journal intime
89 _ Lundi 27 janvier 2003

Place des Vosges

Les jours se suivent et se ressemblent plus ou moins, il y a juste un petit événement par-ci par-là qui fait que chaque journée est différente des autres, mais rien d'exceptionnel non plus. Mais je me sens bien, je laisse passer les heures en évitant de ressasser mes mauvaises pensées. C'est vrai que samedi j'ai un peu craqué, toute seule dans ma solitude, mais dans la semaine avec mon cousin Greg ça va beaucoup mieux. Je le vois le matin avant qu'il parte pour la fac, puis le soir, et quelquefois à midi quand il rentre pour manger. Le reste du temps je m'occupe comme je peux.
Le matin je me réveille à 7H00 et je reste un petit peu au lit à écouter le bruit des voitures dans la rue. J'aime bien ça, du moins quand je n'ai pas l'intention de faire la grasse matinée. Il y a beaucoup plus de boucan ici qu'à La Rochelle mais ça ne me dérange pas, au contraire ça m'aide à me lever.
Puis je prends mon petit déjeuner en même temps que Greg. Mais lui il est beaucoup plus rapide que moi, il ne lui faut que vingt minutes pour se préparer et sortir. Alors que moi je traîne pas mal…
Ensuite je me mets au travail. Les cours particuliers sont très efficaces, j'ai l'impression d'apprendre beaucoup plus de choses et beaucoup plus vite que quand j'étais au lycée. Il faut dire que j'ai plusieurs matières inutiles en moins, à commencer par le sport. Ca c'était ennuyeux, le sport. Tout ce que ça m'a apporté en quatre mois c'est un ongle cassé. Une autre matière qui a disparu : les travaux pratiques de chimie (que je faisais dans le cadre d'une option). Ah la la je suis bien contente de ne plus avoir à supporter ça. Qu'est ce que c'était lourd ! Et qu'est ce que c'était inutile ! Le plus souvent je suivais bêtement les instructions une par une pour les expériences, en général ça marchait car je respectais les dosages à la lettre. Je ne comprenais rien à ce que je faisais, mais je ne faisais pas trop d'efforts non plus… Maintenant c'est tout dans la tête et rien dans les mains, et c'est très bien comme ça.
Parfois je me sens prise dans un élan de motivation mal contrôlée et je ne m'arrête plus d'apprendre. Par exemple ce matin je me suis avalée plusieurs chapitres d'histoire, j'adore cette matière alors ça rentre tout seul. Mais d'autres fois c'est le contraire. Bien souvent quand je fais des maths, je lis les leçons, je commence un exercice, puis un deuxième… et me voilà partie dans mes rêves. Je ne le fais pas exprès, sans que je m'en rende compte mes pensées s'envolent vers un autre monde, et ce n'est que vingt minutes plus tard que je m'en aperçois. Et plus je suis rendue loin dans mes rêves, plus dur est le retour à la réalité. Parfois, ce sont de véritables luttes d'esprit pour réussir à me concentrer. Alors le mieux c'est encore de m'arrêter, fumer une petite cigarette à la fenêtre et de m'y remettre. Et dans l'ensemble j'avance plutôt bien.
Vers 13H00 je me fais à manger, soit pour moi toute seule, soit aussi pour mon cousin si je sais qu'il va venir.
Et puis je sors me promener. J'adore ce moment où j'arrive dans la rue en bas, où je respire la première bouffée d'air, satisfaite. Satisfaite car je me dis que c'est bien mérité, vu le travail fourni le matin. Alors que si je glandais je culpabiliserais un petit peu…
Quand il ne pleut pas j'emmène un livre de poche avec moi, mais le plus souvent il reste dans ma poche, justement. Mais aujourd'hui je me suis enfilée le Mariage du Ciel et de l'Enfer de William Blake, sur un banc quelconque. Bon, c'est bien mais je n'ai pas tout compris, il faudra que je le relise demain.
Mais l'événement de la journée, c'est ma découverte de la Place de Vosges. C'est magnifique ! Je suis tombée dessus par hasard. J'en avais entendu parler bien sûr, mais quand je me balade j'évite d'aller vers des lieux précis, c'est tellement plus agréable de tomber sur une jolie chose par hasard, il n'y a plus aucune surprise si on l'a d'abord vue en photo dans un guide touristique… J'étais là à ma promener avec Adonis dans le quartier du Marais, quand d'un seul coup j'arrive sur une place carrée, avec un parc au milieu et des énormes baraques tout autour. Je me suis tout de suite dit que ça devait être célèbre comme coin alors j'ai regardé la plaque : Place des Vosges, ah oui effectivement…
En regardant les maisons tout autour je me disais que ça me plairait bien d'habiter quelque part là-dedans. Même une petite chambre sous les toits ça me suffirait, ce serait vraiment chouette… Mais pour ça il faudrait que je sois riche, très riche. Merci d'envoyer vos dons au 6 rue de… non je rigole. Mais ça me plairait bien. J'aurais mon lit dans un coin, l'ordinateur dans l'autre, ce serait parfait. D'ailleurs je n'aurais même pas besoin d'ordinateur, une vue sur la Place des Vosges c'est quand même bien plus joli qu'une vue sur le Net.
En parlant de vue sur le Net je suis après me demander à quoi me sert mon écran. Ben ouais, vu que je ne fais qu'écrire je pourrais me contenter du clavier. En plus je ne me relis jamais, ou très rarement, parce que quand je le fais j'ai honte de repérer les fautes d'orthographe qui m'ont échappé. Un jour je me relirai depuis le début et je rectifierai tout.
Quelques heures après je rentre chez moi. Souvent Greg est déjà revenu de la fac et il est devant la télé. Alors je me pose moi aussi dans le canapé et je regarde vaguement les images. J'écoute aussi un peu mais pas trop à vrai dire.
Un peu plus tard on mange, on parle de tout et de rien, je lui raconte ce que j'ai vu dans l'après midi, et il s'étonne à chaque fois en constatant que je connais déjà Paris mieux que lui. Eh eh…
Demain j'irai manger à la fac avec lui, ça me changera un petit peu et ce sera un événement notable à raconter le soir.

Place Julie ou place des Vosges...
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