journal intime
171 _ jeudi 5 juin 2003

Un élan de joie

Moi qui n'attends plus rien de la vie depuis deux jours, je lis des poésies et j'écoute des chansons. Voilà qui me donne le sourire et me change un peu les idées. Voilà qui me permet de m'évader un peu ailleurs que dans mes rêves. Je disais hier que quand je me sentais triste, j'avais l'impression que tout le monde était heureux et inversement. Pour les chansons c'est un peu pareil, en ce moment je me demande bien comment ces artistes réussissent à écrire des choses aussi joyeuses alors que la vie est pourrie. Parfois c'est le contraire, je trouve qu'ils abusent et que la vie n'est pas si moche.
Mais l'avantage d'une chanson, par rapport aux visages qui nous entourent, c'est qu'elles ont un côté face et un côté pile, et que chacun peut y trouver ce dont il a besoin. Selon l'oreille qu'on y prête, une même chanson peut être admirablement joyeuse ou horriblement triste. Dans une chanson pleine de gaîté, on peut ressentir un soupçon de chagrin dans la voix du chanteur. Et quand j'écoute Brel pleurer sa mère trois minutes de rang, je me dis que tout de même, cet homme était forcément un amoureux de la vie, malgré toute sa peine.
Ce matin, j'ai ressenti bizarrement comme un flot d'ondes positives. Pendant quelques instants je me suis sentie heureuse, pour la première fois depuis deux jours. Eh oui, pendant quelques minutes je trouvais la vie belle, j'étais heureuse que Julie soit heureuse. Alors j'ai profité de ce moment pour lui écrire une lettre. Sans plus attendre j'ai abandonné tout ce que j'étais en train de faire (facile puisque je ne faisais rien), j'ai pris mon stylo et une feuille, et je lui ai écrit. Je lui ai rédigé tout un flot de jolis mots et de phrases tendres qui la feront sourire, c'est sûr. A l'heure actuelle je me demande comment j'ai fait, mais voilà, j'ai réussi à lui répondre. Car tôt ou tard, elle aurait fini par s'inquiéter de mon silence. La lettre est écrite et postée.
Une jolie lettre pleine de joie, que je lui ai faite. Avec des points d'exclamation, et des phrases du genre "Je suis super contente pour toi !" ou encore "Tu vas vivre quelque chose de merveilleux !" ou bien "Tu as raison la vie est belle". Et je lui ai dit aussi qu'elle n'avait pas à me remercier, que tout ce qui lui arrivait c'était grâce à elle, grâce à ce qu'elle est. Et que si elle avait des questions à me poser, je serais toujours là pour y répondre, qu'elle pouvait compter sur moi.
Ah la la que de mensonges… Et pourtant, je vous jure qu'au moment où je les ai écrits eh bien j'y croyais, j'étais sincère. A cet instant-là, j'étais vraiment contente pour elle. Ou alors je faisais semblant, mais en tous cas ce n'était pas volontaire. Mais… je repense à truc. Je viens d'écrire plus haut que dans une chanson joyeuse, on pouvait toujours déceler un peu de chagrin dans la voix du chanteur. Alors si ça se trouve, dans ma lettre, Julie décèlera toute ma tristesse entre les lignes… Mais je ne pense pas, l'amour rend aveugle, dit-on.
Voilà donc ce que je lui ai écrit. Mais si c'est maintenant que je prenais mon stylo, mes phrases auraient une toute autre allure. Ah ça non je ne lui dirais pas que je suis super contente pour elle. Non, je lui dirais que ça me rendre triste, que ça me casse en deux rien que d'y penser. Et je lui dirais que je ne lui souhaite pas d'être heureuse avec son copain. Mais attention ! Je ne lui souhaite pas non plus d'être malheureuse. Ah non, jamais je ne pourrais souhaiter une chose pareille pour Julie. Jamais je voudrais la voir souffrir. Non, j'espère simplement que cette aventure sera pour elle d'une banalité affligeante, que très bientôt quand elle aura rendez-vous avec son copain ça la soûlera d'y aller, et qu'elle inventera des prétextes quelconques pour y échapper, jusqu'à ce qu'elle le quitte. Voilà ce que je souhaite. Mais surtout pas son malheur.
D'ailleurs, si demain j'apprends qu'elle souffre et que son copain lui fait du mal ou ne la respecte pas, je peux vous dire que dans la minute qui suit j'abandonne tout ce que je fais et je monte tout de suite la chercher et l'arracher des bras de ce rustre. Et je la protègerai, moi. Je serai douce comme du miel avec elle, et teigneuse comme un chien avec tous ceux qui lui voudront du mal. Je la prendrai sur mon cœur et je veillerai sur elle. Je lui écrirai des milliers de chansons et de poésies. Je ne sais pas dessiner, mais j'apprendrai rien que pour lui faire son portrait sous tous les angles. Je ne la peindrai jamais aussi belle qu'elle ne l'est déjà, mais ce sera mon but dans la vie. Je n'aurai pas besoin de beaucoup de couleurs : du bleu ciel, du pal et du blond devraient suffir. Et puis si dans vignt ans je constate que c'est mission impossible, que jamais aucune peinture ne pourra la représenter telle qu'elle est, eh bien je laisserai là ma palette et mes pinceaux et je la regarderai vivre, c'est tout, et c'est déjà pas mal.
Mais bon… elle m'a dit que son copain était sympa et gentil, je n'aurai donc pas à la défendre. Tant mieux. Ou tant pis pour moi. Enfin on s'en fout. Je me demande ce que je fais là à raconter tout ça alors que c'est en pure perte de temps et d'énergie.
Certains lecteurs m'ont écrit que c'était aussi bien tout ça, car je commençais à devenir trop accro à Julie, trop dépendante. Pour dire une chose pareille, on voit bien qu'ils ne la connaissent pas !

Rien n'a changétexte précédent texte suivant Trouver un logement