journal intime
82 _ Jeudi 16 janvier 2003

Chez Marine

Hier je suis donc allée chez Marine, cette fille rencontrée à la soirée de mardi. Elle m'avait dit qu'elle avait un labrador, je m'attendais donc à trouver…un labrador. Je veux dire un vrai, un gros. En fait c'était un chiot, il a un mois, bon, c'est un labrador quand même mais il ne fera pas copain avec mon chien à moi.
Il m'a quand même fallu un petit bout de temps avant de les trouver, Marine et son chien. D'abord il a fallu que je me rende chez elle : quarante minutes à pied. J'aurais pu ne mettre qu'une demi-heure mais je me suis perdue, j'avais refusé de prendre un plan de quartier avec moi malgré les conseils de mon cousin, encore une fois je n'en ai fait qu'à ma tête… En plus les numéros de maison n'étaient pas écrits sur les façades, il a fallu que je les compte à la main. Elle m'avait précisé qu'elle vivait au-dessus d'un commerce de vêtements. Je m'attendais donc à voir…un commerce de vêtements. En fait c'était un entrepôt avec une bonne quinzaine de travailleurs. Et cet entrepôt se trouvait de part et d'autre d'une arrière-cour pas très large mais très longue, une sorte de petite impasse au milieu des bâtiments… Il n'y avait pas un chat mais je voyais quelques types derrière les vitres, puis j'ai trouvé une pièce qui ressemblait à un accueil, avec de la moquette, un bureau et un homme en costar derrière ce bureau. Marine m'avait dit de m'adresser au chef, je suis donc entrée. Il m'a dévisagé étonné, avec mon chien je faisais en effet une cliente bien inhabituelle… " Bonjour, je voudrais voir Marine s'il vous plaît ". Il me fait " ah ! " rassuré apparemment, puis " la fille de Michel ? " Ben j'en sais rien moi, de qui elle est la fille. Pis c'est pas son père que je veux voir, c'est elle, éventuellement son labrador mais pas son père. Alors j'ai dit " peut-être ". Il m'a alors conseillé d'aller directement m'adresser au Michel en question, qui devait se trouver dans le local en face. Je traverse donc l'arrière cour et me voilà dans l'entrepôt proprement dit, face à face avec un petit portugais. Ce n'est pas péjoratif quand je dis " petit portugais ", il était petit et portugais, c'est tout. Il n'était pas le seul dans la pièce mais c'était lui le plus proche et il avait l'air de se tourner les pouces alors c'est à lui que je me suis adressée : " Bonjour je voudrais voir Michel, le père de Marine ". Aïe ! Apparemment la question que je lui posais était trrrrès difficile car il a dû réfléchir pendant vingt secondes au moins avant de trouver une solution : reposer ma question à son collègue qui était au fond du local. " Il est où le chef ? " L'autre a marmonné un truc que je n'ai pas compris et je n'ai pas pu en savoir d'avantage. Heureusement peu après, son collègue est parti en disant qu'il allait chercher le Michel en question. Me voilà donc à patienter avec le petit portugais qui me demande " alors t'es une amie de Marine ? " Eh oui… Alors il poursuit " Ah y a pas mal de monde qui vient la voir, mais c'est des garçons là c'est une fille ça change. T'es à la fac avec elle ? " Alors je lui ai expliqué que non, que j'étais lycéenne à La Rochelle mais que je venais de laisser tomber ma ville et mon lycée pour Paris et les cours par correspondance. Erreur, j'aurais mieux fait de me taire ! Il a eu l'air extrêmement déçu par ce que je lui apprenais, il me disait " Ah la la la la …. Y faut pas quitter les études ! Ah la la … moi j'ai deux filles, je leur dit " faites une formation après vous verrez, au moins vous pourrez avoir un bon métier pas comme moi " c'est ça la vie, y faut travailler tant qu'on est jeune ", et patati et patata, il commençait à me gonfler sérieusement. J'avais envie de lui dire " non mais de quoi je me mêle ? Occupe-toi de tes oignons ou fous moi la paix ! " Mais je suis polie alors je l'écoutais sans répondre. Et enfin, Marine est arrivée.
On est monté dans son appartement où elle vit avec ses parents, au-dessus de l'entrepôt dont son père est le chef. Un vrai dédale, cet entrepôt, d'ailleurs. Une bonne vingtaine de salles minuscules, reliées par des petits couloirs ou escaliers. Et enfin, nous voilà tranquilles, en haut.
Marine est étudiante (mais quand même gentille) à la même fac que mon cousin, c'est d'ailleurs de là qu'ils se connaissent. En montant chez elle, à travers le labyrinthe de petites salles, d'escaliers et de couloirs, elle me racontait un peu ce qui se passait ici, les vêtements, les travailleurs, tout ça… Dans l'une des salles que nous avons traversées, deux de ces travailleurs, portugais eux aussi d'ailleurs, se couraient l'un après l'autre et ça n'avait pas l'air d'être pour rire, j'ai vraiment cru qu'ils allaient se taper dessus. Marine m'a juste dit " fais pas attention ", et je les ai vus disparaître derrière un rayon de vêtements. J'espère quand même qu'ils ne se sont pas fait trop mal.
J'étais tout juste dans sa chambre qu'une dispute éclatait déjà. Mais non ! Pas entre elle et moi, entre son chien et le mien ! Ca c'est sûr, mon Adonis il n'aime pas bien les chiots. Tout petits comme ça, il sait d'avance que je vais craquer et m'amuser avec et ça le rend jaloux. Tant pis ! Effectivement on a bien joué avec le petit labrador, c'est vraiment mignon à cet âge-là. Et mon chien n'était pas content, il montrait les crocs aux petits qui était apeuré, alors je lui ai dit d'aller au coin. D'ailleurs ça a beaucoup étonné Marine que mon chien m'obéisse comme ça et qu'il aille s'asseoir dans le coin sur simple demande de ma part. Ben attends qu'est ce que tu crois, il est éduqué mon chien ! Je lui parlé de ce que j'ai déjà raconté dans ce journal, sur tout ce que je lui avais appris à faire dès les premières semaines de sa vie. En plus de ça, je dois dire que c'était un chiot de l'armée, mon père l'avait récupéré là-bas, ses deux parents étaient chiens militaires : il a des gênes. Marine a essayé elle aussi de faire aller son chien au coin mais ça ne marchait pas. Et puis je lui ai dit que ça ne servait à rien de lui demander ça sans raison, il faudra qu'elle lui demande quand il fera une bêtise. Enfin bref.
Bonne surprise : il y avait dans la chambre de Marine un poster de Jim Morrisson. En venant à Paris, j'ai pris avec moi une quinzaine de disques, j'aurais aimé en apporter beaucoup plus mais on ne peut pas tout mettre dans un sac. Mais dans cette petite sélection il y avait bien sûr Les Doors, elle adore elle aussi, c'est incroyable comme ce groupe continue d'avoir des admirateurs, si longtemps après la mort de son chanteur ! D'ailleurs on en a parlé de son chanteur, Jim, et je lui ai dit que j'aimerais bien aller voir sa tombe au Père Lachaise. Elle m'a donc proposé d'y faire un saut, pas hier mais aujourd'hui. Ce sera donc pour mon récit de demain.

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