journal intime
29 _ Lundi 21 octobre 2002

Tout est fini

Eh ben voilà, c'est fini, bien fini… Encore une page de tournée. Mais non c'est vrai, la page il y a déjà plusieurs jours qu'elle était tournée dans ma tête, déjà plusieurs jours que je me suis fait une raison, Alain et moi ça ne peut pas marcher, c'est tout, c'est la " faute à la fatalité " comme disait Bruant. C'est comme ça. Alain et moi on s'est séparé, sans éclat, sans colère et sans larmes, et ça craint.
J'ai déjà presque oublié comment ça s'est passé, c'était pourtant il y a quelques heures… Je sais que c'est moi qui l'ai quitté, mais de toutes façons lui ou moi peu importe, ça ne change rien à l'histoire. C'était juste après la leçon de conduite, on a parlé pendant une bonne heure, il était déçu, il a vraiment cherché à comprendre pourquoi et je sais qu'il ne faisait pas semblant. Je sais qu'il m'aime bien et qu'il aurait bien voulu que ça dure un peu plus longtemps. Mais pour moi " un peu plus longtemps " ça ne suffit pas, je veux que ça dure très longtemps ou bien que ça s'arrête tout de suite. Je ne vois pas l'intérêt de rester avec quelqu'un quand on sait que… quand on sait quoi ? Je ne finis même pas mes phrases, je dois quand même avouer que j'écris toujours tête baissée, sans réfléchir à ce que je vais dire, et parfois je suis obligée de reprendre mes phrases. Mais ce soir je veux tout écrire d'une traite, et rien corriger.
Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression d'avoir le don de toujours choisir les disques qui me parlent le plus à un instant donné. Daniel Guichard, jamais j'écoute ça moi ! Il est à mon père le disque, j'ai dû l'entendre deux fois dans ma vie. Et pourtant dans la première chanson il dit " Faut pas pleurer comme ça, pleurer pour qui pourquoi ? Pour quelques mots d'amour jetés dans une cour et qui s'en vont mourir " Pffff… C'est vrai ça merde, voilà ce qu'il m'a fait Alain, il m'a jeté quelques mots d'amour comme ça, des mots d'amour qui m'ont fait tant plaisir mais qui ne valaient rien dans le fond. On ne devrait jamais dire qu'on aime quelqu'un quand ce n'est pas entièrement sincère. Je ne suis même pas triste. C'est vrai ça fait plusieurs jours que je sais que c'est fini, alors ma peine est déjà noyée. Enfin quand même tout à l'heure j'ai pleuré. Je sais, je pleure tout le temps comme une petite fille, pour un oui ou pour un non, mais bon ça fait du bien de pleurer quand même. Plutôt que de nous donner des conseils, certaines personnes feraient mieux de nous aider à pleurer un bon coup. Alors Daniel Guichard il peut toujours dire que " pleurer ça sert à rien ", moi je suis pas d'accord, malgré tout le respect que j'ai envers sa chanson, pleurer ça sert à libérer ce qu'on a sur le cœur. Mais pleurer seule c'est pas marrant. Si ma sœur était encore là, c'est sûr que j'aurais pu tout lui raconter. Ca sert aussi à ça une grande sœur je crois. Parfois je lui parle, dans ma tête ou tout bas, en me disant que peut-être là haut elle m'entend, mais j'ai du mal à y croire quand même. Putain… comme ce serait magnifique si après la vie on pouvait tous se retrouver là haut. J'imagine ça parfois, je me vois en train de monter au ciel, et je vois ma sœur qui m'attend bras ouverts, et je lui tombe dans les bras en pleurant de joie. Ce trip !
Mais bon en attendant j'ai personne. J'ai bien Noémie à qui je parle de tout ça mais je ne sais pas, c'est pas pareil… Y a bien mon petit frère mais il n'a que treize ans, il ne pourrait pas comprendre. Mais si, y a pas d'âge pour comprendre ces choses-là, mais bon je ne veux pas l'embêter avec ça. Heureusement j'ai mon chien. Il le sent quand je ne suis pas bien, et quand je pleure il prend ses petits yeux tristes et il vient poser sa tête sur ma cuisse et ça me fait du bien. Alors je le prends dans mes bras, il pose sa tête sur mon épaule et je me serre joue contre joue avec lui. Il est génial.
Je suis allée me promener avec lui ce soir après mangé, on est allé sur la plage de la Concurrence, c'est une petite plage où je viens très souvent, surtout hors période touristique, car elle est à deux pas du port et à deux pas de chez moi, elle est charmante, surtout le soir car il n'y a personne, et on entend à peine le bruit de la ville derrière. C'est là que j'étais venue le soir où j'avais quitté Olivier, finalement cette plage elle est témoin de tous mes petits morceaux de vie. Mais ma vie c'est quoi ? Pfff… des petits bouts de rien mis les uns à la suite des autres sans aucune logique. Ca ne ressemble à rien. Mais bon je suppose que c'est pour tout le monde pareil.
J'aime bien aussi cette plage pour la mer (normal d'ailleurs pour une plage). C'est beau la mer quand on y pense, moi ça me fait rêver. Surtout quand j'étais petite , moins maintenant mais un peu quand même. D'habitude elle me remonte le moral mais là elle m'a rappelé que mon père prenait le bateau mercredi pour six mois. Eh ben ! Moi je partirais bien avec lui ! Six mois loin de cette société, loin de tout, de ces amours ridicules, de tous nos petits soucis. Remarquez l'homme est tellement con que si ça se trouve, même toute seule sur l'océan sur un bateau en fer, je trouverais quand même le moyen de me créer des soucis. C'est vrai, quelqu'un qui n'est pas heureux ici, je vois pas pourquoi il le serait ailleurs. N'empêche que je partirais bien quand même, j'emmènerais juste mon chien, et c'est tout. Ah si, j'emmènerais aussi Mathieu et Noémie car ils sont formidables. D'ailleurs quelque chose me dit qu'ils sont amoureux. Hier Mathieu a appelé Noémie car il avait un truc à lui demander, comme par hasard… Eh eh… Ce serait chouette qu'ils sortent ensemble, je serais super contente, et en plus ce serait un peu grâce à moi… A défaut d'être heureuse, rendre les autres heureux ce n'est déjà pas mal. Comme le disait le Père Jesaisplusqui, un médecin sans frontières catholique venu faire une conférence dans mon lycée l'année dernière : " moi je ne connais pas trente-six façons d'être heureux, je n'en connais qu'une : c'est de rendre les autres heureux "… C'est joli comme phrase. Je ne sais pas trop quoi en penser mais c'est joli.
J'ai repensé à Mireille et à sa fille Julie qui vont arriver chez nous vendredi et qu'on va héberger pour deux ou trois semaines. J'ai fouillé dans mes souvenirs pour essayer de me rappeler d'elles, mais je n'y arrive pas. Ma mère m'a dit qu'elles étaient venues ici en novembre 1990… Hou la c'est loin ! J'avais cinq ans ! Je me rappelle du 11 novembre de cette année-là, de la célébration de l'Armistice (il y avait un vieil ancien combattant qui avait la mâchoire déboîtée). En creusant dans mes souvenirs j'arrive à me rappeler du lendemain de ce jour-là (le 12) et du surlendemain (le 13, donc). Avec un peu de chance je vais remonter jusqu'au jour où Julie et sa mère sont arrivées. Ne me prenez pas pour une folle, j'adore faire des recherches dans ma mémoire comme ça. D'ailleurs pour ça la nuit est excellente, elle porte vraiment conseil, alors je vais aller me coucher.

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