journal intime
37 _ Samedi 2 novembre 2002

Dormir devant la télé

Hier soir j'ai invité Mathieu et Noémie, je ne les avais pas vus des vacances et ça me manquait un peu, et puis je pense toujours que tous les deux, ils ont une petite chance de bien s'entendre, alors je ne veux pas lâcher l'affaire. Comme d'habitude Noémie est arrivée en retard. Mathieu était là sur le coup des 9H00, alors je l'ai présenté à Julie et on est monté en haut. Il m'a demandé où il allait dormir, puisque Julie était là, il supposait que la chambre d'amis n'était pas libre, alors je lui ai dit " ben justement viens la voir, la chambre d'amis ". Et je lui ai même rajouté " d'abord c'est plus la chambre d'amis, c'est la chambre de Julie ". C'est vrai, c'est bizarre mais cette chambre, qui appartenait autrefois à ma chère sœur, je considère maintenant qu'elle appartient à Julie. Une semaine que je la connais et j'ai l'impression que je pourrais lui confier tout ce que j'ai de plus précieux.
En entrant dans la chambre il s'est exclamé, bien sûr. La dernière fois qu'il l'a vue elle était sombre, du parquet noir, de vieux meubles, une sale tapisserie… et maintenant une jolie moquette, des murs clairs et un mobilier très joli… Encore une fois je n'ai pas pu m'empêcher de lui montrer le poster des dauphins sautant sur l'océan, et de lui faire ma blague avec la vue sur la mer, je le sais bien, pourtant, qu'elle ne fait jamais rire personne…
Noémie est arrivée, on est descendu en bas et on s'est mis tous les quatre autour de la petite table dans le salon. On a parlé de tout et de rien en écoutant des disques, les Doors, Noir Désir, et pis Jacques Brel parce que j'adore les vielles chansons, et tant pis pour ceux qui n'aiment pas. Et c'est à ce moment-là que nous avons sombré dans l'oisiveté. Le proverbe dit que c'est la " mère des vices ", l'oisiveté. Peut-être, mais qu'est-ce que c'est bon ! Ne plus rien foutre, glander, sommeiller… Ca fait du bien parfois, ça repose l'esprit. On a allumé la télé, une chaîne quelconque. Au début on se marrait bien car on n'arrêtait pas de se moquer des gens qui passaient à l'écran. C'était une émission sur le câble, il n'y avait dedans que des premiers de la classe bien coiffés, bien habillés, humour fin et paroles correctes. On a surtout bien rigolé sur un jeune homme blond, jeune cadre dynamique avant l'âge, la parole facile, des idées sur tout, sans doute promis à un bel avenir… c'est nul…
Et on s'est endormi. Eh oui, on a roupillé devant la télé allumée. Ca doit être à cause de la fin des vacances, petit à petit on se relâche, et quand les derniers jours arrivent eh bien la pression est complètement retombée, et on n'a plus de force pour quoi que ce soit. J'étais la première à me réveiller, une heure après. La télé ronronnait toujours, et les trois autres dormaient à point fermé. Je n'osais pas me lever car Julie avait la tête posée sur mon épaule et je ne voulais pas la réveiller, elle avait l'air si bien… Alors j'ai attendu, j'ai vaguement regardé l'écran en fumant une ou deux cigarettes… j'avais l'impression que le temps était arrêté, et je m'en sentais toute légère. Et je me disais que si le temps pouvait effectivement s'arrêter pour de bon, ne serait-ce qu'une heure, eh bien je serais éternelle une heure durant. Pendant soixante minutes, il n'y aurait plus de contraintes, plus de projets, plus rien à envisager, plus aucun devoir matériel ou moral, plus rien, plus rien, plus rien. Et alors je serais heureuse, j'en suis sûre, pendant une heure je serais dans une autre dimension. J'en suis persuadée.
C'est Mathieu qui s'est réveillé en deuxième, et quand il a vu Julie qui dormait sur mon épaule il a souri doucement. Puis les deux autres se sont réveillées à leur tour.
Noémie était complètement dans les vaps, alors elle est rentrée chez elle aussitôt. Julie aussi était très fatiguée, elle est montée se coucher. Je ne sais pas ce qui m'a pris mais en lui faisant la bise je lui ai dit " bonne nuit p'tite sœur ". Ca m'a surprise aussitôt, j'ai dit ça sans réfléchir, et ça m'a fait drôle. Ca fait juste une semaine que je la connais et pourtant, je crois l'avoir toujours eue à mes côtés. Mais de là à l'appeler " p'tite sœur "… Enfin peu importe, ça lui a fait plaisir je crois.
Moi je voulais aller promener mon chien avant de dormir alors je suis sortie, et Mathieu m'a accompagnée. On est allé se balader dans le parc, et on a discuté un peu. J'ai réussi à lui parler discrètement de Noémie, et d'après ce qu'il m'a dit je suis désormmais certaine qu'il a un petit faible pour elle. Alors dès lundi, j'essaierai d'avoir la même conversation avec Noémie, et si je sens qu'elle aussi elle des regards sur lui, eh bien je n'hésiterai pas à essayer de forcer les choses un petit peu.
On est rentré vers trois heures du matin. Je n'avais plus du tout envie de dormir, et Mathieu non plus, alors on est resté dans le salon à parler encore et à rigoler, car il faut dire que sous ses airs de garçon déprimé, il a vraiment de l'humour. En tous cas moi il me fait bien rire. Il devait dormir dans le salon, alors je lui ai dit bonne nuit et je suis partie pour le laisser se coucher. Mais comme finalement j'avais envie de l'embêter un peu je suis revenue aussitôt, et je me suis plantée devant lui pour le regarder se coucher. Evidemment il était un peu gêné, mais ça m'amusait. Il n'est pas resté très longtemps en caleçon, il s'est vite fourré sous les draps l'air de rien, et une fois couché il a retrouvé son petit humour. On a encore parlé et je suis montée avec mon chien m'endormir à mon tour.
Il est deux heures du matin, en ce moment. Ce soir je n'ai rien fait de spécial, si ce n'est que mon frère nous a appris à jouer aux échecs, à Julie et à moi, et qu'on a d'énormes progrès à faire. Une fois que mon frère nous eut expliqué les règles, on a essayé de faire une partie toutes les deux, mais finalement il y a eu match nul car au bout d'un moment, on s'est aperçu que nos deux rois étaient en échec depuis au moins un quart d'heure et qu'on ne s'en était même pas aperçu. En plus on n'était pas très sûres de la façon dont il faut déplacer le cavalier, alors si ça se trouve on a fait n'importe quoi. Je vais de suite me coucher, peut-être que mes rêves m'en apprendront un peu plus…

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