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Hier soir, je
suis rentrée chez moi afin d'accueillir
Mathieu et Noémie que j'avais invités
à venir passer la soirée. C'est
vrai qu'une soirée, c'est toujours plus
agréable qu'un petit repas rapide le midi.
C'est Mathieu qui est arrivé le premier,
il faut dire que Noémie a tendance à
toujours être en retard… Mon petit
frère était content de revoir Mathieu,
il se rappelait très bien de lui, il faut
dire que mon petit frère aussi était
à l'école de ma mère, il
n'y a donc pas si longtemps qu'il avait vu Mathieu
pour la dernière fois. Je les ai laissés
parler un peu tout les deux, car je sais que mon
frangin aime bien causer avec mes amis, il doit
se sentir " grandi ". Et Mathieu était
très aimable avec lui, beaucoup plus que
certains gars du même âge que je connais
et qui se foutent complètement de tout
ce qui est masculin et plus jeune qu'eux.
Après ça j'ai emmené Mathieu
à l'étage pour lui montrer la chambre
d'amis où il allait dormir. Vu qu'il habite
dans un petit village à une demi-heure
de route de La Rochelle, et que de toutes façons
il ne conduit pas, il y avait un lit pour lui
chez moi. On appelle ça la " chambre
d'amis " mais en réalité c'est
l'ancienne chambre de ma grande sœur. C'est
pourquoi je ne l'aime pas beaucoup. Tous les meubles
sont restés en place depuis qu'elle est
décédée, c'est sur cette
table de nuit qu'elle posait ses livres, sur ce
bureau qu'elle travaillait, dans cette armoire
qu'elle rangeait ses vêtements, et surtout
dans ce lit qu'elle a agonisé pendant tous
ces longs mois. Il faudra vraiment qu'un jour
je me décide à inciter ma mère
à tout virer et à acheter des nouveaux
meubles tout neufs et tout jolis. Surtout que,
pour pas arranger l'affaire, on a mis dans cette
pièce tout un tas de babioles qui n'avaient
pas leur place ailleurs. Ainsi le vieux piano
de famille, acheté à Paris en 1840
et dont on a encore la facture, et qui est absolument
injouable, et ainsi aussi une peinture avec le
portrait du propriétaire de ce piano, un
type qui s'appelait Bayard, qui est mon quatre
fois arrière-grand-père, et qui
était capitaine au long cours (ça
en jette un hein ? d'avoir un ancêtre capitaine
au long cours). Mais bon tout ça c'est
bien joli mais c'est très moche, y a que
des vieux trucs là-dedans, j'aimerais vraiment
pas y dormir ne serait-ce qu'une nuit. Cela dit
quand on a des invités, ils sont toujours
complètement indifférents à
tout ça, c'est vrai qu'eux ils ignorent
tout ce qui s'est passé dans cette chambre…
N'empêche que Mathieu il m'a demandé
si c'était bien la chambre de ma sœur.
C'est vrai que lui il ne s'embête pas à
faire de manières et qu'il va droit au
but. Mais je ne lui en veux pas, au contraire.
D'ailleurs je peux aujourd'hui parler de ma sœur
sans que ça me rendre triste, au contraire
ça me ferait presque du bien. Ce l'a laissé
pensif d'imaginer que Nathalie ait vécu
ici. Il l'a bien connue, elle aussi. Je lui ai
demandé quand et comment il avait appris
qu'elle était décédée,
il ma raconté brièvement que c'était
tout simplement sa mère qui lui avait annoncé
un soir, comme ça, alors qu'il rentrait
du collège. Sa mère était
bien sûr très émue et très
triste, il faut dire qu'elle est très proche
de ma mère à moi. Mathieu, lui,
a eu du mal à le croire, il m'a dit qu'à
ce moment il avait beaucoup pensé à
moi, et qu'il avait eu de la peine pour toute
ma famille. Je le crois.
On a dans cette chambre tout un tas de vieux disques,
des 33 et des 45 tours. Il les connaissait presque
tous et il en a choisi un pour le mettre sur le
tourne-disque. C'est bizarre mais c'est Aznavour
qu'il a choisi, j'en parlais justement dans une
de mes dernières entrées… C'est
vieux ça, Aznavour, je n'écoute
jamais mais c'est un tort, c'est incroyable toute
la nostalgie qu'il peut y avoir dans ces textes.
Nous on causait avec ça en fond sonore.
Je me suis mise à la fenêtre pour
fumer une cigarette et guetter l'arrivée
de Noémie. La chanson " hier encore
j'avais vingt ans " est passée, l'histoire
d'un type qui s'aperçoit à quel
point il gâché sa vie étant
jeune. Je l'entendais chanter derrière
moi et je me disais ben merde alors, est-ce que
je ne suis pas moi aussi en train de le gâcher
? Heureusement, Noémie est arrivée
à ce moment-là.
Mathieu s'est vite approché de la fenêtre
quand je lui ai dit qu'elle arrivait, et ça
m'a un peu intriguée. Est-ce que par hasard
il n'aurait pas un petit faible pour elle ? Ce
serait chouette ça ! A condition que ce
soye réciproque bien sûr.
On s'est mis à table après que mon
petit frère eût fait la cuisine.
Eh oui ! c'est lui qui a tout fait ! C'est bien
la première fois que ça lui arrive
d'ailleurs, mais je voyais bien qu'il tenait à
participer d'une manière ou d'une autre
alors je le l'ai laissé se débrouiller
comme un grand, enfin j'ai quand même surveillé
ce qu'il faisait du coin de l'œil…
Quand on mangeait Mathieu s'est remis à
nous sortir quelques-unes unes de ses phrases
si marrantes auxquelles il nous avait habituées
mardi midi. Il est vraiment terrible quand il
veut. Je dis " quand il veut ", car
tout le reste du temps il fait plus ou moins la
gueule, c'est rare de voir un sourire sur son
visage, on le croirait presque malheureux si on
ne le connaissait pas. Peut-être qu'il l'est
un peu, d'ailleurs…
Après ça on est monté dans
ma chambre s'écouter de la musique, un
bon petit disque de Noir Désir ou de Thiéfaine,
y a rien de tel. A un moment, Noémie est
allée aux toilettes et en revenant elle
s'est arrêtée derrière Mathieu
pour lui masser les épaules. Alors ça
si c'est pas un signe ! Je lui ai fait remarquer,
d'ailleurs, qu'elle était bien aimable.
Ca a eu l'air de la gêner et elle s'est
défendue : " bah moi je masse tout
le monde ! " Mouais…elle a beau masser
tout le monde, c'est bien la première fois
que je la vois faire… Je n'ai pas insisté
car en fait je trouvais ça très
bien. Ils ont l'air de vraiment bien s'entendre
tous les deux, ça me fait plaisir.
Puis Noémie est rentrée chez elle,
et Mathieu s'est couché un peu après.
Moi je me suis mise à mon ordi pour taper
le texte que j'ai envoyé sur mon site hier
soir, et voilà…
C'était vraiment une très belle
journée hier. L'après-midi avec
Alain, la soirée avec mes deux comparses.
Tout va comme sur des roulettes en ce moment,
tout est beau et doux, c'en est presque louche.
Mais je profite au maximum, car je sais que ce
n'est pas souvent.
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