Il y a de jolis
paysages le long des lignes de RER autour de Paris
: de longs murs de bétons remplis de graphitis
ratés, des terrains vagues, et quelques
énormes cités HLM qu'on aperçoit
de temps en temps. Pour mon premier voyage, je
n'ai pas été déçue.
De temps en temps, le train s'arrêtait dans
un petit centre-ville agréable, mais le
plus souvent le décor était désolant.
Quand je suis montée, le wagon était
presque entièrement vide. A gauche un long
compartiment, et à droite un petit, avec
juste quatre banquettes. J'ai pris à droite
et me suis assise à côté de
la fenêtre, mon chien s'est couché
par terre.
Après quelques arrêts, un homme d'une
trentaine d'années m'a rejointe. Il avait
l'air tout heureux et pour cause : il m'a appris
que sa femme avait accouché la nuit même.
Il faisait plaisir à voir. Et puis il s'est
déshabillé
Oui, déshabillé.
Mais juste le haut. Il a passé une blouse
blanche, sa tenue de travail, en m'expliquant
qu'il était employé dans une pharmacie
et qu'il n'avait pas eu le temps de se changer
avant de partir. Puis il s'est assis en face de
moi et a sorti une boulette pour se rouler un
pétard. Il m'a demandé si ça
me dérangeait, j'ai dit non, en espérant
simplement pour lui qu'un contrôleur ne
passerait pas. Eh bien c'est incroyable, il a
fallu qu'un contrôleur arrive. Et pourtant,
je crois qu'ils se font plutôt rares, ici
Nous étions tous les deux en infraction
: lui avec son pétard, moi avec mon chien.
Le contrôleur marchait très vite
en parlant avec une dame. Il nous à peine
adressé un regard en passant devant nous,
mais au moment de franchir la porte qui menait
à l'autre wagon il s'est retourné,
sans doute interpellé par l'odeur, et il
a dit très fort au gars : " C'est
interdit de fumer ici ! Même le shit c'est
interdit ! Vous le jetez ou vous l'éteignez
". Mon voisin l'a éteint, et le contrôleur
est parti. Et mon voisin l'a rallumé
Mine de rien, j'étais plutôt étonnée
par la réflexion du contrôleur :
" même le shit c'est interdit ".
Sous-entendu " je sais que c'est pas grand
chose, mais bon
" Si ça se trouve,
il n'aurait rien dit pour une cigarette. Ils doivent
en voir passer de toutes les couleurs dans ces
wagons, et finalement tout ça ce n'était
qu'un petit incident anodin, presque amusant.
J'arrive à Etampes, Caroline m'attendait
sur le quai. On a pris le bus pour aller jusque
chez elle. Ne me demandez pas à quoi ressemble
la ville : on a discuté pendant tout le
trajet et je n'ai rien vu. Elle vit avec son père
dans quelque chose qui est à mi-chemin
entre une maison et un appartement, tout petit
mais adorable, exactement le genre d'endroits
qu'il me plairait d'occuper. C'est dans un quartier
qui est presque un petit village à part
entière : une église avec une petite
place devant, et quelques commerces autour de
cette place. On accède chez elle par un
escalier dans une cour, on se retrouve alors dans
le vestibule. A gauche une petite salle à
manger, à droite la cuisine. Dans la salle
à manger s'ouvre une porte vers la chambre
du père, et dans la cuisine une porte vers
la chambre de Caroline. Et les deux chambres sont
séparées par une salle de bain.
L'architecte n'aurait pas pu faire plus simple.
Il était midi et demi alors on a fait la
cuisine, des pâtes. On s'est un peu raconté
nos vies, car notre dernière entrevue remontait
à l'an dernier, à La Rochelle Sauf
le repas au restaurant jeudi dernier mais c'était
peu intime. Au café, elle m'a expliqué
qu'elle était journaliste bénévole
pour une petite revue. Dans un journal publié
à 400 ou 500 exemplaires et distribué
gratuitement, surtout dans sa fac. Cette conversation
m'a passionnée, car depuis quelques temps
je pense sérieusement au journalisme. Je
lui ai demandé plein de détails
: ils sont cinq sur le coup, plus un professeur
qui supervise le tout et s'occupe de la distribution.
On est passé dans sa chambre où
elle m'a montré les anciens numéros
et les articles prévus. Elle a allumé
l'ordinateur pour m'emmener sur le Net, sur le
site de l'équipe. C'est un site privé,
protégé par mot de passe ( !), où
ils discutent sur un forum. J'ai trouvé
ça très intéressant. Elle
m'a demandé si je connaissais le fonctionnement
d'un forum sur le Net. Eh eh
J'avais envie
de lui dire " heu oui, je m'y connais un
petit peu en sites web
" Mais motus
et bouche cousue :)
Je lui ai demandé s'ils n'auraient pas
une petite place pour moi dans leur équipe
et Caroline a eu l'air ravie. Aucun problème
! m'a-t-elle dit. Le mieux à faire et le
plus court, pour que l'projet suive son cours,
c'était encore de me présenter au
professeur. Je suis impatiente de participer à
leur petite réunion officielle, dans la
cafétéria de leur fac. Oui je sais,
c'est pas génial comme lieu de réunion,
mais comme dit Caroline " on fait ce qu'on
peut on n'est pas des boeux ".
Mine de rien, je n'arrête pas d'y penser
depuis hier. Et si je m'orientais vers le journalisme
? J'aimerais bien aller sur le terrain puis tout
raconter sur du papier
L'autre jour j'ai
fait une demande de documents sur les filières
de l'économie aux facs de La Rochelle et
de Paris. Je crois que je vais renouveler ma demande
pour les filières qui ont un rapport avec
le journalisme. C'est vrai, j'aime écrire,
et j'aime l'actualité. L'actualité,
je n'en parle jamais dans mon journal car j'estime
que ce n'est pas le lieu pour ça, mais
je la suis et elle m'intéresse beaucoup.
Alors pourquoi pas
En plus il n'y a pas
de hasard : l'autre jour j'expliquais que j'étais
après ouvrir un nouveau répertoire
avec mon cousin, en SPIP. Et SPIP, justement,
c'est fait pour recréer un journal papier
sur le Net. A suivre
Un peu plus tard on est allé se balader
dans les petites rues de son quartier, qui est
vraiment très tranquille. En chemin, je
lui ai raconté mes aventures dans le RER,
le coup du pétard et du contrôleur.
Elle m'a dit qu'effectivement, fumer un joint
dans un wagon c'était trois fois rien.
Et qu'on en voyait de plus belles, que les contrôleurs
ont arrêté depuis bien longtemps
de dresser un procès verbal pour un simple
joint. Et elle m'a raconté des choses
à donner le frisson. Pour un peu elle m'aurait
fait peur, je suis retournée à la
gare presque à reculons
Heureusement
j'avais mon chien, je ne sais pas si j'aurais
osé rentrer sinon. Enfin si, faut quand
même pas exagérer. Caroline m'a proposé
de rester dormir. C'est gentil, mais elle oublie
qu'il y a à Paris un jeune gars qui m'attend,
et que je préfère passer une nuit
entre ses draps que dix jours à Etampes.
Comme prévu, j'ai téléphoné
à Julie. Mais cet événement
vaut bien un récit à lui tout seul,
alors ce sera pour demain.
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