Ca y est, le v'là
parti mon beau Papa
Je dis mon " beau
" Papa parce que franchement, avec l'uniforme,
la casquette et surtout les galons ben il assure
! Je ne vais plus le voir pendant six mois, enfin
très peu, juste quelques jours dans deux
mois puis dans quatre.
Je l'ai accompagné avec mon frère
à la base car je voulais voir le bateau
sur lequel il allait vivre pendant tout ce temps.
En début d'après-midi on est donc
parti ensemble, mon père, mon frangin et
moi, emmenés par Philippe, un ami de très
longtemps de mon père, qui est militaire
dans la marine lui aussi mais qui reste à
glander dans les bureaux. Je parle de tout ça
et je me rends compte que finalement, j'ai assez
peu parlé de mes parents jusqu'à
maintenant. Mon père est quelqu'un de très
rieur, fonceur, assez susceptible, facilement
coléreux
Enfin je devrais plutôt
dire " était " car il s'est beaucoup
calmé ces dernières années.
Mais voilà ! Pour le décrire, le
mieux c'est que je retranscrive ici un poème
que ma sur lui avait écrit un jour,
je crois qu'il définit parfaitement le
caractère de mon père. Je ferai
signaler qu'il faut aussi lire la première
lettre de chaque phrase pour obtenir la vraie
définition de mon père :
Géant
à ma mesure
Elégant
car il assure
Négligé
de temps
Il est lui
tout simplement
Adorable ou
coléreux
Léger,
rieur, ou grincheux
Poilant sans
modération
Animateur
à l'occasion
Papa sera
toujours aimé
Avec défauts
et qualités
J'espère que je ne regretterai pas d'avoir
mis ça en ligne. Bah non, je vois pas pourquoi...
Nous sommes donc partis en début d'après-midi
à la base navale de Rochefort Sur Mer,
une ville un plus au sud de chez nous. Durant
le trajet, mon père et Philippe discutaient
de plein de choses et ça me faisait sourire
car Philippe c'est un marseillais de naissance,
un vrai avé l'accent et tout. Il est très
calme comme type, pas du tout comme mon père
donc, et pourtant ils s'entendent à merveille.
Je les ai parfois vus partir dans des fous rires
incroyables.
Une fois arrivés, mon père a commencé
par faire le tour des tous les bureaux pour régler
des affaires, alors pendant ce temps on est allé
se balader en ville avec mon petit frère.
C'est vrai, je la connaissais en fait assez peu,
cette ville de Rochefort, qui est pourtant la
deuxième du département. Mais en
même temps c'est vrai que ça ne casse
pas des clous, quand même. On est revenu
pour 4H00 et là on a eu droit à
la visite guidée du bateau. C'est carrément
génial. Pendant une heure et demi, on a
tout visité, tout, dans les moindres détails.
Mon père nous a tout montré, d'un
bout à l'autre et de bas en haut. La salle
des machines, ou plutôt les salles des machines,
c'est quelque chose d'ultra sophistiqué,
les hommes qui travaillent là ont un niveau
très élevé. Des millions
de tuyaux, de fils,
Il y a des grandes
salles très spacieuses et des minuscules
où la température monte parfois
à 60°
Des échelles pour
passer d'une pièce à l'autre, des
espèces de chaudière,
On a
aussi visité l'endroit " militaire
" proprement dit, car il ne faut pas oublier
que c'est un bateau de guerre quand même,
ça fait un paquet de temps que la France
n'a pas eu à se servir de tout ça
mais bon, il y en a encore. Plein de trucs et
de machins pour lancer des missiles, des petites
fusées, pour détecter les sous-marins,
les avions, les autres bateaux et tout le reste.
On a traversé tout le pont et là
encore il y a pas mal de canons, surtout des petits
qui ne paient pas de mine, mais dont la portée
et la précision sont paraît-il énormes.
Genre ça dégommerait un petit radeau
flottant sur l'eau à trois kilomètres.
Puis on visité les salles où les
marins dorment et mangent. Il y a même une
sorte de petit bistrot. L'alcool n'est pas très
conseillé par les autorités, mais
bon ils en amènent une quantité
largement suffisante pour le voyage
le contraire
m'aurait étonnée.
Pendant que mon père réglait encore
quelques affaires, je me suis fumé une
cigarette sur le pont en me disant que moi aussi
j'aimerais bien partir pour de bon, et pour longtemps.
S'il me le proposait, je dirais oui sans hésiter.
Avant qu'on ne se sépare, mon père
m'a parlé et m'a dit des choses qui m'ont
vraiment troublée. On était tous
les deux dans une pièce du bateau très
sombre, éclairée par une toute petite
lampe, et il a posé ses mains sur mes mes
épaules comme il le fait chaque fois qu'il
veut me parler sérieusement. Il a bien
vu que depuis quelques jours je ne vais pas très
bien. Il sait exactement tout ce qui s'est passé
avec Alain, et je crois qu'il en a du chagrin
pour moi. Et il sait aussi que ça me fait
de la peine qu'il parte. J'ai beau avoir dix-sept
ans, je n'aime pas quand il n'est pas là,
y en a peut-être qui me trouveront ridicule
mais c'est ainsi. Il m'a regardée dans
les yeux et il m'a dit (je déforme sûrement
un peu ) : " J'ai bien vu que t'étais
pas en grande forme depuis quelques jours. Je
sais pas trop ce que tu penses, tu nous dis jamais
ce que t'as sur le cur, mais c'est ton caractère.
Mais si tu savais comme je t'aime ! Tu peux pas
imaginer comme on t'aime Maman et moi, toi et
Julien vous êtes nos enfants, on vous adore,
vous êtes tout pour nous. On vous aime peut-être
trop, même. Souvent je pense à toi
dans la journée et je me dis " j'espère
qu'elle ne réfléchit pas trop à
ça, qu'elle ne se pose pas trop de questions
"
Ca va aller ? " Ah la la
ça m'a encore fait pleurer tout ça.
Je suis décidément sensible aux
moindres paroles.
Enfin voilà, il est parti, et moi je reste
là.
C'est les vacances ! Enfin ! Depuis quelques jours
je n'écoutais plus rien du tout en cours,
alors il était temps. Aussitôt rentrés
(c'est Philippe qui nous a ramenés), ma
mère et moi on est parti acheter de la
tapisserie et de la moquette : j'ai enfin réussi
à la convaincre de retaper entièrement
l'ancienne chambre de ma sur ! Mais il va
falloir faire vite car Julie et sa mère
arrivent vendredi soir.
A propos de Julie, j'ai enfin réussi à
la retrouver dans ma mémoire ! Eh oui,
j'ai une image très précise, je
vois ma mère entrer dans ma chambre avec
une autre femme (sans doute Mireille) et m'offrir
une bande dessinée à moi ainsi qu'à
la fille qui est avec moi. Et cette fille elle
est blonde, plus jeune que moi, j'en suis certaine,
ça ne peut être que Julie ça
! Je me disais bien aussi, qu'il y avait forcément
un petit souvenir d'elle quelque part dans ma
mémoire. Bon allez je me sauve, il est
minuit mais je vais me remettre à faire
la tapisserie, et demain je me lève à
l'aube pour continuer.
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