Moi qui aimais
tant le joli mois de mai étant enfant,
il commence à m'échauffer les oreilles
depuis quelques années. Tous ces jours
fériés et ces week-ends qui se prolongent
ne sont pas faits pour moi. Ces jours-là
les gens sortent et les gens se promènent,
et ça me donne l'impression de ne plus
avoir le monopole de toutes ces rues et ces quartiers.
Moi je me promène du lundi au dimanche,
en plein été comme en plein hiver.
Je n'ai pas attendu qu'ils ferment la circulation
aux voitures en centre-ville le premier dimanche
de chaque mois (je crois), pas attendu non plus
d'avoir une jolie paire de rollers ni un beau
vélo pour découvrir Paris. Mon chien,
et voilà. Pas besoin de pédaler
ni de rolleriser.
Et puis cette année, le mois de mai m'approche
encore plus du bac. Il vient à grands pas,
et pourtant je n'arrive pas à me mettre
la pression. Je suis toute décontractée,
je ne travaille guère plus qu'avant, et
presque
je m'en fous. Non quand même
pas, j'ai envie de l'obtenir. Mais je n'arrive
pas à me persuader que c'est du sérieux.
C'est dans ces moments-là que je suis heureuse
d'avoir quitté le lycée pour les
cours par correspondance. Car je devine très
bien que là-bas, au lycée, ils ne
doivent plus avoir que ce mot sur les lèvres.
Bac bac bac
Mais même ici je suis
cernée. Quand je fais la connaissance de
quelqu'un et qu'il me demande en quoi je suis,
je réponds terminale. Alors la plupart
du temps on me répond : " Ah ! Bientôt
le bac ! " Mais bon sang de bonsoir, n'ont-ils
rien d'autre à me raconter pour me parler
de ça ? Je sens que je vais mettre un écriteau
sur la porte d'entrée : " Ici on ne
cause pas du bac ".
Alors aujourd'hui, afin de marquer haut et fort
mon mécontentement, j'ai décidé
de faire la grève et de ne pas travailler
une seule seconde. Et je dois dire que ça
fait du bien. Je me suis levée à
7H00 en même temps que David, et suis sortie
en même temps que lui également.
Mais je l'ai quitté au métro et
suis partie en balade dans ces bonnes vieilles
rues deux heures d'affilée. Deux heures
à user mes tennis sur le pavé de
Paris. J'aurais aimé prolonger jusqu'à
midi au moins, mais je savais qu'une lettre de
Julie m'attendait dans la matinée. Alors
j'ai fait court. L'autre jour en marchant je ne
sais plus où, j'ai croisé deux filles
qui se tenaient par la main et qui avaient l'air
de s'aimer. J'avais comme envie de les interpeller
et de leur poser des milliers de questions, mais
je suis trop timide pour ça. Et puis ça
ne se fait pas d'accoster ainsi les gens dans
la rue. Et puis mes pauvres petites questions,
ce sont certainement pour elles des choses acquises,
ça les aurait ennuyées
N'empêche
ça travaille pas mal à ce sujet
dans mon esprit en ce moment. Je ne me préoccupe
pas trop, je ne me cache rien car je sais que
c'est meilleure façon pour être mal
dans sa peau. J'ai des sentiments, je ne veux
pas faire semblant de ne pas les avoir. Ca m'a
gâché la vie ils y a quelques années,
alors maintenant j'accepte tout ce qui est en
moi. Et je ne rougirai de rien. Cependant
c'est pas pour ça que je ne me pose pas
certaines questions
En rentrant, j'avais effectivement une lettre
de Julie. Mon cur a fait comme un bond quand
je l'ai vue dans la boîte. J'ai même
bien failli laisser au fond de la boîte
une autre lettre que m'a envoyée Noémie.
Si elle savait, elle ne serait pas contente. Et
encore moins contente de savoir que sa lettre,
je l'ai laissée traîner une demi-heure
sur le bureau avant de l'ouvrir. Mais c'est celle
de Julie que je voulais lire et tout de suite
!
Sa lettre est bien agréable, encore une
fois
Elle me parle de tout et de rien, de
son quotidien, de ses parents et de son lycée.
C'est bizarre
j'étais presque déçue
qu'elle ne réponde pas aux questions que
je me pose. C'est vrai, je ne lui ai rien dit,
et elle ne sait pas tout ce que je ressens. Mais
je l'ai pensé tellement fort que naïvement,
j'espérais qu'elle l'entendrait, même
à plusieurs centaines de kilomètres
de moi.
Encore une fois, elle a utilisé une encre
bleue turquoise, ce qui m'a fait décrocher
un petit sourire. Elle ne changera pas
Son
écriture est incroyablement soignée.
Je ne sais pas si elle s'applique toujours à
ce point ou si c'est juste quand elle m'écrit,
mais ses lettres sont sacrément belles.
Surtout ses majuscules d'ailleurs. C'est une vraie
petite artiste ma Julie. Elle me joint encore
quelques photos de chez elle, sa maison, sa rue,
son chat, tout ça
Mais vu que c'est
elle qui les a prises on ne la voit pas. Et une
photo n'a pas vraiment de valeur si Julie n'est
pas dessus. Comme j'avais relu plusieurs fois
sa lettre et que je finissais par la connaître
par cur, pour prolonger un peu ce délicieux
moment j'ai pris chacune des photos, et au dos
j'ai écrit soigneusement son prénom
et la date. J'ai pris tout mon temps mais après
ça il n'y avait plus rien à faire.
Tout était dit, hélas.
J'ai attaqué la lettre de Noémie.
Elle me parle du bac
Quand je pense à Julie, je vois du blanc
et du bleu clair. C'est tendre et doré,
c'est doux et sucré, comme du miel que
j'aurais bien envie de butiner.
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