journal intime
124 _ jeudi 20 mars 2003

Etampes

Il y a de jolis paysages le long des lignes de RER autour de Paris : de longs murs de bétons remplis de graphitis ratés, des terrains vagues, et quelques énormes cités HLM qu'on aperçoit de temps en temps. Pour mon premier voyage, je n'ai pas été déçue. De temps en temps, le train s'arrêtait dans un petit centre-ville agréable, mais le plus souvent le décor était désolant. Quand je suis montée, le wagon était presque entièrement vide. A gauche un long compartiment, et à droite un petit, avec juste quatre banquettes. J'ai pris à droite et me suis assise à côté de la fenêtre, mon chien s'est couché par terre.
Après quelques arrêts, un homme d'une trentaine d'années m'a rejointe. Il avait l'air tout heureux et pour cause : il m'a appris que sa femme avait accouché la nuit même. Il faisait plaisir à voir. Et puis il s'est déshabillé… Oui, déshabillé. Mais juste le haut. Il a passé une blouse blanche, sa tenue de travail, en m'expliquant qu'il était employé dans une pharmacie et qu'il n'avait pas eu le temps de se changer avant de partir. Puis il s'est assis en face de moi et a sorti une boulette pour se rouler un pétard. Il m'a demandé si ça me dérangeait, j'ai dit non, en espérant simplement pour lui qu'un contrôleur ne passerait pas. Eh bien c'est incroyable, il a fallu qu'un contrôleur arrive. Et pourtant, je crois qu'ils se font plutôt rares, ici… Nous étions tous les deux en infraction : lui avec son pétard, moi avec mon chien. Le contrôleur marchait très vite en parlant avec une dame. Il nous à peine adressé un regard en passant devant nous, mais au moment de franchir la porte qui menait à l'autre wagon il s'est retourné, sans doute interpellé par l'odeur, et il a dit très fort au gars : " C'est interdit de fumer ici ! Même le shit c'est interdit ! Vous le jetez ou vous l'éteignez ". Mon voisin l'a éteint, et le contrôleur est parti. Et mon voisin l'a rallumé…
Mine de rien, j'étais plutôt étonnée par la réflexion du contrôleur : " même le shit c'est interdit ". Sous-entendu " je sais que c'est pas grand chose, mais bon… " Si ça se trouve, il n'aurait rien dit pour une cigarette. Ils doivent en voir passer de toutes les couleurs dans ces wagons, et finalement tout ça ce n'était qu'un petit incident anodin, presque amusant.
J'arrive à Etampes, Caroline m'attendait sur le quai. On a pris le bus pour aller jusque chez elle. Ne me demandez pas à quoi ressemble la ville : on a discuté pendant tout le trajet et je n'ai rien vu. Elle vit avec son père dans quelque chose qui est à mi-chemin entre une maison et un appartement, tout petit mais adorable, exactement le genre d'endroits qu'il me plairait d'occuper. C'est dans un quartier qui est presque un petit village à part entière : une église avec une petite place devant, et quelques commerces autour de cette place. On accède chez elle par un escalier dans une cour, on se retrouve alors dans le vestibule. A gauche une petite salle à manger, à droite la cuisine. Dans la salle à manger s'ouvre une porte vers la chambre du père, et dans la cuisine une porte vers la chambre de Caroline. Et les deux chambres sont séparées par une salle de bain. L'architecte n'aurait pas pu faire plus simple.
Il était midi et demi alors on a fait la cuisine, des pâtes. On s'est un peu raconté nos vies, car notre dernière entrevue remontait à l'an dernier, à La Rochelle Sauf le repas au restaurant jeudi dernier mais c'était peu intime. Au café, elle m'a expliqué qu'elle était journaliste bénévole pour une petite revue. Dans un journal publié à 400 ou 500 exemplaires et distribué gratuitement, surtout dans sa fac. Cette conversation m'a passionnée, car depuis quelques temps je pense sérieusement au journalisme. Je lui ai demandé plein de détails : ils sont cinq sur le coup, plus un professeur qui supervise le tout et s'occupe de la distribution. On est passé dans sa chambre où elle m'a montré les anciens numéros et les articles prévus. Elle a allumé l'ordinateur pour m'emmener sur le Net, sur le site de l'équipe. C'est un site privé, protégé par mot de passe ( !), où ils discutent sur un forum. J'ai trouvé ça très intéressant. Elle m'a demandé si je connaissais le fonctionnement d'un forum sur le Net. Eh eh… J'avais envie de lui dire " heu oui, je m'y connais un petit peu en sites web… " Mais motus et bouche cousue :)
Je lui ai demandé s'ils n'auraient pas une petite place pour moi dans leur équipe et Caroline a eu l'air ravie. Aucun problème ! m'a-t-elle dit. Le mieux à faire et le plus court, pour que l'projet suive son cours, c'était encore de me présenter au professeur. Je suis impatiente de participer à leur petite réunion officielle, dans la cafétéria de leur fac. Oui je sais, c'est pas génial comme lieu de réunion, mais comme dit Caroline " on fait ce qu'on peut on n'est pas des boeux ".
Mine de rien, je n'arrête pas d'y penser depuis hier. Et si je m'orientais vers le journalisme ? J'aimerais bien aller sur le terrain puis tout raconter sur du papier… L'autre jour j'ai fait une demande de documents sur les filières de l'économie aux facs de La Rochelle et de Paris. Je crois que je vais renouveler ma demande pour les filières qui ont un rapport avec le journalisme. C'est vrai, j'aime écrire, et j'aime l'actualité. L'actualité, je n'en parle jamais dans mon journal car j'estime que ce n'est pas le lieu pour ça, mais je la suis et elle m'intéresse beaucoup. Alors pourquoi pas… En plus il n'y a pas de hasard : l'autre jour j'expliquais que j'étais après ouvrir un nouveau répertoire avec mon cousin, en SPIP. Et SPIP, justement, c'est fait pour recréer un journal papier sur le Net. A suivre…
Un peu plus tard on est allé se balader dans les petites rues de son quartier, qui est vraiment très tranquille. En chemin, je lui ai raconté mes aventures dans le RER, le coup du pétard et du contrôleur. Elle m'a dit qu'effectivement, fumer un joint dans un wagon c'était trois fois rien. Et qu'on en voyait de plus belles, que les contrôleurs ont arrêté depuis bien longtemps de dresser un procès verbal pour un simple joint. Et elle m'a raconté des choses… à donner le frisson. Pour un peu elle m'aurait fait peur, je suis retournée à la gare presque à reculons… Heureusement j'avais mon chien, je ne sais pas si j'aurais osé rentrer sinon. Enfin si, faut quand même pas exagérer. Caroline m'a proposé de rester dormir. C'est gentil, mais elle oublie qu'il y a à Paris un jeune gars qui m'attend, et que je préfère passer une nuit entre ses draps que dix jours à Etampes.
Comme prévu, j'ai téléphoné à Julie. Mais cet événement vaut bien un récit à lui tout seul, alors ce sera pour demain.

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