journal intime
131 _ lundi 31 mars 2003

Fille d'institutrice

Il paraît que je parle, et surtout que j'écris, comme une fille d'institutrice. Ca tombe bien : je le suis. Ce n'est pas un truc que j'ai lu dans mes mails, mais que j'ai lu deux ou trois sur d'autres sites. D'ailleurs j'adore ça, quand on parle de moi sur un autre journal. Sauf si c'est pour dire du mal, mais ça n'arrive presque jamais, puisque pour dire du mal de moi, il faudrait que j'en dise des autres. Et je ne le fais jamais. Quand je n'aime pas quelqu'un, je l'ignore. Alors que d'autres, au contraire, aiment critiquer, balancer, provoquer et semer le trouble partout où ils passent, dans la vie et sur le Net. On les appelle " grandes gueules ", et on dit d'eux qu'ils ont une forte personnalité. C'est nul. J'aime pas ces gens-là, sauf quand ils ont des choses intéressantes à dire, mais neuf fois sur dix leurs propos n'ont aucun sens. Alors moi qui suis une petite gueule, eh bien je ne fais pas beaucoup de bruit. Sauf sur ce site où j'en fais beaucoup, et c'est bien le principal ma foi :)
Ainsi, il paraît que je m'exprime comme une fille d'institutrice, avec un vocabulaire propore et soigné. Ce genre de propos me fait sourire. Et ne me déplaît pas, ça veut dire que ma Maman a bien fait son travail. Quoique… ma sœur aussi était fille d'institutrice, et pourtant elle s'exprimait bien différemment de moi. Si elle pouvait écrire à mes côtés dans ce journal, vous verriez la différence ! Ca donnerait des choses du genre : "eh bien moi je dis que c'est chacun pour sa gueule. Si je peux aider quelqu'un, je veux bien. Mais s'il fait rien pour sortir de sa merde, eh bien il peut crever la gueule ouverte, j'en ai rien à foutre". Eh eh… Si elle écrivait son journal là-haut, au paradis, et qu'on pouvait le lire ici, sur terre, je serais sa plus fidèle lectrice ! Fait chier tiens…
Je suis explosée. Entendez par là : je suis très fatiguée, et non pas je suis défoncée. Car je ne me drogue pas, ne l'ai jamais fait et n'ai pas l'intention de le faire. Seulement j'ai très peu dormi cette nuit. J'avais des idées plein la tête, et pas toutes très agréables. David dormait tranquillement à côté de moi, mais je ne voulais pas le réveiller, il se levait à sept heures… Et moi aussi, d'où ma fatigue aujourd'hui. Mais je pensais à ma sœur, et à mon petit frère qui est venu passer le week-end ici. C'était bien chouette.
J'avais prévenu David que comme mon petit frère venait, j'allais passer beaucoup de temps avec lui. Ben oui, c'est la famille, c'est important je trouve. On a grimpé en haut de la Tour Eiffel. Pourtant les ascenseurs, moi j'y rentre à reculons. Mais mon frangin y tenait. Et il a eu bien raison, parce que la vue est magnifique. Enfin au troisième étage on ne voyait rien, parce que les nuages volaient bas. Mais au deuxième parfait, on voyait tout, Paris était à nos pieds, c'était samedi matin, et mon frère visitait la ville de son œil vif et sous mes indications avisées. Ici le Sacré Cœur, là-bas Notre Dame, et au fond, tu vois mon gars, beh c'est le bois de Boulogne.
Mon père nous avait donné carte blanche : toutes nos dépenses nous seraient remboursées. Alors on en a profité. Un p'tit café par-ci, un p'tit ciné par-là, qu'il est bon et doux d'avoir la chance de pouvoir dépenser son argent sans regarder. Mon frère voulait manger au Mac Do. Non petit, on va pas au Mac Do, c'est moche, c'est cher, et c'est pas bon pour la ligne. Alors on va chez Quick. Mdr. On a été au Chinois, près de la gare du Nord y en a un bon.
C'est là qu'on a parlé de ma sœur. Ca craint, je crois souvent que cette histoire est finie, mais elle revient de temps en temps. Nous continuons de vivre dans le fantôme de ma sœur, c'est pénible. Je ne sais plus pourquoi on s'est mis à parler d'elle, j'ai oublié, mais je crois bien que c'est la première fois qu'on en causait lui et moi. Mon petit frère a versé quelques larmes, et je crois que pour la première fois, je me suis rendue compte que lui aussi il avait été touché de plein fouet par le drame. Autant que moi, mais c'est à peine si je m'en étais aperçue, ça craint et je m'en veux un peu.
Il pleurait, mais moi je suis restée forte. Oui, forte. Parce que je vais vous dire un truc moi, du haut de mes dix-sept ans, à vous parents dont les enfants font des bêtises : il faut rester adulte. Parce que les parents, ce sont les deux personnes qui sont sensées t'indiquer le chemin, te montrer la voie, te servir d'exemple, t'aider et répondre à tes questions. Alors quand les parents se comportent comme des enfants, ça pose problème. Pendant toute la maladie de ma sœur, j'ai vu mon père piquer des colères incroyables et ma mère pleurer à longueur de journées. Finalement ils étaient aussi perdus que moi, alors comment aurais-je pu m'en sortir ? Je ne sais pas… Combien de parents sont réellement adultes ? Adulte au sens premier du terme : quelqu'un qui connaît la vie, quelqu'un qui sait. Très peu, je crois. Ah ça, quand l'enfant ramène une mauvaise note ou bien qu'il n'est pas sage à l'école, pour le disputer ou lui faire la morale, on sait faire. Mais quand l'enfant se détruit peu à peu jusqu'à la mort, eh bien on se rend compte que les disputes, les morales et les larmes, ça ne sert plus à rien.
Mon frère a pleuré samedi, mais moi pas. J'ai essayé de le consoler, de répondre à ses questions et de lui donner des conseils. J'ai bien failli craquer aussi, mais non. Et maintenant, avec le recul, j'en suis bien contente. Parce que je sais que mon frère, il peut se dire qu'il a une grande sœur qui a compris certaines choses, qui a du recul, qui est là pour l'entendre et l'aider. Si j'avais pleuré comme lui, eh bien la conclusion c'est que j'étais dans la même merde que lui. Un peu comme autrefois, mes parents ont été dans la même merde que moi.
Mais y aurait bien des choses à faire bouger dans cette pute de vie.
Ce soir, représentation de théâtre. Caroline sera avec moi.

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