"Aglaia,
il faut que tu travailles, Aglaia, il faut que
tu travailles". Voilà ce que je me
répète en boucle depuis ce matin
sans y parvenir. Pour une veille de bac, ce n'est
vraiment pas sérieux. Je me suis levée
bien plus tard que prévu et je me suis
baignée dans l'océan, voilà
ce que fut ma journée.
J'avais soigneusement programmé le réveil
pour attaquer la philo de bon matin. Mais quand
il a sonné j'ai décidé d'attendre
un peu, dix minutes, quinze maximum
Trois
heures plus tard, j'étais enfin debout.
Alors j'ai appelé Noémie histoire
qu'on se revoit un peu, et qu'on révise
à deux, c'est quand même plus motivant
que chacune dans son coin. Elle qui est toujours
en retard, dix minutes après elle était
déjà chez moi, et moi toujours en
chemise de nuit. J'étais contente de la
retrouver, ça faisait un petit moment
On avait tellement de choses à se raconter
que le temps passait et qu'on n'abordait toujours
pas le sujet numéro un : le bac. On a finalement
convenu de réviser ensemble à partir
de midi. Ah mais non, il faut manger, alors ce
sera pour 1H00. Ah oui, mais moi la ville me manquait
et j'avais bien envie d'aller me balader un peu
avant de commencer. Ok, alors à 3H00 on
s'y met sans faute.
A midi je me suis enfin habillée et on
a mangé. Ma mère était là,
il n'y a pas école le mercredi. Au lieu
de nous motiver, elle nous disait plutôt
: "la veille d'un examen ça ne sert
plus à rien de réviser ! Au contraire,
changez-vous les idées ! Amusez-vous !"
Ah ben puisque tu nous le conseilles Maman on
va le faire. Allez, on se mettra au boulot à
4H00 dernier délai. Mais c'est bien pour
te faire plaisir.
Et finalement on n'a rien fait de tout cela car
mon téléphone a sonné. J'ai
tellement peu l'habitude de me faire appeler que
j'ai mis longtemps avant de réagir et comprendre
que c'était pour moi. C'était une
copine de La Rochelle, c'est à dire d'ici,
que je n'avais pas vu depuis que je suis partie.
Quelle bonne surprise ! La dernière fois
c'est quand elle était venue me voir à
l'hôpital pendant mon appendicite, à
Noël. Pour les besoins de mon journal je
vais la surnommer Josette (Josette : désolée
pour mon manque d'imagination). Noémie
lui avait filé mon numéro, et Josette
était presque certaine qu'à un jour
du bac je devais être de retour au pays,
et elle avait raison. Alors bien sûr je
l'ai invitée. On se mettrait au travail
à 6H00, on n'est plus à une heure
près.
Trente minutes plus tard Josette est arrivée.
Elle avait un sac en bandoulière. Sans
doute des bouquins pour réviser, ai-je
pensé. Je n'y étais pas : elle avait
emmené son maillot de bain et une serviette.
Car elle s'en allait à la plage juste après
et nous a proposé de la suivre. Avec plaisir
! Je n'aime pas trop me baigner. Mais là,
aujourd'hui, j'en avais très envie. Il
faut dire que le soleil est écrasant, et
qu'en juin la plage n'est pas encore noire de
monde. Et puis se baigner la veille du bac, ça
a un petit côté philosophique je
trouve. Et hop j'ai enfilé mon maillot
et une jupe, et nous voilà parties, en
passant par chez Noémie pour qu'elle aussi
prenne son maillot.
Nous voilà rendues peu après à
la plage. Il y avait Josette, Noémie, et
moi. Nous étions donc trois. Eh oui, je
sais compter jusqu'à trois, c'est plutôt
bon signe pour l'épreuve de maths. Quatre
avec mon chien. Le soleil était de plomb,
on accélérait le pas en s'approchant.
On a étendu les serviettes et on est parties
direct à l'eau. J'étais la seule
pour qui c'était le premier bain de l'année,
j'ai donc mis un peu plus de temps à rentrer
dans l'eau que Josette et Noémie. Mais
le plus rapide c'était quand même
mon chien, il est trop fort Adonis. Et puis nous
sommes restées une bonne demi-heure dans
les vagues. Josette est partie nager bien loin,
mais moi je reste là où j'ai pied
car je suis loin d'être une experte en natation.
Très loin, même. Alors je suis prudente.
Ca nous a fait beaucoup de bien.
Après ça on s'est allongées
sur nos serviettes histoire de glander un peu.
Ca non plus ce n'est pas trop mon truc, de me
laisser bronzer au soleil, mais cet après-midi
ça m'a fait très plaisir. Et puis
on rigolait bien, je ne sais plus de quoi on parlait
mais c'était marrant. Au bout d'un moment,
Noémie a sorti le bouquin de philo qu'elle
avait emmené avec elle, car c'est bien
joli tout ça, mais n'oublions pas ce qui
nous attend demain. Alors on révise ! Elle
prenait des chapitres au hasard dans le livre,
et nous on devait dire quels grands philosophes
avaient traité ce thème et quelles
étaient leurs idées. Et je me suis
rendue compte que je n'étais pas larguée
du tout, bien au contraire. J'en savais autant
sinon plus que Josette et Noémie. Ca fait
pourtant cinq mois que j'étudie toute seule
dans mon coin avec les cours par correspondance,
alors qu'elles vont tous les jours au lycée
! Quand ce fut mon tour de les interroger, elles
ne savaient rien ! Pourtant, je prenais des chapitres
du bouquin, du programme, mais elles m'expliquaient
que leur prof avait fait l'impasse dessus, soit
disant qu'il y avait infiniment peu de chances
pour que ça tombe à l'examen. Ah
ben ça, moi je me suis farcie tout le programme
de A à Z ! Bon ben dans un sens tant mieux,
au moins demain, devant les différents
sujets, je n'aurai que l'embarras du choix
On a fini par rentrer, Josette de son côté,
Noémie et moi du nôtre, puis Noémie
du sien et moi du mien (ça c'est de la
phrase). Je me suis assise sur les marches de
la terrasse dans le jardin et là, vous
n'allez jamais me croire, mais j'ai revu le papillon
d'hier ! Oui, le même ! Enfin je pense que
c'était le même car des papillons
comme ça j'en vois rarement, et il était
précisément la même heure.
Encore une fois il a butiné les fleurs
à même pas un mètre de moi,
les ailes battant à toute vitesse mais
lui faisant du surplace, et volant de fleur en
fleur avec une très grande agilité.
S'il savait que j'ai parlé de lui hier
dans mon journal, il n'en reviendrait pas !
Bon, demain matin je serai dans une salle de classe
à faire de la philo. J'espère que
je ne vais pas m'emmêler les pinceaux, que
je ne vais pas confondre Friedrich Descartes avec
René Nietzsche, que je me souviendrai des
idées de Karl Sartre sur le travail et
de Jean-Paul Marx sur l'existence. Voilà
mes amis, tout est dit, priez pour moi.

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