Je reviens de
Bordeaux où j'ai passé, disons,
un week-end très correct. La ville de Bordeaux
m'a bien plu mais alors hou la la ! Quel bordel
innommable ! En effet en ce moment ils sont en
train de mettre en place le tramway, et je crois
honnêtement que ceux qui organisent tout
ça ne sont pas à la hauteur. Je
ne dis pas que c'est simple de bâtir une
telle structure, surtout dans une ville telle
que celle-ci où toutes les rues sont étroites
et les maisons les unes par-dessus les autres,
mais franchement il y a des limites
J'ai vu des choses auxquelles je n'aurais jamais
cru si on me les avait racontées. Une rue
entière fermée à la circulation
pour un simple petit trou dans la chaussée
à un endroit, des quartiers ravagés
par les tractopelles, des machines à goudron
par centaines éparpillées aux quatre
coins de la ville
Les travaux là-bas
c'est Apocalypse Now ! Les mecs tu leurs donnes
un quartier à aménager, ils t'en
font un no man's land !! Des trottoirs défoncés,
des chaussées démolies, des routes
détournées à ne plus savoir
quoi en faire
Olivier m'expliquait que régulièrement
il était obligé de modifier son
itinéraire pour se rendre d'un point à
un autre. Là-bas, une rue qui est ouverte
un jour peut très bien se retrouver fermée
le lendemain, sans aucune raison apparente. Le
plus beau que j'ai vu, quand même, c'était
un feu rouge à un endroit où il
n'y avait pas d'intersection
! Même
pas de passage piéton, ni de sortie, ni
d'arrêt de bus, rien ! Juste un feu planté
sur le bord de la route
Hallucinant.
Ce qui est pas mal aussi c'est qu'au lieu de se
concentrer sur un point précis et de mettre
tous leurs efforts dessus, ils ont préféré
tout construire en même temps. Ainsi ils
sont après travailler sur le pont d'Aquitaine
afin de l'élargir. Le pont d'Aquitaine,
construit dans les années soixante, était
à l'époque une merveille de technologie,
un peu comme le golden gate de San Francisco en
plus petit. Manque de bol ils l'ont fait trop
étroit
vive la France ! D'après
ce qu'on m'a raconté ça fait deux
ans qu'ils essaient de l'élargir, sans
succès pour l'instant. Il paraît
même que pendant un moment il menaçait
de s'effondrer. Deux-cent milles tonnes de goudron
au milieu du fleuve ça aurait été
chouette
Cela-dit j'ai trouvé cette ville très
charmante. Si on se masque les yeux sur ces travaux
provisoires, Bordeaux est une ville qui a du charme.
A part Paris, j'ai pu visiter la plupart des grandes
villes de ce pays (Lyon, Marseille,
), et
chaque ville a son " style ". C'est
un peu normal d'ailleurs, des milliers d'années
de civilisation ne peuvent pas laisser une cité
sans âme, sans caractère
Dans
le Sud, vers Nîmes, c'est le style à
la romaine, les cirques et les aqueducs
A Marseille, c'est la Méditerranée,
le soleil et la soif
Bordeaux quant à
elle me donne l'impression d'une ville anciennement
très riche. Qui dit Bordeaux dit vin rouge,
et qui dit vin rouge dit grands viticulteurs énormément
riches, qui exportent le sang de leur terre dans
le monde entier. Et ce sont ces viticulteurs qui
ont dû donner à Bordeaux cette âme
de ville fière et droite. Les quais qui
longent le fleuve soutiennent une très
longue rangée de bâtiments parfaitement
alignés les uns à la suite des autres
sur deux ou trois kilomètres. Et tous les
trois cents mètres il y a une sorte de
vieux hangar tout pourri, en ruine
Ils ont
dû connaître leur heure de gloire,
ces hangars, à l'époque où
les cargos venaient encore en ville vendre leurs
marchandises. Mais maintenant ils ne servent plus
à grand chose. Je doute qu'ils survivent
encore très longtemps.
Olivier habite un très vieil appartement
dans le centre, près de la place Gambetta.
Il le partage avec un colocataire que j'avais
déjà rencontré un jour à
La Rochelle. On était donc trois sous le
même toit et Olivier le regrettait un peu.
Moi aussi mais pas trop, je pense que je me serais
sentie mal à l'aise pendant deux jours
si nous n'avions été que tous les
deux.
J'ai bien aimé ce petit séjour car
on n'a pas fait ce que je n'aime pas (manger au
Mac Do, danser), et au contraire on a fait ce
que j'apprécie : on est allé dans
un bistrot bien de chez nous et on y a passé
la soirée. Enfin je dis " bien de
chez nous "
pas vraiment puisque c'était
un pub irlandais. Enfin avec ces américains
qui envahissent notre pays depuis cinquante ans
avec leurs cochonneries de tout genre, je considère
que tout ce qui est européen est de "
chez nous ".
On est resté là de 9H00 du soir
jusqu'à 02H00. Plusieurs inconnus sont
venus à tour de rôle nous adresser
la parole, ça fait plaisir de voir que
tout le monde n'est pas refermé sur lui-même
dans cette société. Le pub était
bondé de monde à partir de 10H00,
et il y avait là toutes sortes de gens.
Des irlandais et des français en majorité,
des gros rasés, des femmes, des arabes
Tous ces gens s'entendaient très bien entre
eux.
L'autre jour, je pensais en moi-même que
la plupart des gens racistes, dans le fond, ne
savent pas pourquoi il le sont, et que donc c'est
une preuve de manque d'intelligence que de ne
pas aimer les étrangers. Et puis à
bien y réfléchir, je me suis dit
que la plupart des gens qui, au contraire, sont
contre le racisme, ne savent pas non plus pourquoi
ils sont contre. Au fond, il y a très peu
de gens qui se forgent eux-mêmes leurs propres
opinions après y avoir mûrement réfléchi.
Mais moi samedi soir j'ai compris pourquoi je
n'étais pas raciste. Il suffisait d'ouvrir
les yeux et de regarder cinq minutes tous ces
irlandais, ces français, ces blancs et
ces arabes, discuter entre eux et rigoler. Tous
étaient différents. Après
leur petit verre, certains iront dans un autre
bar, certains iront regarder la télé,
et d'autres iront faire leur prière. Ils
sont tous différents, et c'est ce qui fait
le charme du tableau. Qu'est ce qu'on se ferait
chier si on était tous pareils !
Quand j'y repense, je crois que c'est pour ça
que j'ai bien aimé cette ville. C'est le
bordel, les gens sont un peu stressés dans
les rues par la circulation, les bistrots sont
remplis de monde le samedi soir, parfois les gens
s'engueulent, parfois ils se marrent, mais dans
le fond c'est ce gros bordel qui donne tout son
intérêt à la ville. C'est
ça Bordeaux, c'est ça la France
même
Et c'est ça l'Europe aussi
probablement.
Cela-dit, j'étais bien contente de retrouver
ma ville. Elle est bien moins grande, bien moins
animée, mais elle aussi elle a son charme.
Et pis merde c'est ma ville quoi
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