Il est 2H00 et
je reviens du repas d'au revoir de mon père
à la base militaire de Rochefort où
l'ambiance était
comment dire
mmh
militaire.
J'aurais pu passer la soirée avec Alain
mais je n'ai pas voulu. Eh oui, c'est comme ça.
Pourtant j'ai passé la soirée et
la nuit d'hier avec lui et c'était
comment
dire
mmh
génial. Comme tous les
moments que j'ai passés avec lui d'ailleurs,
tout était formidable, plein de bonheur,
et je ne regrette rien. Et pourtant c'est fini
entre nous. Enfin on ne s'est pas quitté,
on est toujours ensemble, mais dans ma tête
c'est désormais très clair, je sais
qu'il ne s'attachera jamais vraiment à
moi, alors je sais que tôt ou tard, et plutôt
tôt que tard, eh bien ça va s'arrêter.
Je me suis fait une raison, c'est ainsi, c'est
tout. Ce n'est vraiment pas drôle d'être
amoureuse d'un homme qui est incapable de s'attacher
à quelqu'un d'autre. J'aurais dû
me douter que si à trente-huit ans il était
toujours seul, c'est qu'il ne pouvait pas aimer
quelqu'un à long terme. Mais je ne peux
pas lui reprocher. Dès le début
j'aurais dû le savoir que pour lui je ne
serais qu'une aventure de quelques temps, et qu'il
aurait vraiment fallu un miracle pour que ça
change. Mais je ne suis pas un miracle.
Alors ce soir j'ai décidé de ne
pas le voir. Je lui ai expliqué que je
devais absolument aller au repas de mon père,
car après je n'allais plus le voir pendant
six mois, ce qui est vrai d'ailleurs. Il était
déçu, et je crois que c'était
sincère. Tant pis.
Avant de nous rendre là-bas avec mes parents
et mon petit frère, mon père s'est
habillé en uniforme, alors j'en ai profité
pour essayer sur moi tous ses gadgets, chose que
je n'avais jamais faite, mais il faut un début
à tout. Alors je me suis mis sa casquette
de capitaine, un pull tout noir, les galons sur
l'épaule et sur les manchettes et je me
suis regardée dans la glace : franchement
j'assurais ! Ca en aurait impressionné
plus d'un. Pendant que j'y étais, j'aurais
aussi pu m'accrocher la légion d'honneur
de mon arrière-grand-père, mais
c'eût été lui manquer de respect
alors je ne l'ai pas fait. Je me suis contentée
d'une médaille quelconque en argent, et
mon père m'a pris en photo comme ça,
j'espère qu'elle sera réussie, même
si c'est vrai que les cheveux longs et en désordre,
ça ne fait pas très militaire. Mais
je m'en fous !
Après ça on est parti pour Rochefort
Sur Mer, une ville un peu plus au sud, où
travaille mon père et d'où il prendra
le bateau mercredi. Le repas avait lieu dans une
grande salle avec cinq ou six grandes tables rondes,
et on se servait sur un buffet. Il n'y avait presque
que des fruits de mer, j'ai remarqué qu'ils
aimaient beaucoup ça, les marins. Dommage
car ce n'est pas trop mon truc à moi, mais
bon j'ai fait avec. Comme je connais par cur
tous les grades de l'armée et les galons
qui correspondent, je m'amusais à observer
les insignes sur les épaules des hommes.
J'étais impressionnée car il y avait
là un amiral (c'est le plus haut grade).
Pas mal
Enfin c'est même pas vrai,
j'étais pas impressionnée du tout,
je sais bien que le grade ne fait pas l'homme,
et le mec il pourrait président de la république,
s'il était con ce serait pareil.
Le plus marrant, c'est que ceux qui faisaient
le service c'étaient des matelots, avec
le pull rayé bleu et blanc et le béret
à ponpon. C'est fou de penser que ce déguisement
est toujours en vigueur de nos jours. Enfin ils
n'avaient pas l'air de trop se prendre la tête,
les matelots, je les entendais rigoler dans l'arrière
salle, je ne crois pas qu'ils soient malheureux
malgré leur costume qui prête franchement
à rire. Cela dit, il y en avait un qui
était très charmant, mais bon n'en
parlons pas.
Pendant le repas on a eu droit à plusieurs
discours assez monotones, entre autres de la part
de l'amiral et de mon père, à vrai
dire je n'ai pas écouté grand chose
et je ne serais pas trop capable de dire de quoi
ils parlaient. Mais par la suite, la boisson aidant,
l'ambiance s'est déridée et ça
s'est terminé, comme d'habitude, par des
chansons paillardes noyées dans les verres
de vin rouge. Il faut dire que les militaires,
et en particulier dans la marine je crois, sont
très portés sur l'alcool. Là
encore ça allait, mais je me souviens d'une
soirée qui s'était passé
chez nous, où les hommes avaient bu et
chanté toute la nuit, et qu'au petit matin
ils étaient tous ivres morts, mon père
le premier, et il y avait pas mal de dégâts
dans le salon... Le lendemain ma mère faisait
la gueule, alors ça ne s'est plus reproduit
sous notre toit. Mais mon père m'a raconté
que quand il était jeune, une fois ils
avaient littéralement retourné un
restaurant. Ils avaient fait une bataille d'huîtres,
pissé dans l'aquarium, cassé la
moitié des chaises et des tables
Le lendemain le patron avait porté plainte
et à cause de ça ils s'étaient
fait sucrer leur permission, mais bon ce n'est
pas trop grave (à part pour le patron lol).
Ce soir c'était quand même plus correct,
il faut dire que c'était un repas "
officiel "
Enfin c'est quand même
ma mère qui a pris le volant pour rentrer.
D'ailleurs à propos de prendre le volant,
je passe le permis pour la conduite accompagnée
dans une semaine et demi.
Ce midi, ma mère m'a annoncé quelque
chose qui me laisse perplexe : nous allons recevoir
de la visite vendredi prochain. Il s'agit d'une
femme qui s'appelle Mireille et de sa fille, Julie,
quinze ans. Mais ce qui me laisse perplexe, c'est
qu'on va les héberger pendant deux ou trois
semaines. C'est la première fois qu'on
fait ça, ce n'est pas un hôtel ici
! Il paraît que c'est le temps pour elles
de se trouver un logement sur La Rochelle. Elle
m'a raconté de qui il s'agissait. Cette
femme, Mireille, est une amie d'enfance de ma
mère qui sort d'une période difficile.
Elle me l'a racontée dans les grandes lignes
mais je ne vais pas le redire ici, déjà
que je raconte ma vie je ne vais pas en plus raconter
celle des autres. Mais il paraît que cette
Mireille et sa fille je les connais et que je
les ai déjà vues ! Moi qui me rappelle
toujours de tout je suis quand même étonnée
de ne pas me souvenir d'elles. Enfin il faut dire
que j'avais cinq ans à l'époque,
elles étaient venues toutes les deux passer
quelques jours. J'ai beau me creuser l'esprit
pour essayer de retrouver le souvenir d'une mère
et d'une fille, je ne vois pas
La fille
a quinze ans, alors j'espère qu'elle est
sympa car si on doit passer deux ou trois semaines
sous le même toit, autant que je m'entende
bien avec elle. Si elle avait eu un ou deux ans
de moins, ça aurait été plus
à mon frère qu'à moi de m'en
occuper, mais là non c'est moi qui vais
devoir la mettre à l'aise et lui donner
ses repères dans sa nouvelle ville. Enfin
au moins, ça me fait désormais une
bonne raison pour inciter ma mère à
changer les meubles de la chambre d'ami (c'est
à dire l'ancienne chambre de ma sur).
Je ne connais pas cette Julie, mais je tiens quand
même à ce qu'elle se sente bien chez
nous.
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