journal intime
30 _ Mercredi 23 octobre 2002

Voilà mon père parti

Ca y est, le v'là parti mon beau Papa… Je dis mon " beau " Papa parce que franchement, avec l'uniforme, la casquette et surtout les galons ben il assure ! Je ne vais plus le voir pendant six mois, enfin très peu, juste quelques jours dans deux mois puis dans quatre.
Je l'ai accompagné avec mon frère à la base car je voulais voir le bateau sur lequel il allait vivre pendant tout ce temps. En début d'après-midi on est donc parti ensemble, mon père, mon frangin et moi, emmenés par Philippe, un ami de très longtemps de mon père, qui est militaire dans la marine lui aussi mais qui reste à glander dans les bureaux. Je parle de tout ça et je me rends compte que finalement, j'ai assez peu parlé de mes parents jusqu'à maintenant. Mon père est quelqu'un de très rieur, fonceur, assez susceptible, facilement coléreux… Enfin je devrais plutôt dire " était " car il s'est beaucoup calmé ces dernières années. Mais voilà ! Pour le décrire, le mieux c'est que je retranscrive ici un poème que ma sœur lui avait écrit un jour, je crois qu'il définit parfaitement le caractère de mon père. Je ferai signaler qu'il faut aussi lire la première lettre de chaque phrase pour obtenir la vraie définition de mon père :

Géant à ma mesure
Elégant car il assure
Négligé de temps
Il est lui tout simplement
Adorable ou coléreux
Léger, rieur, ou grincheux
Poilant sans modération
Animateur à l'occasion
Papa sera toujours aimé
Avec défauts et qualités


J'espère que je ne regretterai pas d'avoir mis ça en ligne. Bah non, je vois pas pourquoi...
Nous sommes donc partis en début d'après-midi à la base navale de Rochefort Sur Mer, une ville un plus au sud de chez nous. Durant le trajet, mon père et Philippe discutaient de plein de choses et ça me faisait sourire car Philippe c'est un marseillais de naissance, un vrai avé l'accent et tout. Il est très calme comme type, pas du tout comme mon père donc, et pourtant ils s'entendent à merveille. Je les ai parfois vus partir dans des fous rires incroyables.
Une fois arrivés, mon père a commencé par faire le tour des tous les bureaux pour régler des affaires, alors pendant ce temps on est allé se balader en ville avec mon petit frère. C'est vrai, je la connaissais en fait assez peu, cette ville de Rochefort, qui est pourtant la deuxième du département. Mais en même temps c'est vrai que ça ne casse pas des clous, quand même. On est revenu pour 4H00 et là on a eu droit à la visite guidée du bateau. C'est carrément génial. Pendant une heure et demi, on a tout visité, tout, dans les moindres détails. Mon père nous a tout montré, d'un bout à l'autre et de bas en haut. La salle des machines, ou plutôt les salles des machines, c'est quelque chose d'ultra sophistiqué, les hommes qui travaillent là ont un niveau très élevé. Des millions de tuyaux, de fils, … Il y a des grandes salles très spacieuses et des minuscules où la température monte parfois à 60°… Des échelles pour passer d'une pièce à l'autre, des espèces de chaudière,… On a aussi visité l'endroit " militaire " proprement dit, car il ne faut pas oublier que c'est un bateau de guerre quand même, ça fait un paquet de temps que la France n'a pas eu à se servir de tout ça mais bon, il y en a encore. Plein de trucs et de machins pour lancer des missiles, des petites fusées, pour détecter les sous-marins, les avions, les autres bateaux et tout le reste. On a traversé tout le pont et là encore il y a pas mal de canons, surtout des petits qui ne paient pas de mine, mais dont la portée et la précision sont paraît-il énormes. Genre ça dégommerait un petit radeau flottant sur l'eau à trois kilomètres. Puis on visité les salles où les marins dorment et mangent. Il y a même une sorte de petit bistrot. L'alcool n'est pas très conseillé par les autorités, mais bon ils en amènent une quantité largement suffisante pour le voyage… le contraire m'aurait étonnée.
Pendant que mon père réglait encore quelques affaires, je me suis fumé une cigarette sur le pont en me disant que moi aussi j'aimerais bien partir pour de bon, et pour longtemps. S'il me le proposait, je dirais oui sans hésiter.
Avant qu'on ne se sépare, mon père m'a parlé et m'a dit des choses qui m'ont vraiment troublée. On était tous les deux dans une pièce du bateau très sombre, éclairée par une toute petite lampe, et il a posé ses mains sur mes mes épaules comme il le fait chaque fois qu'il veut me parler sérieusement. Il a bien vu que depuis quelques jours je ne vais pas très bien. Il sait exactement tout ce qui s'est passé avec Alain, et je crois qu'il en a du chagrin pour moi. Et il sait aussi que ça me fait de la peine qu'il parte. J'ai beau avoir dix-sept ans, je n'aime pas quand il n'est pas là, y en a peut-être qui me trouveront ridicule mais c'est ainsi. Il m'a regardée dans les yeux et il m'a dit (je déforme sûrement un peu ) : " J'ai bien vu que t'étais pas en grande forme depuis quelques jours. Je sais pas trop ce que tu penses, tu nous dis jamais ce que t'as sur le cœur, mais c'est ton caractère. Mais si tu savais comme je t'aime ! Tu peux pas imaginer comme on t'aime Maman et moi, toi et Julien vous êtes nos enfants, on vous adore, vous êtes tout pour nous. On vous aime peut-être trop, même. Souvent je pense à toi dans la journée et je me dis " j'espère qu'elle ne réfléchit pas trop à ça, qu'elle ne se pose pas trop de questions "… Ca va aller ? " Ah la la … ça m'a encore fait pleurer tout ça. Je suis décidément sensible aux moindres paroles.
Enfin voilà, il est parti, et moi je reste là.
C'est les vacances ! Enfin ! Depuis quelques jours je n'écoutais plus rien du tout en cours, alors il était temps. Aussitôt rentrés (c'est Philippe qui nous a ramenés), ma mère et moi on est parti acheter de la tapisserie et de la moquette : j'ai enfin réussi à la convaincre de retaper entièrement l'ancienne chambre de ma sœur ! Mais il va falloir faire vite car Julie et sa mère arrivent vendredi soir.
A propos de Julie, j'ai enfin réussi à la retrouver dans ma mémoire ! Eh oui, j'ai une image très précise, je vois ma mère entrer dans ma chambre avec une autre femme (sans doute Mireille) et m'offrir une bande dessinée à moi ainsi qu'à la fille qui est avec moi. Et cette fille elle est blonde, plus jeune que moi, j'en suis certaine, ça ne peut être que Julie ça ! Je me disais bien aussi, qu'il y avait forcément un petit souvenir d'elle quelque part dans ma mémoire. Bon allez je me sauve, il est minuit mais je vais me remettre à faire la tapisserie, et demain je me lève à l'aube pour continuer.

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