C'est fait : Julie
et sa mère se sont installées dans
un appartement. Quel dommage ! La chambre de ma
sur va me sembler bien vide maintenant
C'est vrai qu'elles n'habitent pas à plus
de dix minutes en voiture d'ici, mais tout de
même Julie va me manquer.
Sa mère a eu de la chance : elle a pu louer
le deuxième appartement qu'on avait visité
l'autre jour. La propriétaire a donné
son accord, elle est descendue de Paris hier pour
régler entres cette affaire : tout est
signé à présent. Et elles
ont emménagé aujourd'hui.
Il n'y avait pas grand chose à emmener
: quelques meubles achetés avec le petit
budget de Mireille, plus ceux qu'on leur a donnés
car dans notre garage ils ne servaient pas à
grand chose. Ils sont vieux mais en très
bon état.
Encore une fois notre voisin, qui est décidément
très aimable, nous a aidé à
transporter tout ça. Il faut dire qu'un
fourgon c'est bien pratique pour déménager
On n'a eu que deux voyages à faire et à
midi tout était sur place. On a mangé
tranquillement sur un bout de table et ensuite
le voisin et Mireille ont commencé à
monter les meubles. On est donc allé se
balader avec Julie pour découvrir le quartier.
Je dis " découvrir ", mais moi
je le connais par cur ce quartier, c'était
surtout pour Julie en fait.
Cet endroit s'appelle Mireuil et c'est une plongée
dans les années soixante-dix. Tout doit
dater de cette époque, dans ce lieu
C'est dans cette période là je crois
qu'ils bâtissaient des buildings pour y
loger le plus de personnes possibles, avec de
faibles loyers. Hélas c'était peut-être
pratique à l'époque mais aujourd'hui
il faut bien dire ce qui est : c'est très
moche. Que des buildings, du béton et des
parkings. Heureusement l'immeuble qu'habitent
Julie et sa mère est un des moins vilains.
On s'est baladé comme ça au hasard
parmi les tours et puis on a passé le pont
qui chevauche la quatre-voies et après
c'est la campagne. Ca fait bizarre d'ailleurs,
d'un côté de la route c'est la cité,
de l'autre ce sont des champs. La différence
est étonnante.
Rue de la bergerie, qu'on s'est retrouvé.
J'étais étonnée car elle
a drôlement changé, cette fameuse
rue. C'est vrai qu'il y a très longtemps
que je n'y avais pas mis les pieds, mais depuis
ils font des cultures de légumes dans le
champ à gauche, et ils ont ouvert un club
de cheval de l'autre côté. Ah la
la
nous sommes de plus en plus envahis !
Autrefois je venais souvent ici car l'une des
maisons était habitée par un couple
d'amis de mes parents. C'étaient des personnes
âgées, le mari avait passé
sa vie à bâtir des maisons dans tout
l'Ouest de la France. Il s'installait dans une
ville, construisait une maison toute entière
de ses propres mains, y vivait quelques temps
avec sa famille, puis la vendait et s'en allait
recommencer dans une autre ville. C'est ainsi
qu'il a vécu quelques temps à La
Rochelle, dans cette rue entourée de champs.
J'aimais bien venir ici car la femme était
très gentille, et puis ils avaient un immense
jardin avec une balançoire sur laquelle
je passais énormément de temps.
Un après-midi que j'étais chez eux
j'avais demandé à la femme quand
est-ce qu'elle viendrait me pousser sur la balançoire.
Elle m'avait répondu " dans deux heures
", en m'expliquant que ce serait le moment
où la petite aiguille serait sur le quatre.
Comme je ne me représentais pas le temps
que ça faisait j'étais restée
plantée devant l'horloge pendant les deux
heures, sans bouger ! C'était le temps
où rien n'était urgent
De cette rue part un chemin, et un jour on y était
venu pour regarder mon père participer
à une course à pied. J'étais
petite et très fière de le voir
courir ! Quand il est rentré le soir j'ai
couru vers lui pour lui demander quelle place
il avait fait. Je ne me souviens plus de sa réponse,
mais je me rappelle qu'il avait gagné une
médaille. Alors là j'ai pris la
médaille et j'ai couru dans la maison en
criant de joie tellement j'étais fière
de lui ! Et dire qu'en ce moment, il est sur un
bateau quelque part sur l'Atlantique
expliquez-moi
un peu
On a emprunté ce chemin sous la pluie et
on a marché à travers champs pendant
une heure. Au bout d'un moment on est arrivé
dans un petit hameau dans lequel il y avait un
terrain de jeu tout inondé, au moins trois
ou quatre centimètres d'eau. On a réussi
à se frayer un chemin jusqu'au banc en
marchant sur de grosses pierres, et on s'est assises.
C'était marrant il y avait de l'eau partout
: dessous, à côté, tout autour
Mon chien était content d'ailleurs, il
sautait dedans.
On a parlé un peu puis on est revenu. De
retour au quartier de Mireuil on s'est arrêté
faire quelques courses dans le coop. Le "
coop ", tout un symbole ! Je ne sais pas
s'il y en a partout en France, mais j'en connais
plusieurs dans les environs de La Rochelle. C'est
à mi-chemin entre l'épicerie et
la petite grande-surface. On y trouve un peu de
tout mais en faible quantité, il y a trois
ou quatre caisses et peu de monde, c'est marrant
Ca aussi c'est une plongée dans les années
soixante-dix, je trouve. C'est sûrement
ici que Julie et sa mère viendront faire
leurs courses.
Quand on est revenu, Mireille et mon voisin nous
attendaient car ils avaient fini de monter les
meubles. Alors je suis rentrée.
J'étais invitée à une soirée
ce soir mais j'ai dit non car je vais passer la
nuit chez Julie. Je vais donc partager avec sa
première nuit dans l'appartement. Par contre
il pleut des cordes alors je ne sais pas dans
quel état je vais arriver là bas
Mais je n'aime pas beaucoup prendre le bus, et
puis avec mon chien ce n'est pas trop possible,
alors je vais me couvrir de bons vêtements
et affronter le déluge ! A moins que ma
mère n'ait la gentillesse de m'y conduire.
Je suis pressée d'avoir dix-huit ans pour
pouvoir conduire seule. La conduite accompagnée
c'est bien joli, mais si on y réfléchit
ça n'a pas grand intérêt puisqu'on
ne peut pas se déplacer seul : on est aussi
dépendant qu'avant ! Mais bon, c'est vrai
que c'est agréable d'être au volant,
je trouve.
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