Noémie
ne savait pas que je rentrais ce week-end. Et
elle ne l'a pas su jusqu'à ce que je vienne
frapper à sa porte samedi. Enfin non, je
n'ai même pas eu le temps d'y frapper puisque
je l'ai croisée dans sa rue, alors qu'elle
sortait de chez elle. Je l'ai aperçue au
loin en train de refermer le portail derrière
elle. Mais je n'ai rien dit en n'ai pas accéléré
ma démarche, pour qu'elle ait la surprise
d'elle-même. Quand elle a tourné
la tête et qu'elle m'a vue m'approcher dans
sa direction, elle s'est exclamée. J'ai
forcé un peu le pas et bientôt on
se faisait la bise, très contentes de se
retrouver l'une et l'autre.
Elle m'a demandé depuis combien de temps
j'étais là, je lui ai répondu
depuis hier. Alors elle m'a dit que j'aurais dû
la prévenir plutôt, que j'aurais
ainsi pu participer à une jolie fête
la veille au soir. En moi-même je me disais
que la veille j'avais bien mieux à faire.
Et qu'à minuit, j'étais sur le sable
à regarder les étoiles dans un drôle
d'état mental. Mais elle n'aurait sûrement
pas compris. Il n'y a guère qu'à
Julie que je peux dire ce genre de choses.
Noémie s'en allait rendre visite à
une copine à elle. Cette copine vit en
cité universitaire, dans le quartier des
Minimes, et on va l'appeler Judith pour les besoins
de la cause. Alors je l'ai accompagnée
aux Minimes, juste le temps pour nous de déposer
mon chien chez moi et nous étions à
l'arrêt de bus.
Les Minimes
c'est un quartier essentiel
de La Rochelle, et je crois pourtant que je n'en
ai encore jamais parlé, ou bien très
peu. Un quartier essentiel
mais que je n'aime
pas tellement. C'est assez moderne et assez dynamique
comme coin. C'est là que les touristes
se baignent l'été ou bien les week-ends
chauds, c'est là qu'il y a l'Université
qui est encore assez récente, c'est là
que ça bouge
Et c'est aussi là
qu'il y a le port de plaisance avec ces voiliers
neufs, blancs et propres, et moches. Je me promène
rarement dans ce coin, et toujours par hasard.
Je trouve qu'il cloche un peu avec le centre-ville
vieux de plusieurs siècles, et je préfère
les pauvres gros bateaux crasseux du port de commerce.
Mais c'est aux Minimes que Judith habite, et non
au centre ni près des cargos crasseux.
Alors attachez vos ceintures, éteignez
vos mégots, car voici l'aventure, d'Aglaia
aux Minimes pas beaux.
Cela dit, le bâtiment en question n'est
pas si vilain. Moins que celui du même acabit
que j'avais visité un jour à Paris.
Là-bas c'était vue sur le périphérique,
ici c'est vue sur l'océan. Y a pas photo
Il est assez haut, il y a un ascenseur, mais comme
je n'aime pas trop ça et qu'on avait le
temps, eh bien on a emprunté l'escalier.
Une fois arrivées dans la petite chambre,
Noémie nous a présentées
l'une à l'autre. Mais Judith me connaissait
déjà de vue, puisqu'elle m'a demandé
si ce n'était pas moi qui par hasard me
promenais souvent dans les rues avec un berger-allemand.
Eh eh
oui c'est bien moi. Son visage à
elle, par contre, ne me disait rien. Mais c'est
vrai qu'elle n'a pas de chien.
On s'est assise, et on a bu une cigarette en fumant
un café. Ou l'inverse, je ne sais plus.
Judith nous a raconté ses aventures amoureuses
très compliquées. C'était
assez ennuyeux et assez monotone, et surtout très
long. Il y a des gens qui ne peuvent pas s'empêcher
de faire dix phrases là où une seule
suffirait. Ils parlent, ils parlent, et au bout
d'un moment on s'aperçoit qu'ils répètent
la même chose. Moi j'ai essayé de
la conseiller comme j'ai pu, car apparemment elle
en cherchait, des conseils. Mais quoique je dise,
elle avait toujours un contre-argument. Chacune
de ses réponses commençait par un
" Oui, mais
" Alors à force
de " oui mais ", j'ai fini par me lasser
d'essayer de l'aider à y voir plus clair.
J'en venais même à me dire que finalement,
ben elle les aimait bien, ses petits soucis. Et
qu'elle n'avait pas tant envie que ça de
les résoudre. Sans vouloir être mauvaise
langue, je crois même que si elle n'en avait
pas, de soucis, ben elle n'aurait rien à
raconter
Alors j'ai peu à peu décroché
de cette conversation, pour m'accrocher sur la
musique. De toutes façons, Noémie
avait l'air passionnée par cette discussion,
alors autant la laisser se démener toute
seule. Un quart d'heure après elle me fait
: " Beh tu dis plus rien ? " Hum
" Non, mais j'écoute ", ai-je
menti.
Je suis allée à la fenêtre
admirer le panorama. Vraiment très beau
: la ville à droite et l'océan à
gauche, avec l'île de Ré posée
dessus.
Noémie va beaucoup mieux que lors de ma
dernière venue ici. Elle n'est plus avec
Mathieu, c'est une affaire réglée
et j'en suis bien contente. D'autant que c'est
elle qui l'a laissé tomber : au moins,
elle n'aura pas été la victime jusqu'au
bout puisque c'est elle qui a donné le
dernier coup. Il paraît même que Mathieu
était triste. C'est bête à
dire mais
tant mieux, il n'a eu que ce qu'il
méritait. Maintenant que toute cette histoire
est terminée, je pense que je le reverrais
avec plaisir. Ce qu'il fait avec les filles, c'est
son problème, à côté
de ça c'est un gars bien.
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