J'adore les chansons,
surtout les vieilles.
Quand j'étais petite j'écoutais
beaucoup de disques, des petits trucs commerciaux,
le plus souvent c'étaient les musiques
des génériques télé
que je regardais. Mais j'aimais ça et je
chantais, bien souvent. Et puis un jour, je devais
avoir neuf ou dix ans, mon père a acheté
une compilation de Brassens. On était dans
le salon et il a lancé le disque. J'écoutais
d'une oreille distraite, certains textes me faisaient
rire, tels que le Gorille par exemple, même
si je ne le comprenais pas bien, voire pas du
tout... Et puis le Pornographe bien sûr,
avec tous ces gros mots qui s'enchaînent,
moi j'adorais et je me disais " Eh ben quand
même il exagère, Brassens, de parler
comme ça dans une chanson... " Et
puis petit à petit, ces chansons ont commencé
à me trotter dans la tête. Et un
matin, avant de partir à l'école,
je me suis assise dans le fauteuil de mon père
et j'ai écouté la Chanson pour l'Auvergnat.
Mais je l'ai écoutée d'une oreille
attentive, et ça m'a fait bizarre. Comme
une nouvelle sensation, un sentiment jamais connu.
C'est dur à définir, je me disais
vaguement " Ben mince alors, je ne savais
pas qu'il était possible de faire passer
des choses comme ça à travers un
texte... " C'est plus ou moins ce qui se
disait dans ma petite tête. Ce fut un moment
inoubliable, un peu comme on fait l'amour pour
la première fois, je dirais... On se dit
" Wow ! Comment est-ce que j'ai fait pour
vivre jusqu'à maintenant sans connaître
ça ? " Et puis on se dit aussi que
désormais la vie sera plus belle, maintenant
qu'on vient de le découvrir...
Il y a plein de choses chez Brassens que je n'ai
pas retrouvé chez les autres. Pendant quelques
mois, tous les soirs en rentrant chez moi, assise
dans le fauteuil, j'écoutais les chansons.
Juste une ou deux, mais en boucle. Et parfois
je m'aventurais sur une nouvelle. Et en l'écoutant
je me ressentais " C'est bon ça...
pourvu que ça dure longtemps... "
Eh oui, à la fin de chaque couplet je n'espérais
qu'une seule chose : c'est qu'il y ait un autre
couplet ensuite. J'espérais que jamais
la chanson ne se terminerait, qu'elle durerait
toute la vie, tout le temps... Hélas, au
bout d'un moment la fin se sentait, et puis plus
rien, le silence... Alors j'attendais un peu puis
je réécoutais, mais sans l'effet
de surprise. Et puis aussi une chose qui ne m'est
jamais arrivé avec un autre chanteur :
c'est d'être en manque ! Oui, une fois on
est parti deux semaines en vacances avec mes parents,
et à la fin je désespérais
de ne pas avoir mon Brassens à écouter.
Il m'en fallait ! C'était physique !
Il y avait chez moi une vielle cassette audio
avec écrit Jacques Brel dessus. Un jour
je me suis dit : " Bon tu vas écouter
ça, ça fait des années que
tu as cette cassette entre les mains, si ça
se trouve tu rates quelque chose. " J'avais
raison ! Je mets la cassette, le casque sur les
oreilles, et ça commence... C'était
Amsterdam. Pfiou ! !!
Je n'en revenais pas, j'avais du mal à
y croire. Il y a des artistes qui son sont tellement
originaux que quand on les découvre, on
a du mal à réaliser. On a l'impression
que c'est surnaturel. Et Brel c'est ça.
La chanson commence doucement. Et peu à
peu les paroles sont de plus en plus brutales,
de plus en plus dures, le rythme s'accélère,
la musique s'enflamme, c'est de plus en plus intense,
et à la fin c'est l'explosion ! L'apothéose
! J'étais littéralement scotchée
sur mon fauteuil (enfin celui de mon père
lol) Puis j'ai écouté tout le reste
de la cassette, chaque chanson était une
surprise, tour à tour émue, triste,
amusée, attendrie... Un jour ils ont passé
une émission sur Brel sur la 5, pour l'anniversaire
de sa mort. Avant l'émission j'avais aperçu
l'annonce de l'émission : pendant trois
secondes on voyait Brel sur scène. Pareil
: je n'y croyais pas. De le voir en noir et blanc,
la bouche grande ouverte, les jambes tremblantes,
le bras levé, chanter de tout son corps,
le visage dégoulinant de sueur... Sur scène
ce n'était plus un humain : c'était
un chanteur, un pur chanteur, un 100% chanteur.
Je pense que si j'avais été dans
le public, après ça je me serais
dit " C'est bon ma fille, maintenant tu peux
mourir... "
Edith Piaf ! De tous les temps, quelle chanteuse
a eu une voix similaire à la sienne ? Aucune.
Elle avait une voix incroyable
C'est peut-être
bête, mais moi dans sa voix j'ai l'impression
d'entendre la nuit, la mort, et le froid. Oui
le froid. Il y a de la chaleur et du froid en
même temps. Et la mort, ben ouais... Et
c'est vrai que ses chansons sont loin d'être
gaies, quand même... Parfois je commence
à chanter ses chansons, mais je m'arrête
aussitôt. Je ne peux pas m'empêcher
de faire la comparaison.
Les Doors et Jim Morrisson, c'est ma soeur qui
était une inconditionnelle, elle n'écoutait
QUE ça. Moi étant petite je n'aimais
pas trop. Mais plus tard elle a acheté
un bouquin avec la traduction des paroles en français.
J'ai pris la peine de le lire, et j'ai été
tellement éblouie par les textes que je
me suis mise à aimer les musiques aussi.
C'est souvent comme ça, j'aime d'abord
les paroles avant les musiques. Depuis Jim Morrisson,
c'est une de mes idoles, j'ai un poster dans ma
chambre où il y a sa tête en noir
et blanc avec marqué en dessous : WANTED
!! Et en dessous du wanted, il y la liste des
griefs dont il est accusé, c'est en anglais
et je ne comprends pas tout, mais en gros, s'il
est WANTED, Jimmy, c'est pour provocation, masturbation,
enfin y a pas mal de trucs délirants. C'est
vrai que lui aussi, c'était un original.
D'ailleurs l'an dernier j'ai incité mon
père à acheter un lecteur de DVD
juste pour regarder le fameux DVD des Doors :
concerts, coulisses, ect...
Et puis Renaud, bien sûr, c'est un de mes
chouchous ça... Je crois que je l'écoute
depuis ma naissance, même si ce n'est que
bien plus tard, après Brassens, que j'ai
vraiment percuté sur ses chansons. Quelle
tendresse ! Quelle auto-dérision ! Pierrot...
dans cette chanson, le mec il est triste, il boit,
et au fond de son chagrin, il imagine comme la
vie serait belle s'il avait un fils. Et même
qu'il l'appellerait Pierrot, et qu'ils joueraient
au football, et tout ça... Je cite : "
Le jour où tu t'ramènes / J'arrête
de boire, promis, / Au moins toute une semaine,
/ Ce sera dur mais tant pis ! C'est ça
Renaud, c'est ce langage un peu cru, direct, mais
qui va droit au but. J'aime son langage, et sa
voix aussi, et son accent parisien, que je retrouve
d'ailleurs chez Julie.
Et puis il y a quelques mois j'ai découvert
Mano Solo. C'est Noémie qui m'a fait écouter.
Eh ben... encore une belle surprise ! Il y a du
Brel dans cet homme là, dans ses chansons
c'est tout plein de douleurs, de remords, de haine
et d'amour à la fois. Et tout cela dans
des textes qui coulent d'eux-mêmes, qui
coulent tellement bien qu'on a l'impression qu'ils
ont été écrits tout d'une
traite... Et la musique suit les intensités
du texte.
Les gens ont tendance à coller une étiquette
sur tout le monde. Moi Mano Solo, la seule étiquette
que je lui colle, c'est celle de chanteur, tout
simplement. C'est tout. Mais hélas, c'est
triste à dire mais beaucoup de gens lui
ont collé l'étiquette d'homme séropositif.
C'est dingue ! On dirait que certains ne voient
chez lui que cela : sa maladie. Et ils s'appuient
sur cette maladie pour expliquer toute la douleur
de ses chansons. Je pense qu'il y autre chose,
moi. J'ai lu des choses révoltantes dans
certains forums. Un qui disait : " Mano Solo
ouais bof, y fait chier, il sait faire que des
chansons tristes. " Et un autre de lui répondre
: " Si tu étais séro-positif,
tu comprendrais mieux. " Faut vraiment être
stupides pour tenir un dialogue pareil, je trouve.
Personnellement je n'en ai rien à foutre
du pourquoi et du comment de ses chansons. Je
les aime, c'est tout. C'est comme Renaud, pendant
un moment il courait des rumeurs comme quoi c'était
juste un fils de riche qui se faisait passer pour
un loubard. Mais on s'en fout !!! Et d'une c'est
faux, c'est pas un fils de riche, et de deux peu
importe, c'est quelqu'un qui sait s'exprimer,
qui dit les choses simplement, c'est tout... Quand
son dernier disque est sorti, cette année,
on entendait partout : " Oui, Renaud sort
un nouvel album, après une période
difficile marquée par une séparation
avec sa femme, et une sombrée dans l'alcoolisme.
" Pffff... Y font chier avec des réflexions
pareilles.
Voilà, ceci était était une
petite description de mon univers de chansons.
Et puis il y a Noir Désir bien sûr,
mais j'en ai déjà parlé (n°4).
Tout ceci fait partie de ma vie.
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