Me voilà
seule pour deux jours. Mon cousin est rentré
et moi je suis restée. Et je suis après
me demander ce que je vais bien pouvoir foutre
de ces deux journées. J'aime la solitude,
souvent je la recherche, mais dans le fond elle
me fait peur. Et c'est peut-être justement
parce qu'elle me fait peur que je la recherche,
j'ai peur donc je suis, c'est bien connu. Quand
je sens cette petite boule chaude dans le ventre,
ou pire dans la gorge, je me sens angoissée
mais je me sens bien, ça me donne envie
de chialer un bon coup pour tout faire sortir.
Mais je pleure rarement en fait, je tue le temps
avec d'autres occupations, comme balader mon chien
et moi-même dans les rues, et Dieu sait
s'il y a des balades à faire dans cette
ville. Mais ça craint, quand même.
Je ne pense plus à ma sur, c'est
incroyable comme je l'ai sortie de mes pensées,
un peu comme si elle n'avait jamais existé.
Si ça se trouve, c'est parce que j'en ai
parlé longuement sur ce journal, mais c'est
peut-être aussi une coïncidence. Peu
importe la cause, le fait est là. Mais
ce n'est pas pour ça que c'est la fête,
elle n'est plus là à hanter mon
esprit mais mon esprit s'est rabattu sur autre
chose, sans que je sache trop quoi. Un peu comme
le dit Mano Solo, j'ai noyé le poisson
mais son odeur dégueulasse ne m'a pas quittée.
Avec le temps, j'espère.
Alors je suis là dans l'appartement, on
entendrait une mouche volée, juste le ronron
de l'ordinateur et des touches sur le clavier,
putain c'est bon, j'adore ça quand j'écris.
Et puis il y a mon chien qui dort, et sur le bureau
il y a cet article paru aujourd'hui dans The Hackademy
Journal. C'est un lecteur qui me l'a scanné,
ils causent de moi dedans (voir
l'article ici). J'aime mieux vous dire qu'en
le recevant j'étais contente ! Aglaia dans
un journal distribué dans la France entière
! La gloire ! Tellement contente que je l'ai balancé
sur un forum auquel je participe. Et après
je suis allée acheter le journal en question
chez le marchand. J'arrive chez moi, je l'ouvre,
je lis une fois en pensant " c'est chouette,
c'est chouette
", puis je relis une
fois, deux fois, trois
A la fin je le connaissais
pas cur mais je ne me disais plus du tout
" c'est chouette c'est chouette ". Mais
plutôt " ben merde, ben merde
". C'est cette phrase qui me travaillait
: " le 18 décembre dernier, elle décrivait
la dépression nerveuse de sa mère
et le s'enfoutisme de son père " J'ai
décrit ça moi ? Oui je l'ai fait,
mais pas de cette manière. Ma sur
a été gravement malade, elle est
en est morte, mon père a tout fait pour
l'aider mais au bout d'un moment il a baissé
les bras, quand il s'est rendu compte que c'était
perdu, qu'il était totalement démuni.
Et dans mon journal, j'aurais donné l'impression
que mon père s'en foutait ? Non, je ne
pense pas, la fille avait son article à
faire, il lui fallait une phrase concise, et si
ça se trouve elle n'a pas lu ce qu'il y
avait avant. Mais moi maintenant j'ai honte de
moi. Honte vis à vis de mon père,
parce qu'il n'y a pas plus adorable que lui, et
que cette phrase est comme une insulte. Evidemment,
personne ne sait qui est mon père, de même
que personne ne sait qui est Aglaia comme le dit
cet article (" derrière ce pseudo
se cache une ado de 17 ans "). Mais moi je
le sais, je sais que le mec qui est accusé
de s'enfoutisme dans cet article c'est mon père,
c'est bien lui, celui dont j'ai parlé des
dizaines de fois et que j'aime vraiment de tout
mon cur.
En ce moment il est sur l'océan, je ne
sais trop où. Mais je l'imagine, je le
vois d'ici, c'est fou
J'ai ses yeux en face
de moi, son sourire, sa mine toute sévère
quand il est en colère, et sa mine toute
gentille quand il est amusé. Parce que
mon père c'est ça : il est droit
et rigide, militaire, et parfois très sévère.
Mais bien souvent il me fait mourir de rire, je
sais qu'il nous aime, et il est adorable. Il a
un sourire d'enfant quand il veut. La maladie
de ma sur l'a détruit et il lui faudra
des années encore avant de vraiment guérir.
Et cet homme-là vient de se faire traiter
de " s'enfoutisme ", et c'est un peu
ma faute
alors j'ai honte. Je n'en veux
à personne, ni au journal ni à la
journaliste, je ne m'en veux qu'à moi.
Mais bon, je m'en remettrai, on va dire que ce
n'est qu'une embûche de parcours, un peu
comme les vilains mails que j'ai reçus
et qui m'avaient blessée, et qui désormais
s'en vont directement à la corbeille quand
je les reçois, qui ne m'atteignent plus
le moins du monde. J'écris pour être
lue, je ne vais pas me plaindre, et plus il y
aura de monde sur ce site plus je serai contente.
Mais quand même, ce genre de choses me fait
redescendre sur terre, et je me dis que raconter
sa vie sur le Net, comme nous sommes des centaines
à le faire, ce n'est pas QUE un jeu. M'en
fous je continue, un jour je passerai outre tous
ces coups durs et mon journal intime sera un journal
digne de ce nom.
Ca ne me dit toujours pas ce que je vais faire
dans les deux jours qui viennent. Peu importe,
je n'écris pas ce journal pour raconter
ce que je vais faire, mais pour raconter ce que
j'ai fait. Ainsi hier je suis allée au
cimetière du Père La Chaise avec
Marine. Encore une fois je me suis rendue chez
elle à travers ces rues et ces maisons
que je commence à bien connaître,
j'ai retrouvé en bas de chez elle ces portugais
qui travaillent dans le local, dont l'abruti qui
s'était permis de juger ma vie et mes actes
la veille.
Mais Marine est quelqu'un de très accueillante.
J'adore les gens qui vous reçoivent les
bras ouverts, qui vous demandent si vous voulez
un café ou une cigarette, qui vous conseillent
de ne pas faire attention au bazar, moi ça
me rassure et je me sens à l'aise. Et c'est
comme ça que je fais quand quelqu'un vient
chez moi. Puis on a pris le métro. Hélas
dans le métro les animaux sont interdits,
j'ai dû laisser mon brave Adonis en compagnie
du petit chiot de Marine. Le petit chiot n'arrête
pas de lui courir entre les pattes et ça
l'énerve, alors parfois il le repousse
d'un coup de museau. Mais l'autre croit que c'est
pour s'amuser et revient à la charge. Alors
Adonis se couche et attend, énervé,
que le petit se calme.
Le cimetière est magnifique. Immense, calme
et silencieux. On a vu les tombes de Chopin, Piaf,
Eluard, et surtout de Jim. Une tombe toute simple
et pleine de graffitis, tant mieux, ça
aurait sonné faux une tombe grandiose et
trop bien entretenue.
J'ai aperçu Marc Lavoine à la télé,
il faut vraiment qu'il arrête de se masturber
ce mec.
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