journal intime
177 _ samedi 14 juin 2003

Cueillir des fleurs

Cueillir des fleurs en plein soleil : tout un programme. Et c'est ce que j'ai fait hier en pleine campagne. Je n'ai vraiment pas l'impression de passer le bac en ce moment, ça ressemble plus à des vacances qu'à autre chose. Il faut dire qu'il y a une semaine à peine j'étais à Paris, je travaillais d'arrache-pied tous les matins, je faisais les courses, le manger, le ménage et le linge. Maintenant que je suis rentrée, ma mère s'occupe de tout et je n'ai plus rien à faire. Pour un peu je m'ennuierais presque ! Alors je me fais de bonnes longues nuits de sommeil, je me baigne tous les jours dans l'océan, je travaille juste ce qu'il faut et je cueille des fleurs.
Les fleurs ce n'était pas pour moi, mais pour mon petit frère, il avait un mini herbier à faire pour ses cours de biologie. Le genre d'activité qui sert à meubler les derniers cours de l'année scolaire, quand le prof en a assez de suivre le programme et qu'il n'a plus d'idées pour faire passer le temps. Et mon petit frère, remplir cet herbier, ça l'ennuyait au plus haut point. Alors je lui ai dit "laisse tomber je vais te le faire, moi, ton herbier". Evidemment qui dit herbier dit herbes, qui dit herbes dit prairie, qui dit prairie dit campagne, et qui dit campagne dit école de ma mère, là-bas.
Je l'ai donc accompagnée à son école hier. On est arrivées sur place un peu avant neuf heures du matin. J'avais prévu de partir à la cueillette l'après-midi, et d'occuper ma matinée à réviser un peu. Je me suis donc assise à une table au fond de la salle de classe. Quand les enfants sont entrés ils m'ont regardée avec de grands yeux : mais qui donc est cette inconnue au fond de la classe ? Une nouvelle élève ? Ben non elle a au moins dix ans de plus que nous !
Finalement je n'ai pas révisé grand chose : j'étais bien trop amusée à suivre le cours que donnait ma mère. Les petits, j'avais envie de leur dire : "il y a dix ans j'étais à votre place, exactement, avec la même institutrice devant moi". Mais ce genre de choses n'émeut pas les enfants. Ma mère n'a rien changé de ses bonnes habitudes : la journée commence par une demi-heure de causette sur le tapis, chacun racontant sa soirée de la veille. C'est chouette. Et puis elle leur fait prononcer des syllabes écrites au tableau, faire des additions, tout ça… Comme la fin de l'année approche c'était très relâché, à la fin les enfants étaient presque libres. Ils jouaient ou dessinaient. Une petite fille est venue me montrer un livre qu'elle était en train de lire depuis plusieurs jours : Cadichon le petit âne, eh eh… Elle m'a montré la page où elle était rendue, m'a raconté l'histoire, et se faisait un plaisir de répondre à mes questions… Un garçon m'a fait un joli dessin, j'étais vraiment comblée ! Mon chien se lamentait tout seul dans la cour, et pendant la récréation il se lamentait tout seul dans la classe… Eh oui Adonis, je t'apprendrai à lire un autre jour !
Et puis ce fut l'après-midi et l'heure pour moi d'aller cueillir des trucs et des machins dans la nature. Il ma fallait simplement trois fleurs au choix, trois feuilles au choix, et trois herbes. Et être capable de les nommer. Je suis partie sur un petit chemin, et ça m'a fait bizarre. Il y a entre sept et onze ans de ça, je ma baladais sur ces mêmes chemins. Ils ont un peu changé, à moins que ce ne soit ma mémoire qui les ait déformés. Mais la nature évolue, les arbres vieillissent, l'herbe pousse, les fossés se creusent, etc… Je suis partie sur un chemin sous un soleil encore plus accablant que les jours précédents. En plus le chemin était caillouteux et les cailloux étaient blancs, la lumière s'y reflétait. J'avais beau être vêtue très légèrement, il m'était impossible d'avancer d'avantage sur ce sentier. Alors j'ai bifurqué, j'ai emprunté un autre chemin plus petit à travers le sous-bois, et tout de suite ça allait mieux, il faisait plus frais. Avec mon chien on a marché une bonne demi-heure et je me suis assise dans l'herbe histoire de feuilleter mon bouquin de fleurs. Car j'avais pris un petit bouquin afin de reconnaître mes prises.
J'aime tellement la lecture que je me suis passionnée sur l'introduction du livre. C'était pourtant très technique, ça expliquait quel type de prairies on trouvait en France. Et ça n'avait rien à voir avec mon herbier. Mais je suis restée scotchée sur cette intro et dix pages plus loin je me suis rendue compte que je n'avais pas non plus toute la journée pour cueillir des herbes. J'ai posé le livre, je me suis allongée et j'ai fermé les yeux. Quel bonheur… A Paris quand il fait très chaud, l'air est suffocant, oppressant, sans doute à cause de la pollution. Hier c'était parfait, je me remplissais les poumons de cet air de campagne. Pour un peu je me serais endormie. Mais le travail m'attendait !
Alors j'ai cueilli une bonne vingtaine de fleurs, d'herbes et de feuilles d'arbres. Des trèfles, du mouron, diverses mousses… Et une pâquerette. Je me disais que cette pâquerette irait à merveille dans les cheveux blonds de Julie. Un jour, peut-être que je lui en mettrai une, qui sait…
Finalement j'ai réussi à remplir mon petit sac d'herbes, je n'étais pas capable de leur mettre un nom à chacune même avec le livre, mais pour ça je comptais sur l'aide de ma mère. Quand je suis revenue à l'école les enfants étaient en train de sortir, parents et nourrices les attendaient. Moi je suis rentrée et j'ai étalé toutes mes trouvailles sur une table.
Je me disais que peut-être j'allais retrouver Mathieu, mais je n'ai vu que sa mère…
Voilà donc pour ma journée, une bonne petite cueillette, et ce en plein milieu du bac. Lundi, les examens reprennent avec l'histoire-géo. Ca va, c'est l'une des matières que je préfère, celle sur laquelle j'ai passé le plus de temps cette année. Je ne me fais donc pas trop de soucis. En plus je n'ai fait l'impasse sur aucun chapitre, et d'après ce que j'ai compris, mes anciens collègues de lycée ne peuvent pas en dire autant… je travaillerai trois ou quatre heures demain matin et advienne que pourra. Sur ce, je vais appeler Josette et Noémie et leur proposer d'aller à la plage !

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