journal intime
42 _ Samedi 9 novembre 2002

Emménagement à Mireuil

C'est fait : Julie et sa mère se sont installées dans un appartement. Quel dommage ! La chambre de ma sœur va me sembler bien vide maintenant… C'est vrai qu'elles n'habitent pas à plus de dix minutes en voiture d'ici, mais tout de même Julie va me manquer.
Sa mère a eu de la chance : elle a pu louer le deuxième appartement qu'on avait visité l'autre jour. La propriétaire a donné son accord, elle est descendue de Paris hier pour régler entres cette affaire : tout est signé à présent. Et elles ont emménagé aujourd'hui.
Il n'y avait pas grand chose à emmener : quelques meubles achetés avec le petit budget de Mireille, plus ceux qu'on leur a donnés car dans notre garage ils ne servaient pas à grand chose. Ils sont vieux mais en très bon état.
Encore une fois notre voisin, qui est décidément très aimable, nous a aidé à transporter tout ça. Il faut dire qu'un fourgon c'est bien pratique pour déménager… On n'a eu que deux voyages à faire et à midi tout était sur place. On a mangé tranquillement sur un bout de table et ensuite le voisin et Mireille ont commencé à monter les meubles. On est donc allé se balader avec Julie pour découvrir le quartier. Je dis " découvrir ", mais moi je le connais par cœur ce quartier, c'était surtout pour Julie en fait.
Cet endroit s'appelle Mireuil et c'est une plongée dans les années soixante-dix. Tout doit dater de cette époque, dans ce lieu… C'est dans cette période là je crois qu'ils bâtissaient des buildings pour y loger le plus de personnes possibles, avec de faibles loyers. Hélas c'était peut-être pratique à l'époque mais aujourd'hui il faut bien dire ce qui est : c'est très moche. Que des buildings, du béton et des parkings. Heureusement l'immeuble qu'habitent Julie et sa mère est un des moins vilains. On s'est baladé comme ça au hasard parmi les tours et puis on a passé le pont qui chevauche la quatre-voies et après c'est la campagne. Ca fait bizarre d'ailleurs, d'un côté de la route c'est la cité, de l'autre ce sont des champs. La différence est étonnante.
Rue de la bergerie, qu'on s'est retrouvé. J'étais étonnée car elle a drôlement changé, cette fameuse rue. C'est vrai qu'il y a très longtemps que je n'y avais pas mis les pieds, mais depuis ils font des cultures de légumes dans le champ à gauche, et ils ont ouvert un club de cheval de l'autre côté. Ah la la… nous sommes de plus en plus envahis !
Autrefois je venais souvent ici car l'une des maisons était habitée par un couple d'amis de mes parents. C'étaient des personnes âgées, le mari avait passé sa vie à bâtir des maisons dans tout l'Ouest de la France. Il s'installait dans une ville, construisait une maison toute entière de ses propres mains, y vivait quelques temps avec sa famille, puis la vendait et s'en allait recommencer dans une autre ville. C'est ainsi qu'il a vécu quelques temps à La Rochelle, dans cette rue entourée de champs. J'aimais bien venir ici car la femme était très gentille, et puis ils avaient un immense jardin avec une balançoire sur laquelle je passais énormément de temps. Un après-midi que j'étais chez eux j'avais demandé à la femme quand est-ce qu'elle viendrait me pousser sur la balançoire. Elle m'avait répondu " dans deux heures ", en m'expliquant que ce serait le moment où la petite aiguille serait sur le quatre. Comme je ne me représentais pas le temps que ça faisait j'étais restée plantée devant l'horloge pendant les deux heures, sans bouger ! C'était le temps où rien n'était urgent…
De cette rue part un chemin, et un jour on y était venu pour regarder mon père participer à une course à pied. J'étais petite et très fière de le voir courir ! Quand il est rentré le soir j'ai couru vers lui pour lui demander quelle place il avait fait. Je ne me souviens plus de sa réponse, mais je me rappelle qu'il avait gagné une médaille. Alors là j'ai pris la médaille et j'ai couru dans la maison en criant de joie tellement j'étais fière de lui ! Et dire qu'en ce moment, il est sur un bateau quelque part sur l'Atlantique…expliquez-moi un peu…
On a emprunté ce chemin sous la pluie et on a marché à travers champs pendant une heure. Au bout d'un moment on est arrivé dans un petit hameau dans lequel il y avait un terrain de jeu tout inondé, au moins trois ou quatre centimètres d'eau. On a réussi à se frayer un chemin jusqu'au banc en marchant sur de grosses pierres, et on s'est assises. C'était marrant il y avait de l'eau partout : dessous, à côté, tout autour… Mon chien était content d'ailleurs, il sautait dedans.
On a parlé un peu puis on est revenu. De retour au quartier de Mireuil on s'est arrêté faire quelques courses dans le coop. Le " coop ", tout un symbole ! Je ne sais pas s'il y en a partout en France, mais j'en connais plusieurs dans les environs de La Rochelle. C'est à mi-chemin entre l'épicerie et la petite grande-surface. On y trouve un peu de tout mais en faible quantité, il y a trois ou quatre caisses et peu de monde, c'est marrant… Ca aussi c'est une plongée dans les années soixante-dix, je trouve. C'est sûrement ici que Julie et sa mère viendront faire leurs courses.
Quand on est revenu, Mireille et mon voisin nous attendaient car ils avaient fini de monter les meubles. Alors je suis rentrée.
J'étais invitée à une soirée ce soir mais j'ai dit non car je vais passer la nuit chez Julie. Je vais donc partager avec sa première nuit dans l'appartement. Par contre il pleut des cordes alors je ne sais pas dans quel état je vais arriver là bas… Mais je n'aime pas beaucoup prendre le bus, et puis avec mon chien ce n'est pas trop possible, alors je vais me couvrir de bons vêtements et affronter le déluge ! A moins que ma mère n'ait la gentillesse de m'y conduire. Je suis pressée d'avoir dix-huit ans pour pouvoir conduire seule. La conduite accompagnée c'est bien joli, mais si on y réfléchit ça n'a pas grand intérêt puisqu'on ne peut pas se déplacer seul : on est aussi dépendant qu'avant ! Mais bon, c'est vrai que c'est agréable d'être au volant, je trouve.

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