journal intime
78 _ Vendredi 10 janvier 2003

Ma nouvelle vie

Il y a encore une semaine, je n'avais jamais mis les pieds à Paris de ma vie. Depuis je l'ai parcourue dans tous les sens, mais je sais bien que je n'en ai pas encore visité le centième. C'est incroyable comme c'est grand, ici. A La Rochelle, si vous vous promenez tout un après-midi, vous finissez par vous faire une bonne idée de la ville et de ce qu'on y trouve. Ici chaque quartier est différent, chaque rue est pleine de surprises. En l'espace de quelques mètres vous entrez dans un univers différent, avec des gens qui ne parlent plus de la même façon et des maisons qui n'ont plus la même tête. Je suis en train de tomber amoureuse d'une ville, c'est bête… Mais peut-être que je vais déchanter un de ces jours, je ne serais pas la première…
Avec Greg on vit dans un appartement près de la gare Saint Lazare, qui est plus petite, plus vielle, mais plus jolie que la gare Montparnasse par laquelle je suis arrivée dimanche. Le quartier est agréable le jour, enfin ni plus ni moins qu'ailleurs dans la ville, mais la nuit c'est bizarre… Jusque là je ne suis rentrée qu'une seule fois assez tardivement, toute seule, et je ne le ferai plus. Il y avait une prostituée tout près, en bas, des romanichels sur la place, je n'étais pas rassurée… Des prostituées il y en a partout ici, cent fois plus qu'à La Rochelle, mais celle de l'autre soir m'a vraiment refroidie, elle était très vielle, et son regard, que j'ai vaguement croisé, m'a fait un petit peu peur, sans que je sache vraiment pourquoi. Et puis les romanichels, ils sont peut-être très gentils, mais tous regroupés sur cette place à une heure du matin, et moi toute seule, je n'ai pas bien aimé. Alors maintenant je rentre avant minuit.
Je marche énormément, d'une part pour visiter, et d'autre part pour promener mon chien, qui en a encore plus besoin maintenant qu'il vit en appartement. Aussi n'ai-je pas perdu cette bonne habitude de me promener.
Le matin je me lève tôt, en même temps que Greg qui part à la fac, vers sept heures. Je pourrais me lever plus tard mais je tiens à adopter un bon rythme dès le début pour ne pas me laisser dépasser par les évènements, car j'ai quand même du travail. Et le matin on est plus dispos, alors je me force, parfois c'est dur, mais j'y arrive.
Dès que je suis prête, vers huit heures, je me mets au boulot et ce jusqu'à 13H00, soit cinq heures d'affilée. Je fais juste deux ou trois (allez…quatre…) pauses de cinq minutes pour fumer une cigarette à ma fenêtre. Je n'ai encore pas reçu les cours et les devoirs par correspondance car il faut leur laisser le temps de se mettre en route, mais ça ne m'empêche pas de lire les leçons dans mes bouquins, de faire les exercices et de m'auto-corriger. Je ne travaille que cinq heures par jour de cette manière, mais j'ai l'impression que c'est trois fois plus efficace que quand je suivais huit heures de cours dans la journée au lycée. De toutes façons je pourrai le vérifier car j'aurai bientôt des devoirs à renvoyer. Mais je suis très confiante quant à ce nouveau système.
Ensuite je mange, soit toute seule soit avec Greg, quand il est là. Mais le plus souvent il n'a pas le temps de rentrer car le voyage en métro est un peu long, d'ici jusqu'à sa fac. Ensuite je sors et je marche. C'est fou tout ce que je peux marcher. Des heures et des heures. Je n'arrête plus, même Greg est très étonné quand je rentre après lui le soir, alors que la nuit commence déjà à tomber. Je me couvre bien car il fait un sacré froid de chien en ce moment et je sais que j'ai le rhume facile. Et puis en décembre j'ai largement assez donné de tout ce qui est grippe, fièvre, mal au ventre et tout le reste, pou continuer en janvier. Je fais très attention à moi.
Ce qui est formidable ici, c'est que chaque monument rencontré fait appel à une foule de souvenirs dans ma mémoire. Tout ce que j'ai appris dans mon enfance et dans mon adolescence qui se termine bientôt, je les revois ici. A la Concorde je pense à la guillotine, au champ de Mars je pense au massacre pendant la Révolution, au Louvres je pense à tous les rois qui y ont vécu (sympathique, comme maison)… Sans parler des romans qui ressurgissent dans des coins moins connus ou moins fréquentés. Ainsi le quartier Picpus, que j'ai découvert par hasard, et qui m'a rappelé le couvent de Cosette dans Les Misérables de Victor Hugo. A La Rochelle aussi, bien sûr, il y a une histoire, mais elle est cent fois moins longue et moins variée que celle-ci. A La Rochelle aussi, bien sûr, on y retrouve les décors de fameux romans, genre Les Trois mousquetaires, mais rien d'exceptionnel non plus…
Ce week-end je vais être seule, je le suis déjà d'ailleurs. Greg rentre chez lui tous les vendredis, et il est fort probable que je l'imite dans les semaines qui viennent. Je pense que ce sera agréable de rentrer à La Rochelle, comme ça, le samedi et le dimanche, et ça fera plaisir à ma mère… Puis le voyage en train n'est pas trop long, donc pas de soucis de ce côté-là. Mais ce week-end je voulais rester ici, toute seule, pour vraiment continuer de m'ancrer dans l'ambiance. Je travaillerai un peu moins que dans la semaine, je me promènerai encore un petit plus, et puis je ferai du net avec moins de modération. Oui, c'est le petit souci cela, le Net… Maintenant je partage l'ordinateur avec Greg, alors je fais plus attention à ne pas laisser traîner les textes de mon journal, ni les fichiers ni tout ce qui va avec : j'efface tout systématiquement. Eh oui, j'efface, dès que ma nouvelle entrée est expédiée sur le serveur je l'envoie à la corbeille, puis je vide la corbeille. En espérant que je ne ferai pas de fausses manips…
Bien, voilà, j'ai raconté mes débuts à Paris, et à partir de mon prochain texte je pourrai reprendre mon journal au jour le jour, sans faire de retour en arrière. Et il faudra bien sûr que je cause un peu de Julie…

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