journal intime
182 _ lundi 23 juin 2003

Agences d'intérim

Je n'ai toujours pas trouvé de travail pour cet été. Mais c'est vrai que je n'ai commencé à chercher que ce matin, je ne peux quand même pas demander la lune. Je suis impatiente de nature, mais il y a des choses pour lesquelles il faut savoir attendre.
Ce matin, pleine de motivation, je suis partie m'inscrire dans trois agences d'intérim. Je me suis bien préparée : j'avais même une montre au poignet. Cette montre, je ne l'avais pas portée depuis des mois, si c'est pas des années, si c'est pas des siècles. Même pour le bac c'est un petit chronomètre que j'avais dans la poche. Mais je l'ai retrouvée hier dans un tiroir, alors je me la suis passée au poignet, ça fait sérieux, une montre. Ca montre qu'on aime être à l'heure.
Une montre et une casquette, car le soleil tape fort ces temps-ci et ma mère me répète sans cesse que je vais finir par attraper une insolation. Ce week-end j'ai donc investi dans une jolie casquette noire et blanche. J'ai pris les papelards nécessaires et je suis partie.
La première agence est à même pas dix minutes à pied de chez moi. Mais ils ne prennent les inscriptions qu'après 9H00 et il était 08H30. A ce moment-là je me suis étonnée qu'il soit si tôt, mais le temps passe bizarrement quant on est en vacances. J'ai patienté en lisant quelques revues à la presse pas loin, je connais bien le marchand, il sait que je lui en achète de temps en temps, des journaux, alors il me laisse les lire en rayon sans rien dire. A 08H50 j'ai décidé que c'était bon, dix minutes d'avance ce n'est pas bien grave. J'arrive là-bas, j'attends que ce soit mon tour, je m'assieds et me présente, et m'excuse d'être là dix minutes trop tôt. Et c'est là que le type me répond : "Non ça va, il est 09H50"… Ah la la, ma montre était réglée sur l'heure d'hiver… Voilà qui donne image de vous très sérieuse.
Finalement on a discuté un peu, il était très gentil et très aimable. Je lui ai demandé s'il pensait qu'il aurait des missions pour moi, il a un peu hésité mais a répondu que ça devrait aller. En été à La Rochelle, avec le tourisme, il y a énormément d'emplois temporaires. Mais il y a aussi énormément de jeunes qui recherchent. Bon, on verra bien… J'ai dit merci et suis partie dans l'autre agence, en plein centre-ville.
J'y ai reçu un accueil exécrable, par une secrétaire insupportable, aimable comme une porte de prison et froide comme un glaçon. Elle n'a jamais voulu m'inscrire parce que je n'avais pas de photo. Je m'étais dit que puisque je me présentais en personne, ils me verraient bien, la photo était inutile… Mais non car, me disait-elle, ils envoient les CV et les photos aux entreprises pour que celles-ci fassent leur choix. Pas de photo, pas d'inscription. Je suis sortie énervée et j'ai trouvé un photomaton pour me faire le portrait. Vingt minutes plus tard j'étais devant l'épouvantail. L'épouvantail c'est la secrétaire, elle a des cheveux on dirait de la paille.
Cette fois-ci elle a noté mes infos, puis elle m'a dit de les contacter de temps en temps pour leur demander s'ils avaient une mission. Je lui ai fait remarquer qu'elle se contredisait, tout à l'heure c'est elle qui envoyait mon CV et ma photo aux entreprises, et maintenant c'était à moi de passer de temps en temps. Elle n'a pas aimé. Peu importe, je suis sortie de là et me suis promise de ne plus y retourner. Mais je n'ai pas tenu ma promesse… Tiens, je vais faire un truc genre Stendhal dans le Rouge et le noir :
Le lecteur s'étonne sans doute de la décision de l'héroïne de ne plus retourner dans l'agence d'intérim alors qu'elle recherche un travail. Il est vrai que l'héroïne nous avait habitués à plus de maturité. Nous manquons de documents pour expliquer avec précision les raisons de sa décision à l'emporte-pièce. Cependant, certains papiers retrouvés récemment montreraient que l'héroïne soit retournée l'après-midi même à l'agence d'intérim. Ces papiers n'étant ni signés ni datés, ils sont à prendre avec beaucoup de précaution.
Eh eh… excusez-moi, ça doit être la chaleur. Puis je me suis rendue à la troisième agence, mais là c'était rapide : ils ne prenaient pas les inscriptions le lundi. Une heure de marche aller-retour pour rien, merci, de rien.
Quand je suis rentrée chez moi il était déjà midi. J'ai mangé avec mon petit frère puis je suis allée à la plage. Parce que bon, il ne faut pas exagérer, je suis en vacances tout de même… De retour chez moi deux heures plus tard j'ai téléphoné aux deux agences et m'y suis à nouveau rendue en personne et en pleine chaleur. Bon, ben j'espère que dans les jours qui viennent je vais trouver quelque chose. Demain j'irai voir Madame C, pour qui j'ai travaillé l'an dernier au marché. Elle connaît plein de gens qui connaîtront peut-être des gens qui peut-être connaîtront des gens qui connaîtront peut-être des gens qui peut-être auront un truc pour moi. Mince, je suis ponctuelle, honnête, volontaire et respectueuse, ne me dites pas que personne ne recherche quelqu'un comme moi…
Allez pour finir :
A ce moment du récit, le lecteur aura sans doute compris que l'héroïne est très motivée pour trouver un emploi. Hors il se trouve que ce soir-là, elle est retournée se baigner à la plage. Cette activité puérile et populaire contraste fortement avec la détermination dont elle a fait preuve tout au long de cette journée. Mais les bulletins météo de juin 2003 montrent une très forte température, ce qui expliquerait son petit péché mignon. Le lecteur n'en tiendra donc pas rigueur à l'héroïne.

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