Je n'ai toujours
pas trouvé de travail pour cet été.
Mais c'est vrai que je n'ai commencé à
chercher que ce matin, je ne peux quand même
pas demander la lune. Je suis impatiente de nature,
mais il y a des choses pour lesquelles il faut
savoir attendre.
Ce matin, pleine de motivation, je suis partie
m'inscrire dans trois agences d'intérim.
Je me suis bien préparée : j'avais
même une montre au poignet. Cette montre,
je ne l'avais pas portée depuis des mois,
si c'est pas des années, si c'est pas des
siècles. Même pour le bac c'est un
petit chronomètre que j'avais dans la poche.
Mais je l'ai retrouvée hier dans un tiroir,
alors je me la suis passée au poignet,
ça fait sérieux, une montre. Ca
montre qu'on aime être à l'heure.
Une montre et une casquette, car le soleil tape
fort ces temps-ci et ma mère me répète
sans cesse que je vais finir par attraper une
insolation. Ce week-end j'ai donc investi dans
une jolie casquette noire et blanche. J'ai pris
les papelards nécessaires et je suis partie.
La première agence est à même
pas dix minutes à pied de chez moi. Mais
ils ne prennent les inscriptions qu'après
9H00 et il était 08H30. A ce moment-là
je me suis étonnée qu'il soit si
tôt, mais le temps passe bizarrement quant
on est en vacances. J'ai patienté en lisant
quelques revues à la presse pas loin, je
connais bien le marchand, il sait que je lui en
achète de temps en temps, des journaux,
alors il me laisse les lire en rayon sans rien
dire. A 08H50 j'ai décidé que c'était
bon, dix minutes d'avance ce n'est pas bien grave.
J'arrive là-bas, j'attends que ce soit
mon tour, je m'assieds et me présente,
et m'excuse d'être là dix minutes
trop tôt. Et c'est là que le type
me répond : "Non ça va, il
est 09H50"
Ah la la, ma montre était
réglée sur l'heure d'hiver
Voilà qui donne image de vous très
sérieuse.
Finalement on a discuté un peu, il était
très gentil et très aimable. Je
lui ai demandé s'il pensait qu'il aurait
des missions pour moi, il a un peu hésité
mais a répondu que ça devrait aller.
En été à La Rochelle, avec
le tourisme, il y a énormément d'emplois
temporaires. Mais il y a aussi énormément
de jeunes qui recherchent. Bon, on verra bien
J'ai dit merci et suis partie dans l'autre agence,
en plein centre-ville.
J'y ai reçu un accueil exécrable,
par une secrétaire insupportable, aimable
comme une porte de prison et froide comme un glaçon.
Elle n'a jamais voulu m'inscrire parce que je
n'avais pas de photo. Je m'étais dit que
puisque je me présentais en personne, ils
me verraient bien, la photo était inutile
Mais non car, me disait-elle, ils envoient les
CV et les photos aux entreprises pour que celles-ci
fassent leur choix. Pas de photo, pas d'inscription.
Je suis sortie énervée et j'ai trouvé
un photomaton pour me faire le portrait. Vingt
minutes plus tard j'étais devant l'épouvantail.
L'épouvantail c'est la secrétaire,
elle a des cheveux on dirait de la paille.
Cette fois-ci elle a noté mes infos, puis
elle m'a dit de les contacter de temps en temps
pour leur demander s'ils avaient une mission.
Je lui ai fait remarquer qu'elle se contredisait,
tout à l'heure c'est elle qui envoyait
mon CV et ma photo aux entreprises, et maintenant
c'était à moi de passer de temps
en temps. Elle n'a pas aimé. Peu importe,
je suis sortie de là et me suis promise
de ne plus y retourner. Mais je n'ai pas tenu
ma promesse
Tiens, je vais faire un truc
genre Stendhal dans le Rouge et le noir :
Le lecteur s'étonne sans doute de la
décision de l'héroïne de ne
plus retourner dans l'agence d'intérim
alors qu'elle recherche un travail. Il est vrai
que l'héroïne nous avait habitués
à plus de maturité. Nous manquons
de documents pour expliquer avec précision
les raisons de sa décision à l'emporte-pièce.
Cependant, certains papiers retrouvés récemment
montreraient que l'héroïne soit retournée
l'après-midi même à l'agence
d'intérim. Ces papiers n'étant ni
signés ni datés, ils sont à
prendre avec beaucoup de précaution.
Eh eh
excusez-moi, ça doit être
la chaleur. Puis je me suis rendue à la
troisième agence, mais là c'était
rapide : ils ne prenaient pas les inscriptions
le lundi. Une heure de marche aller-retour pour
rien, merci, de rien.
Quand je suis rentrée chez moi il était
déjà midi. J'ai mangé avec
mon petit frère puis je suis allée
à la plage. Parce que bon, il ne faut pas
exagérer, je suis en vacances tout de même
De retour chez moi deux heures plus tard j'ai
téléphoné aux deux agences
et m'y suis à nouveau rendue en personne
et en pleine chaleur. Bon, ben j'espère
que dans les jours qui viennent je vais trouver
quelque chose. Demain j'irai voir Madame C, pour
qui j'ai travaillé l'an dernier au marché.
Elle connaît plein de gens qui connaîtront
peut-être des gens qui peut-être connaîtront
des gens qui connaîtront peut-être
des gens qui peut-être auront un truc pour
moi. Mince, je suis ponctuelle, honnête,
volontaire et respectueuse, ne me dites pas que
personne ne recherche quelqu'un comme moi
Allez pour finir :
A ce moment du récit, le lecteur aura
sans doute compris que l'héroïne est
très motivée pour trouver un emploi.
Hors il se trouve que ce soir-là, elle
est retournée se baigner à la plage.
Cette activité puérile et populaire
contraste fortement avec la détermination
dont elle a fait preuve tout au long de cette
journée. Mais les bulletins météo
de juin 2003 montrent une très forte température,
ce qui expliquerait son petit péché
mignon. Le lecteur n'en tiendra donc pas rigueur
à l'héroïne.
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