journal intime
46 _ Dimanche 17 novembre 2002

A la messe

Aujourd'hui je suis allée à la messe. Si on m'avait dit que j'y remettrais un jour les pieds je ne l'aurais pas cru, et pourtant ce matin j'y étais, même si c'est plus ou moins par hasard que je m'y suis retrouvée.
En effet hier, je me promenais avec Julie dans le quartier de Mireuil où elle vient d'emménager avec sa mère. Elle ne connaît pas encore très bien le coin alors je la fais visiter. Et c'est ainsi qu'on est passées devant une petite église, avenue des Grandes Varennes. Je me suis trouvée de passages des centaines de fois devant, mais je n'y avais encore jamais mis les pieds, alors on s'est dit " tiens on va la visiter ". C'est vrai, même sans croire en Dieu, il y toujours dans les églises une espèce d'ambiance calme et reposante qui fait du bien. Ceux qui ont la foi pensent que c'est parce que l'esprit de Dieu y flotte, mais à mon avis c'est surtout dû à l'architecture de ces bâtiments. Hélas l'église était fermée, et on a compris que le seul moyen d'y entrer c'était de venir à l'heure de la messe. Alors pourquoi pas…
Moi je croyais très fort en Dieu avant, et maintenant j'ai perdu toute la foi. Mais depuis que je connais Julie j'ai changé de vision là-dessus, car elle y croit fortement, elle… Ah la la, cette petite Julie a fait changer bien des choses chez moi, à tous les niveaux. Toutes les qualités que je reprochais aux gens de ne pas avoir, elle les a. Elle n'a que quinze ans, et pourtant je connais beaucoup d'adultes qui feraient bien de s'inspirer d'elle. Elle est géniale, je la connais depuis trois semaines seulement et c'est ma meilleure amie je crois. J'ai l'impression de l'avoir toujours connue, un peu comme ma petite sœur.
Elle croit en Dieu mais ne pratique pas la religion. Mais alors pas du tout. Elle ne va pas à la messe (sauf exception comme ce matin), mange de la viande le vendredi, etc… Et elle ne parle jamais de Dieu, ne cherche jamais à convaincre qui que ce soit, et ne croit même pas au paradis ni à la vie après la mort. Et pourtant je ne connais personne qui ait plus la foi qu'elle, c'est impressionnant comme son esprit est rempli de ça, dans le silence de son cœur.
N'allez pas croire que c'est une jeune fille hors du commun, elle est comme tout le monde, comme toutes les filles de son âge, elle fait elle aussi des conneries, elle est loin d'être parfaite ! Mais quand même, elle a des qualités que peu de gens ont, je trouve, et la principale c'est qu'elle sait écouter les autres. Bien souvent quand j'avais du chagrin, j'ai regretté de ne connaître personne qui soit là à mes côtés pour essayer de me comprendre. Tout ce qu'il y avait autour de moi, c'étaient des gens qui ne savaient que donner des conseils : " tu devrais faire ceci, tu devrais faire cela, il faut que, tu pourrais, etc etc… " A la fin d'une chanson de Renaud, le type dit " les gens me parlent d'autre chose, y en a pas un qui m'aidera à pleurer ". Tout est là. J'aurais bien aimé, à certains moments de ma vie, avoir une personne qui soit à côté de moi et qui m'aide à pleurer en silence, sans parler. Et finalement la seule personne que j'ai trouvée pour cela, c'est mon chien. Quand je vais mal il vient se serrer contre moi, il pleure lui aussi un petit peu, et ensemble on est bien…
Mais voilà que Julie est arrivée, et depuis je sais que je peux compter sur quelqu'un. Si je croyais en Dieu, je le remercierais de m'avoir fait rencontrer Julie. Mais je n'y crois pas. Et pourtant je ressens le besoin de remercier quelqu'un. Mais qui ? La vie ? Le destin ? Je ne sais pas qui choisir, et finalement le mieux c'est peut-être de se rabattre sur Dieu, justement. Voilà la seule personne à qui l'on peut confier les choses les plus incongrues…
Ah oui ! J'étais en train de raconter que ce matin nous étions allées à la messe. Encore une fois avec Julie, on était les seules de notre âge. Je dis " encore une fois " car c'était déjà le cas pour la célébration de l'Armistice. Sauf que là-bas il y avait aussi les enfants des écoles, alors qu'à l'église il n'y avait presque que des personnes âgées. Ca m'a rappelé qu'un jour je parlais de tout ça à ma grand-mère, et je lui avais dit que je ne croyais pas en Dieu. Elle m'avait répondu : " Tu verras, tu changeras d'avis quand tu seras vielle. Quand on est poche de la mort on se pose plus de questions sur ce qu'il y a après ". Je n'ai rien répondu pour ne pas l'embêter, mais en moi-même je me disais qu'il valait mieux encore ne pas y croire du tout plutôt que d'y croire par peur…
Ah oui ! La messe… Avec Julie on s'est assises au fond de la salle et on a attendu que la cérémonie se passe tranquillement. Nous ne récitions pas les prières, on se contentait d'écouter. Pourtant la plupart de ces prières je les connaissais, j'ai passé tellement de temps à les apprendre il y a quelques années… Je regardais ces hommes et ces femmes qui communiaient et j'en avais des pincements au cœur. Je les trouvais tous si malheureux. Si vieux et si seuls, si perdus au bout de leur vie. Avant d'entrer ils discutaient entre eux, ils se parlaient de leurs enfants et de leurs petits-enfants, se racontaient les dernières nouvelles, et ils en avaient les yeux qui brillaient de joie. C'est vrai, pour eux la messe c'est le grand moment de la semaine, c'est là qu'ils retrouvent tous leurs amis, c'est là que leur vie devient vraiment passionnante, le temps d'une heure ou deux. Mais après ? Après ils s'en retournent chez eux chacun de leur côté, en couple ou en solitaire. Et ils reviendront la semaine prochaine avec quelques nouvelles à raconter, et ainsi de suite. Et je les sentais tristes, dans le fond. A quelques exceptions près, tout était triste dans leurs gestes, dans leur manière de réciter les prières, dans leur manière de se dire bonjour. Triste et gentil, comme les papis et les mamies. Ah la la…
Puis on est rentré chez moi et Julie a passé la journée à la maison, c'était chouette. Y a mon petit frère qui a joué au foot dans la rue avec un copain à lui, et mon chien a voulu participé un peu…il a crevé le ballon ! Ben ouais, une mâchoire de berger-allemand sur un vieux ballon à moitié dégonflé, ça ne pardonne pas… Mon frère était tout déçu et ça a fait rire Julie de le voir s'énerver pour si peu. Comme quoi elle aussi elle aime bien se moquer, eh oui je l'ai dit, elle est comme tout le monde.

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