Pas terrible,
le week-end
Franchement j'ai vu mieux comme
fin de semaine. J'aurais pu écrire hier,
j'avais des choses à raconter, mais je
n'en avais pas le cur. Je n'avais le cur
à rien d'ailleurs, hier.
Vendredi soir j'ai passé la nuit chez Alain
et c'était très moyen. Mille fois
moins bien que la semaine dernière. Il
faut dire que dans la journée, déjà,
j'avais commencé à me poser tout
un tas de questions par rapport à lui et
à moi. Et surtout : qu'est que qu'un homme
de trente-huit ans peut bien trouver d'intéressant
à une fille de dix-sept ? Je veux bien
croire que je suis en avance pour mon âge,
on me l'a souvent dit, Alain lui-même d'ailleurs
me l'a dit, mais de là à intéresser
quelqu'un de si avancé dans la vie
je
vois pas. Je m'imagine moi à trente-huit
ans, si un jour je les atteins, et ça m'étonnerait
que je me trouve alors des affinités avec
un jeune homme même pas adulte légalement.
Mais peut-être que c'est pas pareil quand
on inverse les sexes, je sais pas
En attendant
je m'aperçois que lui il ne s'intéresse
pas beaucoup à ce que je ressens ou à
ce que je pense. Ou peut-être que je ne
m'en aperçois pas
Mais quand même
si je le compare à Olivier, par exemple,
c'est flagrant. Olivier, lui, il me demandait
sans arrêt comment j'allais, si j'étais
bien, ce que j'avais fait de beau dans la journée,
etc
Alain, que dalle. Je sais bien que,
comme on dit, les paroles n'ont pas de valeur
et que seuls les actes comptent, n'empêche
que j'aimerais bien qu'il me parle un peu. Et
c'est aussi vrai dans l'autre sens : je lui demande
plein de trucs, à lui, et c'est toujours
à peine s'il me répond. Ou alors
il répond par bribes de phrases. Et dès
que je lui pose des questions un peu trop personnelles,
il détourne la conversation d'une manière
ou d'une autre. Ca m'énerve ça !
Je me posais toutes ces questions vendredi, et
certains mails que j'ai reçus de la part
de certains qui lisent mes histoires n'étaient
pas pour me rassurer dans ce sens
Après ça, je reçois un deuxième
choc quand Alain m'apprend que le lendemain, c'est
à dire hier, il ne pourra pas passer la
journée avec moi. C'est la meilleure celle-là
Soit disant qu'il doit absolument aller à
Bordeaux voir sa famille, que c'est très
important, et tout et tout. Je ne savais même
pas qu'il avait de la famille à Bordeaux
vu qu'il est de Paris. Alors comme ça il
préfère aller voir sa famille à
Bordeaux plutôt que de rester ici avec moi
? Je lui ai dit, il était désolé
c'est
peut-être vrai après tout. Ben oui,
il ne faut pas rêver, il a trente-huit ans,
il a donc beaucoup plus d'obligations matérielles
et morales que moi. Enfin quand même j'étais
très déçue. Il s'en est aperçu
et m'a consolée, ça m'a fait du
bien, mais ça n'a pas empêché
les choses de se faire.
Quand il a parlé de Bordeaux j'ai repensé
à Olivier, et le temps d'une seconde ou
deux je me suis dit qu'avec lui au moins, les
choses étaient moins compliquées
Mais la soirée de vendredi fut très
bonne quand même. On a passé plusieurs
heures excellentes, d'abord en ville mais surtout
chez lui. Puis vers les trois ou quatre heures
du matin il s'est endormi. Je dis " il "
parce que moi non. Je suis toujours très
longue à m'endormir le soir, il me faut
souvent une bonne heure avant de vraiment tomber
dans le sommeil. Mais pendant cette heure, je
sens que je quitte peu à peu mon corps,
que mes pensées deviennent de plus en plus
confuses, que je sombre peu à peu dans
les rêves, jusqu'au moment où mon
esprit s'éteint pour de bon. Alors que
vendredi au contraire, plus le temps passait et
plus j'étais énervée en moi-même,
plus je devenais nerveuse, excitée, et
au bout d'une heure ou deux j'avais le cerveau
en ébullition. Ou comme le disait Victor
Hugo, j'avais une " tempête sous mon
crâne ". Alors je me suis levée.
J'ai hésité à allumer la
lumière, ça aurait réveillé
Alain, et il aurait bien été obligé
de me demander pourquoi je ne dormais pas. Peut-être
que pour une fois on aurait pu discuter, alors
Mais je ne l'ai pas fait, je me suis contentée
d'une petite lampe sur la table, et je l'ai regardé
dormir. Il faisait plaisir à voir, rien
n'aurait pu le troubler apparemment, y en a qui
ont de la chance
Je me suis allumé une cigarette, chose
que je n'aurais jamais dû faire car ce fut
la première d'une longue série.
Je le sais, pourtant, qu'il ne faut surtout pas
que je commence à fumer quand je ne vais
pas bien. Car le temps de fumer la cigarette,
les ennuis disparaissent, on n'y pense plus vraiment,
ou bien de manière moins tracassante, et
pendant les deux ou trois minutes que ça
dure l'esprit se repose. Mais dès qu'elle
est éteinte les soucis reviennent, et la
seule solution c'est d'en allumer une deuxième,
puis une autre, puis encore une autre et ainsi
de suite.
J'ai aussi pensé à mon père.
Pour ne pas arranger les choses, j'ai appris l'autre
jour qu'il allait encore partir en voyage. Enfin
ce n'est pas un voyage puisque c'est son métier,
de naviguer, vu qu'il est militaire dans la marine.
Mais ça aussi c'est chiant, sur une année,
il passe en moyenne quatre mois sur les bateaux.
A la longue, c'est pesant. Le point positif, c'est
que cette fois-ci ce sera le dernier voyage de
sa carrière. Après ça il
restera dans les bureaux ou je ne sais où,
mais sur la terre ferme et pas trop loin de nous.
Mais le point négatif c'est que ce voyage
sera un des plus longs qu'il ait faits : six mois
! Enfin trois fois deux mois plus exactement.
Mais il ne reviendra guère qu'une dizaine
de jours entre chacun de ces séjours. Il
part mercredi, pas celui de cette semaine, mais
celui de la semaine suivante. Le mercredi après-midi
je ne travaille pas, je pourrai donc aller le
voir partir. Et puis samedi prochain il y a le
repas " d'au revoir ", peut-être
que j'y participerai, ça dépendra
si Alain a encore de la famille à voir
ou je ne sais quoi d'autre
Je pensais beaucoup à ça également,
vendredi soir, alors que j'étais à
me morfondre sur ma chaise, devant Alain qui dormait.
Si j'avais eu mon chien avec moi, je serais sortie
faire un tour dans les petites ruelles aux alentours.
Mais pour une fois je ne l'avais pas emmenée,
au cas où on serait allé dans des
lieux interdits aux animaux. Je l'ai bien regretté
car j'avais vraiment envie de prendre l'air. Mais
sans mon chien je n'aime pas me promener seule
la nuit dans les rues, je suis un peu peureuse,
on sait jamais sur qui on peut tomber...
Enfin, j'ai fini par trouver le sommeil, et je
crois même que j'ai rêvé. J'ai
eu Alain au téléphone ce soir, il
allait bien, j'étais contente d'entendre
sa voix. Finalement, c'est peut-être moi
qui me pose trop de questions.
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