J'ai assisté
à la représentation théâtrale
directement depuis les coulisses hier soir, cachée
derrière le rideau. Les acteurs ont été
très bons, je sens que je vais me régaler
à écrire ce petit article. Mais
avant ça, je vais déjà raconter
la soirée.
Je vais quand même faire un petit résumé
de la situation pour ceux qui débarquent.
Je suis chargée de rédiger un petit
article sur deux associations de théâtre
amateur, pour une revue gratuite. La semaine dernière,
j'ai assisté à la répétition
de chacune d'elles. Elles étaient toutes
les deux passionnantes, sauf peut-être la
seconde, un peu ennuyeuse. Et hier soir, elles
participaient à une espèce de manège,
je veux dire par-là qu'il y avait une dizaine
de troupes qui passaient chacune à leur
tour sur les planches afin de présenter
leur activité, en vue de spectacles futurs.
Je rédige cet article avec une amie, Caroline.
Voilà.
Nous sommes arrivées très en avance.
Car je n'avais pas simplement envie de me pointer
là-bas, de m'asseoir dans un siège,
de regarder vaguement les numéros et de
repartir à la fin. Non, je voulais beaucoup
plus que ça, assister à la préparation,
matérielle et morale, à l'ambiance,
à tout. C'est pas que je sois exigeante
ni que j'aie déjà la conscience
professionnelle du journalisme, mais j'étais
curieuse et très intéressée.
Le monde du spectacle m'est pour ainsi dire inconnu.
Tout en avance qu'on était, Caroline et
moi, il n'y avait qu'une dizaine de personnes.
Mais Cécile était déjà
là. Cécile, c'est l'animatrice du
premier des deux ateliers. Elle m'a encore très
impressionnée hier soir, quand je pense
qu'elle n'a que vingt et un ans et qu'elle s'occupe
de ça avec une énergie débordante
J'adore les gens comme ça. Elle est actrice
au conservatoire, elle veut en faire son métier.
Et cet atelier elle l'anime pour le plaisir, parce
que trente euros par an, c'est vraiment symbolique
au vu de son investissement. Je lui ai présenté
Caroline, on a discuté un petit peu. A
ce moment de la soirée, Cécile avait
encore peu à faire. Mais plus le temps
passait, plus elle était occupée,
ce qui peut se comprendre. Elle nous a proposé
d'accompagner la troupe dans les coulisses. Evidemment
on a dit oui.
Il y avait une dizaine d'associations, qui allaient
passer à tour de rôle, avec un entracte
au milieu. Une salle chacune. On était
avec les acteurs, assez serrés finalement
dans cette petite pièce. Ils étaient
tous très agités, affairés
à passer leur costume, sobre mais important,
à répéter encore leur texte
pour les plus stressés, et à se
maquiller. D'ailleurs je les ai aidés,
je leur ai mis de la poudre blanche sur les joues,
ça m'amusait et il n'y avait personne pour
le faire. Cécile m'avait dit d'en mettre
une bonne dose parce qu'une fois sous les projecteurs,
ça ne se voyait presque plus. Alors j'en
ai mis une bonne dose
J'ai ainsi poudré Alban, que j'appelle
ainsi parce que c'est le nom qu'il porte dans
la pièce. Il m'avait beaucoup plu lors
de la répétition, je l'avais senti
plein d'idées, mais hélas trop timide
pour les mettre en uvre jusqu'au bout. Il
avait peur d'oublier son texte. Ca le tracassait
beaucoup, il me disait qu'il perdait la mémoire
quand il avait peur. Alors je lui ai dit que devant
un public ou bien tout seul, ben le texte était
le même
Oui je sais c'est stupide
comme réflexion, mais on fait ce qu'on
peut. Je lui ai dit que j'étais sûre
qu'il allait réussir. Et c'était
vrai, d'ailleurs, j'en étais certaine,
sans savoir pourquoi
Puis ce fut l'heure.
Ils passaient en premier.
Ils étaient chacun à leur place,
soit derrière les rideaux, près
à faire leur entrée le moment venu,
soit directement sur les planches pour les premiers
à jouer. On entendait le brouhaha des gens
de l'autre côté du rideau, je vous
dis pas comment c'est flippant. Même moi
qui ne jouais pas, à les voir si nerveux
autour de moi et à entendre le public,
eh bien j'avais le cur qui battait vite.
Un homme est arrivé, d'une cinquantaine
d'années, en costard, très souriant.
Il a dit bonjour à Cécile et à
d'autres personnes qu'il connaissait apparemment.
Il nous a même dit à Caroline et
à moi : " alors vous êtes prêtes
? " Eh eh
non ça va, nous on
est juste là pour regarder. J'ai appris
plus tard qu'il s'agissait d'un conseiller municipal
de la mairie de l'arrondissement. Dans la salle,
la lumière s'est éteinte. Attention,
ça allait commencer, tin tin
Le conseiller municipal a entrouvert le rideau
et est passé de l'autre côté.
On l'a entendu réciter un petit discours,
souhaiter la bienvenue au public, remercier les
gens d'être présents au rendez-vous,
patati patata. Et ce fut le départ.
Magnifique, tout s'est admirablement bien passé,
comme si les acteurs avaient fait ça toute
leur vie, alors que pour la plupart il s'agissait
du baptème de la scène. Alban a
été grandiose. Quand ce fut son
tour, on s'est regardé avec Caroline. J'espérais
du fond du cur qu'il allait réussir.
Eh bien il a été excellent, bien
meilleur même que pendant la répétition.
Bien au contraire d'avoir peur, il était
bizarrement très à l'aise, et le
public a bien rigolé. Je précise
que c'était une comédie. Quand il
est revenu en coulisse, je l'ai doucement applaudi
au passage, je crois que ça lui a fait
plaisir. Impeccable.
On est allé se fumer une cigarette avec
Caroline pendant l'entracte. J'étais déjà
pleine d'idées pour notre article, mais
elle me disait de ne pas m'enflammer, et me rappelait
qu'il y avait une autre troupe à regarder.
Ah oui, j'avais presque oublié
Je suis allée retrouver le deuxième
professeur et ses acteurs. Encore une fois, c'est
à peine s'il m'a adressé la parole.
Je me demande comment il fait pour être
aussi désagréable. Je sais pas,
il doit s'entraîner à être
chiant, ça doit demander pas mal d'expérience,
j'en sais rien
En tous cas il ne nous a
pas proposé de rester, alors on est retourné
dans le public avant que la deuxième partie
ne commence. J'aurais bien aimé aller parler
avec Cécile, mais sa Maman était
venue la voir, elles discutaient toutes les deux,
j'ai préféré ne pas m'incruster.
Bon
on a regardé la deuxième
partie, et notamment notre fameuse troupe. Ce
n'était pas mauvais, ça non, je
serais malhonnête de le dire. Les acteurs
étaient plutôt bien réglés,
ils semblaient maîtriser leur pièce,
mais bon
Je sais pas, je n'aime pas l'ambiance
qui règne chez eux. Je n'ai pas trouvé
une âme dans leur équipe, pas d'état
d'esprit. Beaucoup de travail, c'est sûr,
mais rien de plus
Alors je crois que l'article
que nous allons rédiger avec Caroline sera
en grande partie consacré au premier atelier,
beaucoup plus qu'au second. Un peu comme ce texte
que je suis en train d'écrire. Voilà.
Tout à l'heure, j'avais rendez-vous avec
la conseillère d'orientation. J'en parlerai
demain.
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