journal intime
24 _ Dimanche 13 octobre 2002

Mauvaise nuit

Pas terrible, le week-end…Franchement j'ai vu mieux comme fin de semaine. J'aurais pu écrire hier, j'avais des choses à raconter, mais je n'en avais pas le cœur. Je n'avais le cœur à rien d'ailleurs, hier.
Vendredi soir j'ai passé la nuit chez Alain et c'était très moyen. Mille fois moins bien que la semaine dernière. Il faut dire que dans la journée, déjà, j'avais commencé à me poser tout un tas de questions par rapport à lui et à moi. Et surtout : qu'est que qu'un homme de trente-huit ans peut bien trouver d'intéressant à une fille de dix-sept ? Je veux bien croire que je suis en avance pour mon âge, on me l'a souvent dit, Alain lui-même d'ailleurs me l'a dit, mais de là à intéresser quelqu'un de si avancé dans la vie…je vois pas. Je m'imagine moi à trente-huit ans, si un jour je les atteins, et ça m'étonnerait que je me trouve alors des affinités avec un jeune homme même pas adulte légalement. Mais peut-être que c'est pas pareil quand on inverse les sexes, je sais pas…En attendant je m'aperçois que lui il ne s'intéresse pas beaucoup à ce que je ressens ou à ce que je pense. Ou peut-être que je ne m'en aperçois pas… Mais quand même si je le compare à Olivier, par exemple, c'est flagrant. Olivier, lui, il me demandait sans arrêt comment j'allais, si j'étais bien, ce que j'avais fait de beau dans la journée, etc… Alain, que dalle. Je sais bien que, comme on dit, les paroles n'ont pas de valeur et que seuls les actes comptent, n'empêche que j'aimerais bien qu'il me parle un peu. Et c'est aussi vrai dans l'autre sens : je lui demande plein de trucs, à lui, et c'est toujours à peine s'il me répond. Ou alors il répond par bribes de phrases. Et dès que je lui pose des questions un peu trop personnelles, il détourne la conversation d'une manière ou d'une autre. Ca m'énerve ça !
Je me posais toutes ces questions vendredi, et certains mails que j'ai reçus de la part de certains qui lisent mes histoires n'étaient pas pour me rassurer dans ce sens…
Après ça, je reçois un deuxième choc quand Alain m'apprend que le lendemain, c'est à dire hier, il ne pourra pas passer la journée avec moi. C'est la meilleure celle-là… Soit disant qu'il doit absolument aller à Bordeaux voir sa famille, que c'est très important, et tout et tout. Je ne savais même pas qu'il avait de la famille à Bordeaux vu qu'il est de Paris. Alors comme ça il préfère aller voir sa famille à Bordeaux plutôt que de rester ici avec moi ? Je lui ai dit, il était désolé…c'est peut-être vrai après tout. Ben oui, il ne faut pas rêver, il a trente-huit ans, il a donc beaucoup plus d'obligations matérielles et morales que moi. Enfin quand même j'étais très déçue. Il s'en est aperçu et m'a consolée, ça m'a fait du bien, mais ça n'a pas empêché les choses de se faire.
Quand il a parlé de Bordeaux j'ai repensé à Olivier, et le temps d'une seconde ou deux je me suis dit qu'avec lui au moins, les choses étaient moins compliquées…
Mais la soirée de vendredi fut très bonne quand même. On a passé plusieurs heures excellentes, d'abord en ville mais surtout chez lui. Puis vers les trois ou quatre heures du matin il s'est endormi. Je dis " il " parce que moi non. Je suis toujours très longue à m'endormir le soir, il me faut souvent une bonne heure avant de vraiment tomber dans le sommeil. Mais pendant cette heure, je sens que je quitte peu à peu mon corps, que mes pensées deviennent de plus en plus confuses, que je sombre peu à peu dans les rêves, jusqu'au moment où mon esprit s'éteint pour de bon. Alors que vendredi au contraire, plus le temps passait et plus j'étais énervée en moi-même, plus je devenais nerveuse, excitée, et au bout d'une heure ou deux j'avais le cerveau en ébullition. Ou comme le disait Victor Hugo, j'avais une " tempête sous mon crâne ". Alors je me suis levée. J'ai hésité à allumer la lumière, ça aurait réveillé Alain, et il aurait bien été obligé de me demander pourquoi je ne dormais pas. Peut-être que pour une fois on aurait pu discuter, alors… Mais je ne l'ai pas fait, je me suis contentée d'une petite lampe sur la table, et je l'ai regardé dormir. Il faisait plaisir à voir, rien n'aurait pu le troubler apparemment, y en a qui ont de la chance…
Je me suis allumé une cigarette, chose que je n'aurais jamais dû faire car ce fut la première d'une longue série. Je le sais, pourtant, qu'il ne faut surtout pas que je commence à fumer quand je ne vais pas bien. Car le temps de fumer la cigarette, les ennuis disparaissent, on n'y pense plus vraiment, ou bien de manière moins tracassante, et pendant les deux ou trois minutes que ça dure l'esprit se repose. Mais dès qu'elle est éteinte les soucis reviennent, et la seule solution c'est d'en allumer une deuxième, puis une autre, puis encore une autre et ainsi de suite.
J'ai aussi pensé à mon père. Pour ne pas arranger les choses, j'ai appris l'autre jour qu'il allait encore partir en voyage. Enfin ce n'est pas un voyage puisque c'est son métier, de naviguer, vu qu'il est militaire dans la marine. Mais ça aussi c'est chiant, sur une année, il passe en moyenne quatre mois sur les bateaux. A la longue, c'est pesant. Le point positif, c'est que cette fois-ci ce sera le dernier voyage de sa carrière. Après ça il restera dans les bureaux ou je ne sais où, mais sur la terre ferme et pas trop loin de nous. Mais le point négatif c'est que ce voyage sera un des plus longs qu'il ait faits : six mois ! Enfin trois fois deux mois plus exactement. Mais il ne reviendra guère qu'une dizaine de jours entre chacun de ces séjours. Il part mercredi, pas celui de cette semaine, mais celui de la semaine suivante. Le mercredi après-midi je ne travaille pas, je pourrai donc aller le voir partir. Et puis samedi prochain il y a le repas " d'au revoir ", peut-être que j'y participerai, ça dépendra si Alain a encore de la famille à voir ou je ne sais quoi d'autre…
Je pensais beaucoup à ça également, vendredi soir, alors que j'étais à me morfondre sur ma chaise, devant Alain qui dormait. Si j'avais eu mon chien avec moi, je serais sortie faire un tour dans les petites ruelles aux alentours. Mais pour une fois je ne l'avais pas emmenée, au cas où on serait allé dans des lieux interdits aux animaux. Je l'ai bien regretté car j'avais vraiment envie de prendre l'air. Mais sans mon chien je n'aime pas me promener seule la nuit dans les rues, je suis un peu peureuse, on sait jamais sur qui on peut tomber...
Enfin, j'ai fini par trouver le sommeil, et je crois même que j'ai rêvé. J'ai eu Alain au téléphone ce soir, il allait bien, j'étais contente d'entendre sa voix. Finalement, c'est peut-être moi qui me pose trop de questions.

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