Aujourd'hui, pour
la première fois depuis que j'écris
ce journal sur le Net, j'ai suivi le conseil d'un
lecteur, ou plutôt d'une lectrice. Un truc
tout bête mais auquel je n'avais pas pensé.
Je suis allée acheter une carte postale
très originale de Paris (avec la Tour Eiffel
dessus), et j'ai écrit à Noémie.
On finirait par oublier, avec tous ces mails et
tous ces téléphones portables, qu'il
existe le papier, le stylo et le timbre
Car une jolie carte en carton coloré, avec
un joli timbre et une écriture appliquée
à l'encre bleue, ben ça, Internet
ne pourra jamais nous le donner
Je lui ai écrit comme ça : "
Salut Noémie, Je suis à Paris, la
ville est magnifique, moins que La Rochelle mais
trrrrès magnifique quand même. J'espère
que tu vas bien, bisous, Aglaia. " J'espère
que ça lui fera plaisir
Et peut-être
qu'elle me répondra, j'ai pris soin de
noter ma nouvelle adresse en bas
Croisons
les doigts.
J'arrive à suivre le rythme que je me suis
imposée ici, à savoir cinq heures
de travail personnel tous les matins, entrecoupées
par-ci par-là de petites pauses cigarettes,
car il faut quand même prendre le temps
de vivre. Ici, soit il fait froid soit il pleut,
parfois même les deux en même temps,
mais je crois que c'est un peu partout pareil
en France en ce moment. Mais j'aime bien quand
il fait gris, quand il y a un petit vent sec,
que l'air est humide voire orageux. C'est là
que c'est le mieux, quand il y a de gros nuages
noirs au-dessus de nos têtes, que le vent
se soulève peu à peu, et qu'on entend
tonner au loin. Tout prend alors une allure mystérieuse,
angoissante un peu, mais une fausse angoisse,
on sait très bien que le ciel ne nous tombera
pas sous la tête. J'adore ces moments-là,
tout comme j'adore ensuite le moment où
je me retrouve chez moi, juste avant les premières
averses. Et dehors il fait si sombre qu'on est
obligé d'allumer la lumière, c'est
beau.
J'ai vu David aujourd'hui. David, le gars qui
était venu lors de cette jolie soirée,
et qui était très en colère
parce que la femme de sa vie, du moins celle qu'il
prenait pour la femme de sa vie, lui avait dit
" je ne t'aime pas de la même manière
que toi tu m'aimes ", autrement dit t'es
juste un bon copain. Mon cousin n'était
pas encore rentré de la fac ou de je ne
sais où, parce qu'il traîne aussi
beaucoup lui aussi le soir avant de rentrer, et
moi-même je venais juste d'arriver.
On a parlé tous les deux et j'ai adoré,
en tous cas il était beaucoup plus calme
que l'autre soir. La dernière fois il était
entré comme un furieux dans l'appartement
et avait déversé toute sa rage sur
ses déboires amoureux. Cette fois-ci il
était posé, attentionné,
et semblait réfléchir avant de parler,
apparemment il s'est fait une raison pour sa copine
D'ailleurs il n'a pas parlé d'elle une
seule seconde, y compris avec mon cousin une fois
que celui-ci fut rentré. Et pour ne pas
remuer le couteau dans la plaie j'ai évité
de lui demander des nouvelles
Tout ça pour dire qu'il était bien
plus calme que l'autre jour, presque timide même
Lui qui l'autre fois avait mimé un cunni-lingus
à la cliente du restaurant chic en face
de chez nous, ce n'était plus du tout le
même gars que j'avais en face de moi. En
tous cas il m'a bien fait rigoler, il a un humour
décapant, mais c'est peut-être encore
une fois dû à l'âge, j'ai peu
l'habitude d'entendre des gens plus vieux que
moi de quelques années. D'ailleurs mon
cousin lui aussi me fait bien rire, de même
que ma sur dans le temps.
On a bu un café et il a posé sur
la table un trombinoscope : il y avait là
toutes les photos des étudiants de sa promotion,
il venait justement l'amener à mon cousin.
D'ailleurs je l'ai reconnu mon cousin, au milieu
de tout ce beau monde. Enfin je dis " beau
"
pas vraiment, les photos d'identité
couleur photocopiées en noir et blanc,
c'est assez moyen. Il y a des photos qui sont
tellement noircies que certaines personnes deviennent
africaines dessus, eh eh
En tous cas j'ai eu droit à un petit discours
sur chacune de ces personnes, et la plupart n'étaient
pas très tendres. Par exemple David me
disait, en me montrant du doigt l'une des photos
: " Lui tu vois, on le voit pas bien sur
la photo mais c'est un bâton de sucette
avec un poulpe posé dessus " Ah !
Ah ! Ah ! Autrement dit une silhouette extrêmement
fine avec des cheveux extrêmement longs.
Un autre " Alors lui c'est Untel, il se branle
complet parce qu'il a fait l'EITA, une école
d'ingénieur. Mais n'empêche qu'il
est avec nous cette année ". Tous
ces commentaires étaient loin d'être
gentils : " Elle c'est Olivia, elle se fait
tringler tout l'été sur la plage
", etc
Vous remarquez que je suis vulgaire
ce soir, mais je ne fais que répéter
ses propos. D'ailleurs j'ai constaté qu'ici,
à Paris, les gens étaient beaucoup
plus grossiers qu'en Province, du moins qu'à
La Rochelle. C'est incroyable le nombre de vulgarités
et de gros mots qui peuvent sortir de leur bouche
! Ca n'arrête pas, et j'en apprends tous
les jours
Si ça se trouve je vais
peu à peu les imiter sans m'en rendre compte,
et ma mère ne va plus me reconnaître
quand je vais rentrer. Non quand même pas.
Il ne faut pas exagérer, David n'a pas
dit du mal de toutes les personnes présentes
sur la liste. Mais moi je préférais
quand il disait du mal, c'était beaucoup
plus marrant.
C'est ainsi que j'ai eu droit à une petite
revue de tous les collègues de David et
de mon cousin. D'ailleurs il est arrivé
peu après, et David est resté pour
manger, demain on ira chez lui le soir, alors
je ne sais pas si je rentrerai assez tôt
pour parler de tout ça, mais j'essaierai
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