Je suis sur un
petit nuage depuis plusieurs heures. Comme il
est bon et comme il est doux de ne plus penser
à rien d'autre qu'à ce qui est agréable
! Et comme il est incroyable à quel point
tout peut changer en l'espace de quelques jours
ou même quelques heures ! J'ai envie de
chanter à la terre entière que la
vie n'est pas si moche que ça. Il y a longtemps
que je ne m'étais pas sentie comme ça
Hier après-midi, quand l'auto-école
est venue me chercher, c'était Alain qui
était le moniteur. Quelle joie ! Il n'était
pourtant pas prévu sur le planning. C'était
peut-être un hasard ou un problème
de dernière minute qui l'avait obligé
à revoir l'emploi du temps, mais peut-être
aussi que c'était pour moi
En tous
cas j'avais le cur qui battait à
fond en me mettant au volant. Je ne sais pas si
c'était à cause de la joie ou à
cause du stress qu'il battait, mais il allait
vite. Et puis la leçon s'est passée
normalement, rien d'extraordinaire
C'est
vrai que c'est son métier, quand même,
son rôle est de m'apprendre à conduire,
pas de faire la causette (dommage !). Entre parenthèses
j'ai appris le démarrage en côte,
j'ai calé plusieurs fois mais il faut dire
que la côte était très raide.
Peu importe.
Ce que j'attendais avec impatience, c'était
la leçon de ce soir car elle était
à 19H00, c'est à dire la dernière
de la journée, et donc je me disais que
peut-être on aurait un petit peu de temps
pour parler à la fin
J'y ai pensé
toute la journée, et je me sentais bien
même si rien n'était sûr. Noémie
m'a dit qu'elle me trouvait souriante, alors que
depuis quelques jours j'étais plutôt
tristounette. Elle doit avoir raison.
La leçon de ce soir, c'était génial.
Sur la fin, la nuit commençait à
tomber, et j'ai roulé sur une longue ligne
droite qui longe la mer, c'était beau,
et même si ma vitesse était limitée
je sentais le vent dans mes cheveux et j'étais
bien. Je suis en train de me découvrir
un nouveau plaisir : celui de conduire une voiture.
Je l'ai dit à Alain et il m'a répondu
que c'était un des principaux ingrédients
pour réussir l'examen : aimer conduire.
C'est vrai que quand on aime, tout est plus facile.
Il a bien raison.
Et puis nous sommes rentrés chez moi. En
arrivant j'étais toute contente de constater
que mes parents n'étaient pas encore rentrés
et qu'il n'y avait que mon petit frère
dans la maison. Ca me permettait en effet de rester
un petit peu dans la voiture pour causer de tout
et de rien avec Alain, à condition que
ça ne le dérange pas bien sûr.
J'avais un sujet de conversation tout prêt
pour lui : les Doors, étant donné
que j'avais vu des disques dans la boîte
à gants. Manque de bol ces disques n'étaient
pas à lui, c'est à peine s'il connaissait
une ou deux chansons de Jim Morrisson
mon
coup était à l'eau. Mais ce n'est
pas grave car il a embrayé sur un autre
sujet, et on a discuté pendant une bonne
dizaine de minutes de mon lycée, de son
travail, de la patronne de l'auto-école...
Je lui ai dit que j'étais étonnée
qu'à vingt-cinq ans elle soit déjà
chef d'une petite entreprise, et il m'a raconté
son cursus. Mais au bout d'un moment j'ai détourné
la conversation, il allait quand même pas
me parler pendant une heure d'une autre fille
! Et puis je lui ai dit que j'aimerais sortir
pour fumer une cigarette. Et il est sorti lui
aussi. C'est là que j'ai commencé
à vraiment prendre les choses au sérieux.
Qu'il change son planning ne veut rien dire. Qu'il
discute un peu avec moi à la fin de la
leçon non plus. Mais qu'il sorte lui aussi
de la voiture ! Là j'ai commencé
à croire que c'était possible, et
j'en tremblais d'émotion. En plus je savais
que mes parents pouvaient arriver d'un moment
à l'autre et je ne voulais pas qu'ils me
voient avec Alain, ici, plantée devant
chez nous
J'entendais mon chien qui aboyait
dans la maison, il fait toujours ça quand
il sent que je suis arrivée. La porte s'est
ouverte : c'est mon petit frère qui laissait
mon chien sortir. Julien m'a vue avec Alain :
il a été discret et a refermé
la porte. Mon chien est venu se frotter à
nous et on le caressait bêtement, Alain
et moi, sans rien dire. Et on a regardé
mon chien courir dans la rue dans tous les sens,
comme ça, côte à côte,
c'était terrible ! Il était là
à quelques centimètres de moi, je
crois même que nos mains se frôlaient
mais je n'en suis plus très sûre.
Je regardais mon chien car j'osais pas croiser
le regard d'Alain. A un moment je l'ai regardé
et lui aussi, et c'est incroyable tout ce que
j'ai vu passer dans ses yeux. Il y avait tout
dans ses pupilles, et surtout de l'hésitation,
je crois même qu'il s'est approché
légèrement de moi mais trois fois
rien, quelques millimètres, c'était
fou. Et puis j'ai encore détourné
les yeux. Et je me disais " putain fais quelque
chose, dépêche-toi ou tu vas le regretter
pendant des semaines ". Les pensées
défilaient à cent à l'heure
dans ma tête. Et là, on s'est de
nouveau regardé, il a pris ma main et m'a
embrassée. Ouf......
Je crois que j'ai été un peu violente
dans le bisou, comme si je lâchais toute
mon émotion d'un seul coup. Mais j'étais
bien. J'avais conscience au fond de moi que ce
moment resterait gravé dans mon cur
pour pas mal de temps. J'ai senti quelque chose
me caresser la jambe : c'était mon chien.
C'est vrai, il n'aime pas quand il voit que je
suis proche avec un étranger, surtout quand
c'est un homme, il est un peu jaloux. Mais dans
ces cas là je le caresse et il redevient
tout content. N'empêche que c'est lui qui
nous a fait arrêter notre bisou
s'il
avait pas été là, si ça
se trouve on serait encore en train de s'embrasser
! Non quand même pas
Alain m'a regardée en souriant et m'a dit
: " c'est pas facile de savoir ce que les
autres pensent ". C'est clair
Il a fallu que je rentre car je savais que mes
parents allaient arriver et je ne voulais pas
qu'ils me voient avec lui. Alors je suis rentrée
après un autre bisou un peu plus calme.
J'étais toute excitée en entrant
et ça a fait rire mon frère. Eh
eh
il devine toujours tout celui-là.
C'est lui qui m'a rappelé que nos parents
ne rentraient pas ce soir
j'avais oublié
! Dire que j'aurais pu rester avec Alain toute
la soirée
enfin c'est pas grave, l'essentiel
est fait, et je vais avoir des semaines pour rattraper
les deux ou trois heures que j'aurais pu passer
en sa compagnie.
C'est moi qui ai fait la cuisine : j'ai préparé
des spaghetti, car je sais que mon frère
adore. On a beaucoup parlé lui et moi,
il est vraiment très intelligent pour son
âge (treize ans). Il m'a raconté
sa journée, quelques anecdotes marrantes
qui m'ont bien fait rire. Je lui ai raconté
pour Alain et lui ai demandé si ça
le choquait que je sorte avec un type de trente-huit
ans. Il m'a répondu direct " pas du
tout ". Je lui ai fait un gros bisou, il
est vraiment chouette mon petit frère.
Et maintenant, je suis sur mon petit nuage.
|