journal intime
125 _ vendredi 21 mars 2003

L'anniversaire de Julie

La voix des gens nous en apprend autant, sinon plus, que leur physionomie ou leurs gestes. Et mercredi soir, la voix de Julie était calme et posée, sans accroc et sans cassure. Ca m'a donné bien du plaisir.
Car l'une des premières choses que j'ai faites mercredi en rentrant chez moi, fut de lui téléphoner pour lui souhaiter son anniversaire. J'étais un peu stressée à l'idée d'avoir affaire à son père avant de lui parler à elle. Je ne l'ai toujours pas vu cet homme, mais c'est un sacré numéro, insupportable. Je redoutais surtout de tomber sur le répondeur, car je me demande bien ce que je lui aurais raconté, au répondeur. J'ai composé le numéro, ça a sonné deux ou trois fois, puis on a décroché. C'était son père : "Allo". Moi : "Bonjour Monsieur, est ce que je pourrais parler à Julie s'il vous plaît ?" Ce fut le silence pendant quelques secondes puis : "je sais pas si elle est rentrée". Et c'est tout… comme je n'allais pas rester plantée avec mon combiné dans la main j'ai poursuivi : "Vous pourriez aller voir s'il vous plaît ?" Il a dit oui, puis est parti. J'ai donc patienté. Trois minutes. Comme l'attente était vraiment longue, j'ai fini par croire qu'il s'était fichu de moi. De temps en temps je disais allo mais ça ne répondait pas. J'ai regardé ma montre et me suis donnée une minute avant de raccrocher. Mais finalement une voix a dit "oui ?" C'était Julie ! Aaaaah… quand même…
D'emblée, j'ai senti qu'elle souriait. Et comme je l'ai dit, sa voix était calme et posée, sans accroc et sans cassure. Elle avait l'air heureuse, ça m'a fait du bien. Elle m'a simplement demandé comment son père m'avait répondu, s'il avait été désagréable ou non. J'ai répondu qu'il avait été parfait et elle a eu l'air soulagée pour moi.
On est restées au moins une heure au téléphone. Mais on n'a pas tous les jours seize ans. Afin de me parler plus tranquillement, elle est sortie dehors pour rejoindre l'abris à bois, le long du mur de la maison. Je n'y suis jamais allée mais elle me décrivait son parcours, finalement c'est comme si j'avais été à côté d'elle. Elle s'est assise sur quelque bûche et on a continué notre conversation là où nous l'avions laissée dans nos derniers courriers.
Le petit point noir dans sa vie en ce moment, c'est les études. Des sales notes, il y a fort à parier qu'elle va repiquer son année. Mais ça peut se comprendre, faire trois lycées différents en une année, il y a de quoi être déstabilisé. Elle le prend plutôt bien, et sa mère aussi. Il n'y a que son père que ça énerve. Quand elle ramène une mauvaise note il ne la dispute pas, mais il la regarde de haut l'air de dire "pffff… mais t'es nulle". Enfin je crois que Julie a pris pas mal de recul par rapport à ce genre de réflexions, et par rapport aux changements d'humeur intempestifs de son père, et par rapport à tous ces événements qui l'ont agitée cette année. C'est bon et mauvais à la fois. Bon parce qu'elle est beaucoup moins facilement malheureuse, mais peut-être mauvais parce qu'à la longue, elle risque aussi d'être moins facilement heureuse. C'est ça, quand on dresse des remparts autour de soi… Mais je ne pense pas que ce sera son cas, elle ne fermera pas son cœur de si tôt.
Par exemple, elle a pris des nouvelles de mon chien. Et c'est bien la seule personne à le faire. Même ma mère, quand elle m'appelle, ne me parle pas d'Adonis. Mais Julie si, elle pense aux autres autant qu'elle pense à elle. Alors qu'on discutait tranquillement, son père est monté en voiture pour partir je ne sais où. Alors Julie en a profité pour retourner à l'intérieur de la maison, jusqu'à sa chambre. En chemin, elle m'a remerciée infiniment pour le petit colis que je lui avais envoyé. Elle avait déjà répondu à ma petite carte, déjà accroché le petit bracelet à son poignet, et même déjà lu la moitié du bouquin. Elle adorait, elle avait même stoppé sa lecture d'Aragon pour le lire. Eh oui, elle lisait Aragon. Moi la poésie, j'avoue que j'ai du mal. Autant j'adore quand elle est mise en musique (chanson), autant elle me laisse assez indifférente quand elle est sur du papier. Mais j'ai demandé à Julie de me réciter un poème. Oui ! Au début elle ne voulait pas, elle devait être intimidée… Mais j'ai insisté, et c'est vrai que je brûlais d'envie de l'entendre me réciter des vers. Alors de mémoire, elle m'a fait les yeux d'Elsa. Ca c'est beau. " Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie / Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure ". J'ai eu ces deux vers en tête tout le reste de la soirée, je les ai même ressortis à David. Après ça, c'est Julie qui a insisté pour que je lui chante une chanson. Ah la la… j'étais bien obligée maintenant. Alors je lui ai chanté les Gitans de Manon Solo, parce que depuis quelques mois je n'écoute presque plus que lui. C'est fou, même les Doors et Noir désir ont été relégués au second plan dans ma discothèque. Mais ce n'est peut-être que provisoire. C'est une chanson douce, mélancolique et très reposante. Julie a adoré. Le problème, c'est que c'est à ce moment-là que David et mon cousin sont entrés dans l'appartement. Si ça c'est pas de chance ! Mais je n'ai pas voulu m'arrêter. Ils étaient tous les deux un petit peu étonnés de me voir chantonner au téléphone. Mon cousin souriait, car il devinait bien à qui je parlais. Ben oui, il lit mon journal, et j'avais prévu ce coup de fil la veille. D'ailleurs, une fois que j'eus terminé, je l'ai entendu applaudir dans la cuisine.
J'ai dit à Julie de ne pas quitter, j'ai fait un bisou à David puis je suis allée m'allonger tranquillement sur mon lit, parce que je n'aime pas trop discuter au téléphone quand il y a des gens autour.
Je lui ai demandé si elle avait un copain, vu que ses lettres étaient assez floues là-dessus. Elle m'a répondu comme ça " mouais…non ". Ben c'est oui ou c'est non ! En fait, elle a eu des propositions, mais elle hésite. Elle est assez timide, c'est dommage. Alors je lui ai demandé comment était le gars en question, elle m'a répondu sympa, gentil, et mignon. Alors je lui ai dit " ben fonce ! ! " Mais non… bon, n'en parlons plus, on verra bien ce que ça donnera. Pourtant, j'aimerais bien qu'elle ait un copain, ça lui ferait beaucoup de bien je crois. Mais il faut qu'elle le sente.
La bonne nouvelle, c'est que ses vacances sont dans trois semaines, et qu'elle va sûrement venir les passer ici. Il faudra qu'on s'arrange avec David, parce que si elle vient je passerai certainement beaucoup de temps avec elle.
A part ça, je continue mon apprentissage de SPIP pour mon site, je suis rendue à la page 18 sur 57 du tutorial, j'avance tout doucement mais sûrement. Mon cousin, lui, a déjà tout ingurgité. Par ailleurs, je me renseignée sur le net sur les filières du journalisme, et c'est très intéressant. J'essaierai d'écrire dimanche matin pendant que David sera au foot, à condition qu'on dorme ici plutôt que chez lui. Sinon ce sera pour lundi.

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