Le texte que j'ai
écrit samedi m'a fichu le moral à
zéro. C'est fou, voilà que mon écriture
me touche moi-même. Je me suis relue pendant
vingt minutes, c'est bien la première fois
que ça m'arrive. Je me relisais et je replongeais
dans mon enfance, et des milliers d'images défilaient
devant mes yeux. Des souvenirs de mon enfance,
j'en ai des millions. Ils disparaissent, ils reviennent,
comme si une force au fond de moi les retenait,
au cas où ça re-servirait un jour
Je revois toutes ces images clignoter devant mes
yeux. Il fait noir dehors, mais je suis bien au
chaud à l'intérieur, et ma Maman
n'est pas très loin. Ou bien je m'amuse
dans le jardin avec ma sur. Des millions
d'images qui n'en finissent plus de défiler.
Je ne sais pas à quel âge se termine
l'enfance, mais dans mon cas je crois que ce fut
à dix ans. A cette époque, il y
a vraiment eu un changement. Pour la première
fois, je me suis allongée sur mon lit pour
réfléchir à des questions
sans réponses, pour la première
fois j'ai ressassé en moi les belles choses
du passé, pour la première fois
j'ai cessé de prendre les jours les uns
après les autres, comme ils se présentaient.
A dix ans, je suis devenue adulte.
Et tout est parti en fumée. J'ai plus de
souvenirs de mes dix premières années
que des sept suivantes. Sept, bientôt huit.
Eh oui, dans deux mois j'aurai dix-huit ans, et
je serai adulte officiellement. Super
Je
ressens cela comme un grand changement, mais je
me disais déjà ça pour les
quatorze ans, puis pour les seize, en gros tous
les deux ans. Plus tard, je suppose que ce sera
tous les cinq ans, puis tous les dix, puis jamais,
quand je serai vieille et fatiguée de compter.
Je ne sais pas ce qui s'est passé. Quand
j'avais dix ans, j'ai passé une semaine
chez mes grands-parents avec mon petit frère.
C'était chouette, comme à chaque
fois. Oui, mais c'était plus pareil
Ma grand-mère n'était plus la même.
Toujours aussi gentille, mais plus pareille, du
moins c'est ce que j'ai ressenti.
Quelques temps plus tard, j'étais seule
dans ma chambre à m'occuper de je ne sais
quoi. La solitude ne m'a jamais pesée,
j'ai toujours su m'occuper seule, enfin il ne
faut pas que ça dure trop longtemps non
plus. Et puis d'un coup, je n'ai plus réussi
à jouer, ça y est, c'est là
que tout a changé, à cet instant
précis. Jamais je n'aurais cru que j'en
reparlerais sept ans plus tard. Je me suis arrêtée
de jouer et j'ai pensé à mon séjour
chez ma grand-mère, et je l'ai comparé
à toutes les autres fois que j'étais
allée chez elle. C'était fini, je
n'étais plus une petite fille, et tout
ce que j'aimais s'envolait. Je repensais en particulier
à une histoire que ma grand-mère
m'avait racontée. J'étais trop petite
pour m'en rappeler, mais comme elle raconte très
bien, c'est comme si je m'en souvenais.
Un jour, d'ailleurs c'était la nuit, j'ai
fait quelque chose qui l'avait énervée.
Je ne sais plus quoi, sans doute une bêtise.
En gros, j'avais été chiante. Alors
elle s'était mise en colère après
moi. Le monde à l'envers ! Ma grand-mère
qui me disputait ! Je ne comprenais plus rien
Alors je me suis mise à pleurer en bredouillant
" beh Mamie
" Et ma grand-mère,
de me voir dans cet état, en avait été
malade. Elle s'en était voulue à
mort de s'être emportée de la sorte,
alors est redevenue toute gentille. Et plus jamais
elle ne m'a disputée par la suite
Et donc je repensais à tout ça,
assise sur le parquet de ma chambre, et je me
disais que désormais c'était fini,
les petites larmes et les " beh mamie ".
Tout était fini.
Ma mère est passée devant ma chambre
et m'a vue pensive. Alors on a parlé et
elle m'a consolée. En quelques minutes
j'ai retrouvé le moral. Eh oui, quand vous
êtes triste pour la première fois,
il suffit de quelques bonnes paroles pour tout
arranger. La deuxième fois c'est un peu
plus long, et plus le temps passe plus c'est difficile.
Et aujourd'hui si je n'ai pas le moral, soit ça
passe tout seul, soit ça ne passe pas.
Mais je suis devenue complètement imperméable
à toutes les douces paroles. C'est ainsi.
Cette envie de retourner dans le passé
m'a rongée très longtemps. Avec
des hauts et des bas. Le pire, c'est vers mes
quinze ans, alors que ma sur était
gravement malade. Je ne sais pas, d'ailleurs,
s'il y a un lien entre ma sur et ce regret
du passé. Je ne sais pas
D'autant
que mon regret du passé date d'avant les
problèmes de ma sur. Quoique
D'une façon générale, j'ai
vécu les douleurs de ma sur en parallèle,
enfin c'est une autre histoire. Je disais donc
que cette nostalgie est revenue de plein fouet
vers mes quinze ans. J'ai épluché
tous les albums de famille et j'ai sélectionné
une centaine de photos de mon enfance. De mon
plus jeune âge jusqu'à mes dix ans.
Et je les ai classées dans un autre album
avec beaucoup de soin. Ne croyez pas que ce fut
un plaisir, chaque photo m'arrachait des sanglots.
Je n'arrivais pas à y croire. Je me disais
" Mais c'est pas possible
j'ai tout
perdu. J'étais heureuse et voilà
le résultat. On m'a tout pris ". En
gros c'était ça.
Pourtant j'avais bon fond, étant petite,
c'est pas juste
Oui, j'avais bon fond, je
vous jure que c'est vrai. La preuve cette petite
anecdote :
Un jour, d'ailleurs c'était la nuit, j'étais
assise dans mon lit à feuilleter un livre
d'images d'animaux. Il y en avait une très
grande représentant une espèce de
gros animal, genre bison, qui pourchassait une
petite brebis. Et moi, je n'arrivais pas à
accepter cette image. Elle me mettait très
en colère et me faisait beaucoup de peine.
Je n'acceptais pas que le fort poursuive le faible.
Alors je faisais des caresses sur le papier à
l'endroit de la brebis, et je donnais des coups
de poing sur le bison. C'est incroyable, le pouvoir
des images.
Ca me rend triste, la vie est mal fichue. L'autre
jour je disais qu'en devenant adulte, on découvrait
des choses magnifiques. A commencer par faire
l'amour, et apprécier une belle chanson.
Il faut de l'âge pour tout ça, alors
oui, c'est incontestable, être adulte a
du bon. Mais le prix a payer était trop
fort pour moi. J'ai perdu au change.
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