journal intime
174 _ mardi 10 juin 2003

Des images bizarres

J'ai vu des images bizarres avant de m'endormir hier soir. Il faut dire que je me suis couchée plus tôt que d'habitude, et que donc le sommeil est venu plus tard. Me coucher alors que je n'ai pas encore sommeil, c'est comme tendre la main pour me faire mordre : je savais bien que j'allais me retourner dans mon lit pas mal de temps avant de fermer les yeux. Mais j'avais un train à prendre tôt ce matin, et puis le bac commence dans deux jours, ce n'est pas le moment d'être fatiguée.
Pour que ce soit moins insupportable, j'avais laissé appuyé le bouton de la chaîne, pour avoir une petite lumière orange. Moi j'avais les yeux ouverts et les bras en croix, peu à peu je me suis habituée à l'obscurité et la petite lumière a fini par envahir toute la pièce.
Evidemment je me suis mise à penser à Julie. Mais j'ai fait en sorte que cette pensée soit la plus légère possible pour pas qu'elle me rende triste ni nerveuse, et peu à peu, elle a disparu. Ma préoccupation numéro deux est arrivée : le bac. Mais là encore ce fut une pensée légère et je l'ai vite fait disparaître. Alors après je me sentais comme sur un petit nuage, j'entendais mon cœur battre doucement, je ne pensais plus à rien et j'étais bien. Des moments comme ça sont extrêmement rares, si je regarde l'année qui vient de passer je peux les compter sur les doigts d'une seule main. Et encore, une main de schtroumpf suffirait.
C'est là que des images bizarres sont arrivées. Je voyais ma sœur qui formait une ombre penchée en avant, elle était dans la cuisine et tout était éclairé en orange derrière elle. Là je me suis mise à pleurer, mais ce n'était pas de la tristesse, c'était du bien être. Je repensais à ma sœur et à tous ces gens que j'ai connus à Paris et je me disais "s'ils savaient… s'ils avaient vu ce qui s'est passé…" Mais il n'y a que moi qui ai tout vu, il y a trois ans.
Hélas ça n'a pas duré longtemps, il faisait infiniment chaud, j'ai dû me sortir de dessous les draps. Déjà ça allait mieux. Puis je me suis retournée pas mal de temps avant de dormir, au fur et à mesure que le temps passait je comptais combien d'heures il me restait à dormir. Finalement je me suis levée pour éteindre cette petite lumière orange désagréable à la longue. J'ai dû m'endormir peu après.
Là je suis à La Rochelle, ce soir. J'ai revu ma mère, mon père et mon petit frère. Ils vont bien. A moins qu'ils ne fassent semblant d'aller bien, mais ça m'étonnerait, je le verrais sinon. Mes parents m'ont bien sûr encouragée pour le bac. Ils me demandent si je le sens bien, je leur réponds que je n'en sais rien. Alors ils me demandent si je n'ai même pas une petite idée positive ou négative, je leur réponds que non, je n'ai même pas une petite idée positive ou négative. Je me dirige vers l'inconnu. Deux jours… voilà ce qu'il me reste. Ben mince alors, j'espérais pourtant y échapper ! Ben oui, quand j'ai commencé cette année scolaire, quelque chose me disait que je n'irais pas jusqu'au bac. Qu'il se passerait un événement hors norme qui me permettrait de l'éviter. Un événement très grave qui m'empêcherait de me présenter, ou un événement magnifique qui le rendrait inutile. Mais non, il ne s'est rien passé, du moins rien qui me permette de m'en dispenser. Et j'attaque jeudi avec la philo.
La philo… moi qui étais impatiente de commencer cette matière, si j'avais su ce que c'était j'aurais calmé ma joie. C'est pourri. Non, la matière en elle-même est sûrement très intéressante, j'en suis même certaine, mais la façon dont on nous l'enseigne la rend complètement insipide. Insipide… et inutile, ce qui est le comble pour une activité sensée nous aider à nous développer. Mais là, à part nous faire perdre notre temps, elle n'a pas servi à grand chose.
Je ne suis pas encore allée voir la mer, et je ne sais pas si j'irai ce soir. Par contre je l'ai entendue, depuis le jardin, tout à l'heure. C'était bien agréable d'ailleurs. J'étais assise sur les marches de la terrasse, mon père venait de me montrer le fameux nid de merles dont il m'avait parlé. C'est vrai qu'il est joli, ce nid, même si depuis il n'est plus habité et que les petits se sont barrés. J'étais donc assise sur les marches, juste à côté des fleurs. Un papillon est venu. Pas un papillon coloré, non, vous savez les papillons tout gris qui battent des ailes très très vite. Non ? Bon tant pis. Il était à même pas un mètre de mois. Ce n'est pas mon genre de m'extasier devant ce genre de choses, alors si j'en parle, c'est bien parce que là, franchement, ça valait le coup d'œil. Je crois bien que je n'avais jamais vu d'aussi près ce genre de papillon. A ce moment-là j'étais assise et je ne bougeais pas d'un millimètre, c'est sans doute pour ça qu'il s'est approché sans avoir peur. Du coup je n'osais plus bouger, et j'espérais que mon chien allait rester calme lui aussi. Et peu à peu le papillon s'est rapproché encore plus de moi, il n'était plus qu'à une trentaine de centimètres de mon visage et je retenais mon souffle. Qui sait, peut-être allait-il me prendre pour une fleur et venir me caresser moi aussi ? Hum, non, je n'aurais pas trop apprécié je pense, tout ce qui insecte, à voir c'est bien, à toucher c'est moyen… Il battait très vite des ailes, il faisait du surplace en l'air et sa longue trompe allait de fleur en fleur, je n'en revenais pas…
Il a fini par s'en aller. Je ne me rappelle plus quand car je pensais à autre chose. Ben oui, je ne suis quand même pas restée en extase devant lui pendant un quart d'heure… Il est donc parti sans que je m'en rende compte. J'aimerais bien être un papillon, moi aussi. Pas éternellement, mais juste pour les dix jours qui viennent, afin de pouvoir éviter le bac. Le voilà cet événement tant attendu qui m'éviterait de passer les exams ! Pour ma prochaine vie je veux être réincarnée en papillon. Ah non, c'est vrai, je veux être réincarnée en chat de Julie. Bon alors après le chat, le papillon. Quoique si vraiment j'avais la possibilité de me réincarner, je choisirais de l'être en moi-même telle que j'étais il y a dix ans.
PS : évitez de m'écrire en ce moment s'il vous plaît, avec le bac, je n'ai hélas pas le temps de répondre... Merci, donc, d'attendre les vacances, ce serait gentil.

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