journal intime
151 _ mardi 6 mai 2003

Les Minimes

Noémie ne savait pas que je rentrais ce week-end. Et elle ne l'a pas su jusqu'à ce que je vienne frapper à sa porte samedi. Enfin non, je n'ai même pas eu le temps d'y frapper puisque je l'ai croisée dans sa rue, alors qu'elle sortait de chez elle. Je l'ai aperçue au loin en train de refermer le portail derrière elle. Mais je n'ai rien dit en n'ai pas accéléré ma démarche, pour qu'elle ait la surprise d'elle-même. Quand elle a tourné la tête et qu'elle m'a vue m'approcher dans sa direction, elle s'est exclamée. J'ai forcé un peu le pas et bientôt on se faisait la bise, très contentes de se retrouver l'une et l'autre.
Elle m'a demandé depuis combien de temps j'étais là, je lui ai répondu depuis hier. Alors elle m'a dit que j'aurais dû la prévenir plutôt, que j'aurais ainsi pu participer à une jolie fête la veille au soir. En moi-même je me disais que la veille j'avais bien mieux à faire. Et qu'à minuit, j'étais sur le sable à regarder les étoiles dans un drôle d'état mental. Mais elle n'aurait sûrement pas compris. Il n'y a guère qu'à Julie que je peux dire ce genre de choses.
Noémie s'en allait rendre visite à une copine à elle. Cette copine vit en cité universitaire, dans le quartier des Minimes, et on va l'appeler Judith pour les besoins de la cause. Alors je l'ai accompagnée aux Minimes, juste le temps pour nous de déposer mon chien chez moi et nous étions à l'arrêt de bus.
Les Minimes… c'est un quartier essentiel de La Rochelle, et je crois pourtant que je n'en ai encore jamais parlé, ou bien très peu. Un quartier essentiel… mais que je n'aime pas tellement. C'est assez moderne et assez dynamique comme coin. C'est là que les touristes se baignent l'été ou bien les week-ends chauds, c'est là qu'il y a l'Université qui est encore assez récente, c'est là que ça bouge… Et c'est aussi là qu'il y a le port de plaisance avec ces voiliers neufs, blancs et propres, et moches. Je me promène rarement dans ce coin, et toujours par hasard. Je trouve qu'il cloche un peu avec le centre-ville vieux de plusieurs siècles, et je préfère les pauvres gros bateaux crasseux du port de commerce. Mais c'est aux Minimes que Judith habite, et non au centre ni près des cargos crasseux. Alors attachez vos ceintures, éteignez vos mégots, car voici l'aventure, d'Aglaia aux Minimes pas beaux.
Cela dit, le bâtiment en question n'est pas si vilain. Moins que celui du même acabit que j'avais visité un jour à Paris. Là-bas c'était vue sur le périphérique, ici c'est vue sur l'océan. Y a pas photo… Il est assez haut, il y a un ascenseur, mais comme je n'aime pas trop ça et qu'on avait le temps, eh bien on a emprunté l'escalier.
Une fois arrivées dans la petite chambre, Noémie nous a présentées l'une à l'autre. Mais Judith me connaissait déjà de vue, puisqu'elle m'a demandé si ce n'était pas moi qui par hasard me promenais souvent dans les rues avec un berger-allemand. Eh eh… oui c'est bien moi. Son visage à elle, par contre, ne me disait rien. Mais c'est vrai qu'elle n'a pas de chien.
On s'est assise, et on a bu une cigarette en fumant un café. Ou l'inverse, je ne sais plus. Judith nous a raconté ses aventures amoureuses très compliquées. C'était assez ennuyeux et assez monotone, et surtout très long. Il y a des gens qui ne peuvent pas s'empêcher de faire dix phrases là où une seule suffirait. Ils parlent, ils parlent, et au bout d'un moment on s'aperçoit qu'ils répètent la même chose. Moi j'ai essayé de la conseiller comme j'ai pu, car apparemment elle en cherchait, des conseils. Mais quoique je dise, elle avait toujours un contre-argument. Chacune de ses réponses commençait par un " Oui, mais… " Alors à force de " oui mais ", j'ai fini par me lasser d'essayer de l'aider à y voir plus clair. J'en venais même à me dire que finalement, ben elle les aimait bien, ses petits soucis. Et qu'elle n'avait pas tant envie que ça de les résoudre. Sans vouloir être mauvaise langue, je crois même que si elle n'en avait pas, de soucis, ben elle n'aurait rien à raconter…
Alors j'ai peu à peu décroché de cette conversation, pour m'accrocher sur la musique. De toutes façons, Noémie avait l'air passionnée par cette discussion, alors autant la laisser se démener toute seule. Un quart d'heure après elle me fait : " Beh tu dis plus rien ? " Hum… " Non, mais j'écoute ", ai-je menti.
Je suis allée à la fenêtre admirer le panorama. Vraiment très beau : la ville à droite et l'océan à gauche, avec l'île de Ré posée dessus.
Noémie va beaucoup mieux que lors de ma dernière venue ici. Elle n'est plus avec Mathieu, c'est une affaire réglée et j'en suis bien contente. D'autant que c'est elle qui l'a laissé tomber : au moins, elle n'aura pas été la victime jusqu'au bout puisque c'est elle qui a donné le dernier coup. Il paraît même que Mathieu était triste. C'est bête à dire mais… tant mieux, il n'a eu que ce qu'il méritait. Maintenant que toute cette histoire est terminée, je pense que je le reverrais avec plaisir. Ce qu'il fait avec les filles, c'est son problème, à côté de ça c'est un gars bien.

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