journal intime
132 _ mardi 1er avril 2003

Dans les coulisses

J'ai assisté à la représentation théâtrale directement depuis les coulisses hier soir, cachée derrière le rideau. Les acteurs ont été très bons, je sens que je vais me régaler à écrire ce petit article. Mais avant ça, je vais déjà raconter la soirée.
Je vais quand même faire un petit résumé de la situation pour ceux qui débarquent. Je suis chargée de rédiger un petit article sur deux associations de théâtre amateur, pour une revue gratuite. La semaine dernière, j'ai assisté à la répétition de chacune d'elles. Elles étaient toutes les deux passionnantes, sauf peut-être la seconde, un peu ennuyeuse. Et hier soir, elles participaient à une espèce de manège, je veux dire par-là qu'il y avait une dizaine de troupes qui passaient chacune à leur tour sur les planches afin de présenter leur activité, en vue de spectacles futurs. Je rédige cet article avec une amie, Caroline. Voilà.
Nous sommes arrivées très en avance. Car je n'avais pas simplement envie de me pointer là-bas, de m'asseoir dans un siège, de regarder vaguement les numéros et de repartir à la fin. Non, je voulais beaucoup plus que ça, assister à la préparation, matérielle et morale, à l'ambiance, à tout. C'est pas que je sois exigeante ni que j'aie déjà la conscience professionnelle du journalisme, mais j'étais curieuse et très intéressée. Le monde du spectacle m'est pour ainsi dire inconnu.
Tout en avance qu'on était, Caroline et moi, il n'y avait qu'une dizaine de personnes. Mais Cécile était déjà là. Cécile, c'est l'animatrice du premier des deux ateliers. Elle m'a encore très impressionnée hier soir, quand je pense qu'elle n'a que vingt et un ans et qu'elle s'occupe de ça avec une énergie débordante… J'adore les gens comme ça. Elle est actrice au conservatoire, elle veut en faire son métier. Et cet atelier elle l'anime pour le plaisir, parce que trente euros par an, c'est vraiment symbolique au vu de son investissement. Je lui ai présenté Caroline, on a discuté un petit peu. A ce moment de la soirée, Cécile avait encore peu à faire. Mais plus le temps passait, plus elle était occupée, ce qui peut se comprendre. Elle nous a proposé d'accompagner la troupe dans les coulisses. Evidemment on a dit oui.
Il y avait une dizaine d'associations, qui allaient passer à tour de rôle, avec un entracte au milieu. Une salle chacune. On était avec les acteurs, assez serrés finalement dans cette petite pièce. Ils étaient tous très agités, affairés à passer leur costume, sobre mais important, à répéter encore leur texte pour les plus stressés, et à se maquiller. D'ailleurs je les ai aidés, je leur ai mis de la poudre blanche sur les joues, ça m'amusait et il n'y avait personne pour le faire. Cécile m'avait dit d'en mettre une bonne dose parce qu'une fois sous les projecteurs, ça ne se voyait presque plus. Alors j'en ai mis une bonne dose…
J'ai ainsi poudré Alban, que j'appelle ainsi parce que c'est le nom qu'il porte dans la pièce. Il m'avait beaucoup plu lors de la répétition, je l'avais senti plein d'idées, mais hélas trop timide pour les mettre en œuvre jusqu'au bout. Il avait peur d'oublier son texte. Ca le tracassait beaucoup, il me disait qu'il perdait la mémoire quand il avait peur. Alors je lui ai dit que devant un public ou bien tout seul, ben le texte était le même… Oui je sais c'est stupide comme réflexion, mais on fait ce qu'on peut. Je lui ai dit que j'étais sûre qu'il allait réussir. Et c'était vrai, d'ailleurs, j'en étais certaine, sans savoir pourquoi… Puis ce fut l'heure. Ils passaient en premier.
Ils étaient chacun à leur place, soit derrière les rideaux, près à faire leur entrée le moment venu, soit directement sur les planches pour les premiers à jouer. On entendait le brouhaha des gens de l'autre côté du rideau, je vous dis pas comment c'est flippant. Même moi qui ne jouais pas, à les voir si nerveux autour de moi et à entendre le public, eh bien j'avais le cœur qui battait vite. Un homme est arrivé, d'une cinquantaine d'années, en costard, très souriant. Il a dit bonjour à Cécile et à d'autres personnes qu'il connaissait apparemment. Il nous a même dit à Caroline et à moi : " alors vous êtes prêtes ? " Eh eh… non ça va, nous on est juste là pour regarder. J'ai appris plus tard qu'il s'agissait d'un conseiller municipal de la mairie de l'arrondissement. Dans la salle, la lumière s'est éteinte. Attention, ça allait commencer, tin tin…
Le conseiller municipal a entrouvert le rideau et est passé de l'autre côté. On l'a entendu réciter un petit discours, souhaiter la bienvenue au public, remercier les gens d'être présents au rendez-vous, patati patata. Et ce fut le départ.
Magnifique, tout s'est admirablement bien passé, comme si les acteurs avaient fait ça toute leur vie, alors que pour la plupart il s'agissait du baptème de la scène. Alban a été grandiose. Quand ce fut son tour, on s'est regardé avec Caroline. J'espérais du fond du cœur qu'il allait réussir. Eh bien il a été excellent, bien meilleur même que pendant la répétition. Bien au contraire d'avoir peur, il était bizarrement très à l'aise, et le public a bien rigolé. Je précise que c'était une comédie. Quand il est revenu en coulisse, je l'ai doucement applaudi au passage, je crois que ça lui a fait plaisir. Impeccable.
On est allé se fumer une cigarette avec Caroline pendant l'entracte. J'étais déjà pleine d'idées pour notre article, mais elle me disait de ne pas m'enflammer, et me rappelait qu'il y avait une autre troupe à regarder. Ah oui, j'avais presque oublié…
Je suis allée retrouver le deuxième professeur et ses acteurs. Encore une fois, c'est à peine s'il m'a adressé la parole. Je me demande comment il fait pour être aussi désagréable. Je sais pas, il doit s'entraîner à être chiant, ça doit demander pas mal d'expérience, j'en sais rien… En tous cas il ne nous a pas proposé de rester, alors on est retourné dans le public avant que la deuxième partie ne commence. J'aurais bien aimé aller parler avec Cécile, mais sa Maman était venue la voir, elles discutaient toutes les deux, j'ai préféré ne pas m'incruster.
Bon… on a regardé la deuxième partie, et notamment notre fameuse troupe. Ce n'était pas mauvais, ça non, je serais malhonnête de le dire. Les acteurs étaient plutôt bien réglés, ils semblaient maîtriser leur pièce, mais bon… Je sais pas, je n'aime pas l'ambiance qui règne chez eux. Je n'ai pas trouvé une âme dans leur équipe, pas d'état d'esprit. Beaucoup de travail, c'est sûr, mais rien de plus… Alors je crois que l'article que nous allons rédiger avec Caroline sera en grande partie consacré au premier atelier, beaucoup plus qu'au second. Un peu comme ce texte que je suis en train d'écrire. Voilà.
Tout à l'heure, j'avais rendez-vous avec la conseillère d'orientation. J'en parlerai demain.

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