journal intime
28 _ Samedi 19 octobre 2002

Repas militaire

Il est 2H00 et je reviens du repas d'au revoir de mon père à la base militaire de Rochefort où l'ambiance était…comment dire…mmh…militaire.
J'aurais pu passer la soirée avec Alain mais je n'ai pas voulu. Eh oui, c'est comme ça. Pourtant j'ai passé la soirée et la nuit d'hier avec lui et c'était…comment dire…mmh…génial. Comme tous les moments que j'ai passés avec lui d'ailleurs, tout était formidable, plein de bonheur, et je ne regrette rien. Et pourtant c'est fini entre nous. Enfin on ne s'est pas quitté, on est toujours ensemble, mais dans ma tête c'est désormais très clair, je sais qu'il ne s'attachera jamais vraiment à moi, alors je sais que tôt ou tard, et plutôt tôt que tard, eh bien ça va s'arrêter. Je me suis fait une raison, c'est ainsi, c'est tout. Ce n'est vraiment pas drôle d'être amoureuse d'un homme qui est incapable de s'attacher à quelqu'un d'autre. J'aurais dû me douter que si à trente-huit ans il était toujours seul, c'est qu'il ne pouvait pas aimer quelqu'un à long terme. Mais je ne peux pas lui reprocher. Dès le début j'aurais dû le savoir que pour lui je ne serais qu'une aventure de quelques temps, et qu'il aurait vraiment fallu un miracle pour que ça change. Mais je ne suis pas un miracle.
Alors ce soir j'ai décidé de ne pas le voir. Je lui ai expliqué que je devais absolument aller au repas de mon père, car après je n'allais plus le voir pendant six mois, ce qui est vrai d'ailleurs. Il était déçu, et je crois que c'était sincère. Tant pis.
Avant de nous rendre là-bas avec mes parents et mon petit frère, mon père s'est habillé en uniforme, alors j'en ai profité pour essayer sur moi tous ses gadgets, chose que je n'avais jamais faite, mais il faut un début à tout. Alors je me suis mis sa casquette de capitaine, un pull tout noir, les galons sur l'épaule et sur les manchettes et je me suis regardée dans la glace : franchement j'assurais ! Ca en aurait impressionné plus d'un. Pendant que j'y étais, j'aurais aussi pu m'accrocher la légion d'honneur de mon arrière-grand-père, mais c'eût été lui manquer de respect alors je ne l'ai pas fait. Je me suis contentée d'une médaille quelconque en argent, et mon père m'a pris en photo comme ça, j'espère qu'elle sera réussie, même si c'est vrai que les cheveux longs et en désordre, ça ne fait pas très militaire. Mais je m'en fous !
Après ça on est parti pour Rochefort Sur Mer, une ville un peu plus au sud, où travaille mon père et d'où il prendra le bateau mercredi. Le repas avait lieu dans une grande salle avec cinq ou six grandes tables rondes, et on se servait sur un buffet. Il n'y avait presque que des fruits de mer, j'ai remarqué qu'ils aimaient beaucoup ça, les marins. Dommage car ce n'est pas trop mon truc à moi, mais bon j'ai fait avec. Comme je connais par cœur tous les grades de l'armée et les galons qui correspondent, je m'amusais à observer les insignes sur les épaules des hommes. J'étais impressionnée car il y avait là un amiral (c'est le plus haut grade). Pas mal… Enfin c'est même pas vrai, j'étais pas impressionnée du tout, je sais bien que le grade ne fait pas l'homme, et le mec il pourrait président de la république, s'il était con ce serait pareil.
Le plus marrant, c'est que ceux qui faisaient le service c'étaient des matelots, avec le pull rayé bleu et blanc et le béret à ponpon. C'est fou de penser que ce déguisement est toujours en vigueur de nos jours. Enfin ils n'avaient pas l'air de trop se prendre la tête, les matelots, je les entendais rigoler dans l'arrière salle, je ne crois pas qu'ils soient malheureux malgré leur costume qui prête franchement à rire. Cela dit, il y en avait un qui était très charmant, mais bon n'en parlons pas.
Pendant le repas on a eu droit à plusieurs discours assez monotones, entre autres de la part de l'amiral et de mon père, à vrai dire je n'ai pas écouté grand chose et je ne serais pas trop capable de dire de quoi ils parlaient. Mais par la suite, la boisson aidant, l'ambiance s'est déridée et ça s'est terminé, comme d'habitude, par des chansons paillardes noyées dans les verres de vin rouge. Il faut dire que les militaires, et en particulier dans la marine je crois, sont très portés sur l'alcool. Là encore ça allait, mais je me souviens d'une soirée qui s'était passé chez nous, où les hommes avaient bu et chanté toute la nuit, et qu'au petit matin ils étaient tous ivres morts, mon père le premier, et il y avait pas mal de dégâts dans le salon... Le lendemain ma mère faisait la gueule, alors ça ne s'est plus reproduit sous notre toit. Mais mon père m'a raconté que quand il était jeune, une fois ils avaient littéralement retourné un restaurant. Ils avaient fait une bataille d'huîtres, pissé dans l'aquarium, cassé la moitié des chaises et des tables… Le lendemain le patron avait porté plainte et à cause de ça ils s'étaient fait sucrer leur permission, mais bon ce n'est pas trop grave (à part pour le patron lol).
Ce soir c'était quand même plus correct, il faut dire que c'était un repas " officiel "… Enfin c'est quand même ma mère qui a pris le volant pour rentrer. D'ailleurs à propos de prendre le volant, je passe le permis pour la conduite accompagnée dans une semaine et demi.
Ce midi, ma mère m'a annoncé quelque chose qui me laisse perplexe : nous allons recevoir de la visite vendredi prochain. Il s'agit d'une femme qui s'appelle Mireille et de sa fille, Julie, quinze ans. Mais ce qui me laisse perplexe, c'est qu'on va les héberger pendant deux ou trois semaines. C'est la première fois qu'on fait ça, ce n'est pas un hôtel ici ! Il paraît que c'est le temps pour elles de se trouver un logement sur La Rochelle. Elle m'a raconté de qui il s'agissait. Cette femme, Mireille, est une amie d'enfance de ma mère qui sort d'une période difficile. Elle me l'a racontée dans les grandes lignes mais je ne vais pas le redire ici, déjà que je raconte ma vie je ne vais pas en plus raconter celle des autres. Mais il paraît que cette Mireille et sa fille je les connais et que je les ai déjà vues ! Moi qui me rappelle toujours de tout je suis quand même étonnée de ne pas me souvenir d'elles. Enfin il faut dire que j'avais cinq ans à l'époque, elles étaient venues toutes les deux passer quelques jours. J'ai beau me creuser l'esprit pour essayer de retrouver le souvenir d'une mère et d'une fille, je ne vois pas… La fille a quinze ans, alors j'espère qu'elle est sympa car si on doit passer deux ou trois semaines sous le même toit, autant que je m'entende bien avec elle. Si elle avait eu un ou deux ans de moins, ça aurait été plus à mon frère qu'à moi de m'en occuper, mais là non c'est moi qui vais devoir la mettre à l'aise et lui donner ses repères dans sa nouvelle ville. Enfin au moins, ça me fait désormais une bonne raison pour inciter ma mère à changer les meubles de la chambre d'ami (c'est à dire l'ancienne chambre de ma sœur). Je ne connais pas cette Julie, mais je tiens quand même à ce qu'elle se sente bien chez nous.

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