journal intime
41 _ Jeudi 7 novembre 2002

L'appartement

C'est désormais certain : d'ici quelques jours Julie et sa mère Mireille ne seront plus chez nous. Ah la la que c'est dommage… Je devrais être contente pour elles car cela signifie qu'elles vont pouvoir vivre leur vie, mais je suis un peu déçue quand même de les voir partir. Mireille va commencer à travailler lundi, elle va donc toucher une paye, elle s'est donc mise à la recherche d'un logement et d'ici peu de temps elle quittera la maison avec sa fille.Je sens déjà que Julie va me manquer. Depuis qu'elle était chez nous, c'était un peu comme ma sœur, et de savoir que je la verrai beaucoup moins souvent me chagrine un peu. Je sais bien que c'est mieux pour elle qu'elle aille vivre avec sa mère dans un appartement de la ville, mais si elle avait pu rester encore un peu ça aurait été chouette.
Nous avons visité trois appartements hier. Après avoir noté quelques annonces dans le journal, on est toutes montées dans la voiture (ma mère, la mère de Julie, Julie et moi), et je tiens à préciser que c'est moi qui conduisais (première fois avec ma mère). Nous sommes d'abord allées à la cité de Mireuil.Il faut dire ce qui est : Mireuil est une banlieue. Bien sûr ce n'est pas une banlieue du genre de celles qu'il y a à Paris ou à Chicago, il ne s'y passe jamais rien de vraiment grave, mais c'est quand même horriblement moche : de grands buildings un peu partout et du béton. C'est là que se trouvaient les deux premiers appartements que nous devions visiter.
On monte à l'étage pour le premier et là surprise : il y avait déjà une vingtaine de visiteurs qui patientaient pour la visite ! C'est stupide, cette manière de faire : le propriétaire convoque tous les locataires potentiels à la même heure pour ne faire qu'une seule visite. Il fallait voir ça : tous ces êtres humains réduits à leurs fonctionnements instinctifs. Car tous ces gens n'avaient qu'une envie : louer cet appartement. Et comme ils étaient plus de vingt, ils étaient tous à essayer de prendre un air dégagé et hautain par rapport aux autres, à essayer de faire croire au propriétaire qu'ils étaient les meilleurs locataires possibles, bref ils essayaient de sortir du lot. C'est nul.Ils ont mis un temps fou pour le visiter, cet appartement. Pourtant il n'y avait que trois pièces, mais tous ces gens tournaient autour du proprio et lui posaient des milliers de questions sur les charges, les éventuels travaux, etc etc… Quand on a vu ça avec Julie on a rapidement jeté un coup d'œil dans chacune des pièces et après on est resté dans notre coin à attendre que la visite se termine. Le loyer de cet appartement était très faible, mais ça se comprend vu l'état des moquettes et des tapisseries. On sentait qu'il n'avait pas été bien entretenu jusqu'à maintenant. Une demi-heure après on est sorti de là un peu déprimées, surtout la mère de Julie qui venait de réaliser que la recherche d'un logement n'allait pas être une chose facile.On a traversé une espèce de plate-forme en béton pour rejoindre un deuxième immeuble et visiter l'autre appartement. Déjà c'était beaucoup mieux car nous étions les seuls visiteurs. La propriétaire vivant à Paris, c'est le concierge qui nous a fait la visite. Ce concierge est un homme adorable, très serviable, très gentil, et la visite fut un plaisir. L'appartement se trouve au dix-huitième étage, j'espère que l'ascenseur ne tombe pas trop souvent en panne ! Le bon point de ce logement c'est la vue : de là-haut on voit la mer. C'est important d'avoir une belle vue non ? On voyait une grande partie de la ville s'étaler devant nous. On a cherché si on voyait notre maison mais dans toute cette étendue on ne l'a pas trouvée. Et puis il y a les autres buildings de la cité qui cachent une partie de la vue. Cet appartement-là était plus propre, mais le concierge a noté quelques points qui demanderont à être améliorés : par exemple la salle de bain, les carreaux sur le sol sont presque tous cassés, il faudraen placer de nouveaux. Le loyer était légèrement plus élevé que pour le premier appartement, mais hormis ces point négatif, tout semblait impeccable.
Comme le concierge était vraiment très aimable, il nous a proposé de venir prendre un café chez lui après la visite. Ma mère n'était pas trop d'accord mais moi j'ai tout de suite dit " oui " avant qu'elle ne refuse définitivement, et au bout du compte on s'est retrouvé dans l'appartement du concierge, au rez-de-chaussée. Sa femme était là, très aimable aussi. Chez eux on se serait cru chez la mère à Titi (la chanson de Renaud) : tout semblait vieux et bien en place. Une coquille St Jacques en guise de cendrier, une photo des petits-enfants sur la commode, quelques revues et magazines dispersés ça et là… Mais l'ambiance était détendue grâce à la gentillesse du concierge et de sa femme, et finalement on a mis une heure et demi à le boire ce café !
Mais en sortant la décision de Mireille était presque prise : elle allait contacter la propriétaire pour lui dire que l'appartement l'intéressait.
Mais cela ne nous empêchait pas de poursuivre nos visites et d'aller jeter un coup d'œil au troisième appartement, situé dans la cité des Salines. Je vais être directe : c'est un mauvais quartier. Là encore des buildings, mais l'ambiance y est plus lourde, plus angoissante. On est monté voir l'appartement, il y avait à l'entrée du bâtiment deux jeunes qui devaient avoir dix ou onze ans et qui fumaient un pétard dans la cage d'escalier. Ils nous ont même demandé une pièce quand on est passé à côté d'eux. L'appartement était minable, des murs sales, des plafonds tachés de moisie un peu partout, en plus c'était au rez-de-chaussée avec vue sur le building d'en face : une vraie catastrophe. On est vite ressorti.
Dans la soirée, Mireille a appelé la propriétaire du deuxième appartement pour lui signaler qu'elle était intéressée. La proprio a noté ses coordonnées et promis de rappeler rapidement. On n'a pas encore reçu le coup de fil, mais je sais que Mireille compte beaucoup dessus.
Ah la la… dire que d'ici quelques jours l'ancienne chambre de ma chère sœur sera de nouveau vide… Julie va me manquer.

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