Faire l'amour
sans préservatif, c'est quand même
autre chose que de le faire avec. Ca change tout
! Un peu comme une deuxième première
fois.
Pour cela, il a fallu prendre la pilule. Voilà
une quinzaine de jours que je l'avale tous les
jours à treize heures. Mais ce ne fut pas
sans mal
l'idée de la prendre un
jour me faisait vraiment peur. Tout d'abord, j'ai
toujours eu du mal à avaler tout ce qui
est comprimés, cachets et autres pilules.
Quand c'était nécessaire et que
j'étais petite, ma mère imaginait
tout un scénario pour me convaincre. Elle
me disait que c'était un petit bateau en
me le mettant dans la bouche. Et comme un bateau,
pour naviguer il lui faut de l'eau, il fallait
bien que je boive un bon verre d'eau
Eh
eh. Mais ce n'est pas sans difficulté que
tous les jours je prends la chose. Et puis
j'avais peur que ça me détruise
le corps de l'intérieur, peur que ça
chamboule tout en-dedans. C'est sans doute le
souvenir de ma sur qui m'effrayait. Parce
que des problèmes, je peux vous dire qu'elle
en a eus. Durant toute la dernière année
de sa vie, elle n'a plus jamais eu ses règles.
L'anorexie n'a pas pour seul effet la maigreur
progressive : il y a aussi de nombreux dégâts
psychiques et physiques. Entre autres ses règles
: plus jamais ça ne lui est arrivé,
et elle n'était pas enceinte pour autant.
Il est vrai qu'en plus, la pilule, elle la prenait
un peu n'importe comment : un coup oui, un coup
non, elle arrêtait, elle recommençait
tout ça ce n'est pas très conseillé.
C'est même complètement idiot. Mais
c'était ma sur
Ma mère et elle en discutaient souvent
et je ne comprenais pas tout. Et au lieu de poser
mes questions, je restais dans mon coin avec mes
interrogations, à me dire que j'aurais
bien le temps de comprendre ça plus tard.
C'est un tort. Ainsi, prendre la pilule était
loin de me rassurer. Mais il y avait un obstacle
supplémentaire : le rendez-vous chez la
gynécologue.
Ca aussi ça me stressait. L'idée
d'aller passer une visite intime et de répondre
à des questions gênantes et indiscrètes
ne me plaisait pas du tout. Il m'a fallu bien
des efforts pour passer le coup de fil. Le rendez-vous
a eu lieu il y a deux semaines. Je n'en ai pas
parlé plus tôt dans mon journal,
car certaines choses me demandent un minimum de
recul pour en causer. Et celle-ci en fait partie,
de même que tout ce qui va suivre.
Après ce rendez-vous je n'ai eu qu'un seul
regret : de ne pas y être allée plus
tôt. Ce n'était vraiment pas comme
je me l'étais imaginée. Elle était
très sympa et très gentille, très
intéressée par ce que je lui répondais.
J'ai vraiment senti qu'elle ne se contentait pas
de faire son boulot comme ça vite fait
bien fait, j'ai vu qu'elle faisait beaucoup d'efforts
pour me mettre le plus à l'aise possible.
En plus nous avons dialogué longuement,
elle me posait plein de questions sur mon couple,
sur ma vie sexuelle, tout ça
Et elle
répondait aux miennes, car j'en avais quelques-unes.
Sauf à la fin
et c'est mon petit
regret. Elle m'a demandé si j'avais encore
des questions. Et là, j'ai pensé
très fort à ma sur, je mourais
d'envie de vider mon sac, je souhaitais qu'elle
me rassure, qu'elle me dise que pour moi ce serait
différent. Mais comme à chaque fois
que je suis sur le point de parler de ma sur,
mon cur s'est mis à battre, j'ai
eu une petite sueur froide et j'ai renoncé.
Et j'ai dit " non c'est bon ". C'est
dommage
la prochaine fois j'essaierai vraiment
de prendre sur moi.
Mine de rien j'ai appris des choses. Par exemple
qu'il est possible de décaler ses règles
de quelques jours, ce qui peut être pratique
si on ne voit pas son ami régulièrement
(autant ne pas les avoir pile ce jour-là).
Mais je n'utiliserai jamais cette méthode,
j'ai bien trop peur de mettre le désordre
dans mon ventre. La pilule, je la prends à
treize heures pile, à la minute près.
Elle m'a dit que j'avais un délai de plusieurs
heures avant et après, mais même,
je ne veux pas jouer avec ça.
Pour le moment tout se passe bien, depuis deux
semaines rien n'a changé : contrairement
aux dires de ma sur ça ne me donne
pas plus faim, ni moins, je ne me sens pas plus
fatiguée et mes cheveux ne sont pas devenus
roses : c'est parfait. Espérons que ça
continue jusqu'à ce que la première
tablette soit terminée
et qu'après
ça les règles viendront comme d'habitude.
Puis nous avons fait les tests pour le VIH, et
même tout le reste : analyse complète
du sang. Et là aussi tout est parfait.
Je vous dis pas dans quel état d'excitation
on était David et moi après être
allés chercher les résultats. C'était
lundi de la semaine dernière, pour être
précis.
Sur le chemin du retour, il m'a demandé
pourquoi je rigolais doucement dans mon coin.
Mais il le savait très bien. Lui aussi
il ne pensait qu'à ça, au moment
où on allait rentrer. On n'a pas arrêté
de s'embrasser dans le métro, heureusement
il y avait peu de monde et on était dans
notre coin. On se faisait même des petites
caresses, j'avais envie de lui et tout de suite.
Le pire c'est qu'en arrivant, on n'est même
pas allés au lit. Pas le temps ! On est
resté devant la porte d'entrée,
on s'est déshabillé à grande
vitesse, et encore juste le bas. Et on s'est mis
dans le fauteuil. Et là
je n'en revenais
pas. Il n'y avait plus cette sensation habituelle
de plastique en moi. C'était plus doux
et plus chaud, au moins deux fois meilleur qu'avant.
Le plaisir est monté très vite pour
lui comme pour moi. Je me demandais si je le sentirais
couler en moi, mais non. Par contre après
ça dégoulinait, le lendemain j'ai
dû mettre la housse du fauteuil au lavage.
Après ça
on a repris nos esprits
doucement. Puis on s'est dirigé vers la
chambre, et on ne l'a plus quittée jusqu'au
lendemain matin, si ce n'est pour grignoter un
petit peu vers minuit. Ce fut une nuit extraordinaire.
C'est à partir de ce moment-là que
j'ai commencé à penser encore plus
fortement à Julie. Je ne sais pas si c'est
un hasard, oui, sûrement, car je ne vois
pas le rapport avec elle. Et ça, ça
me chagrine un petit peu. Depuis une semaine qu'on
fait l'amour avec passion, je suis ici et maintenant
à chaque fois. Avec David. Mais tout de
même
il y a un petit quelque chose
en moi qui me dérange, au loin. Quelque
chose qui me dit que lui et moi, ça ne
durera peut-être pas si longtemps que ça.
Et que même, peut-être, la pilule,
ben j'aurais pu me passer de la prendre
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