauché deux heures plus tôt que tout le monde, l'inconvénient c'est qu'avec un ongle cassé c'est pas évident de jouer de la guitare (et oui je joue de la guitare, et je chante aussi, c'est mon petit plaisir ça).
En attendant que mon copain termine sagement ses devoirs, je vais me passer un peu de musique. Le week-end prochain c'est moi qui descendrai le voir et j'en suis très contente. Pas pour lui mais pour sa ville, Bordeaux, je n'y ai jamais mis les pieds et j'adore visiter de nouvelles villes. Il m'a dit que c'était pas mal, un peu bordélique à cause des travaux mais pas mal quand même. Je suis impatiente de voir ça. Mais je pense que ce seront mes derniers moments avec lui.

Lycée Dautettexte précédent texte suivant Dimanche de septembre