Voilà une
semaine que je vis à Paris, et tous les
jours je pars en voyage en bas de chez moi, pour
quelques heures. Je m'en vais promener mon chien
au hasard des rues et je reviens la tête
pleine d'images, de sons et d'odeurs. Moi qui
pensais que La Rochelle était la plus belle
ville du monde, eh bien je me suis trompée,
en fait La Rochelle n'est que la numéro
deux
Et juste devant il y a Paris. Bien
sûr ici, il n'y a pas l'océan ni
les vagues de ma chère ville. Mais par
contre il y a la Seine, des gens du monde entier,
des bâtiments vieux comme tout, et des millions
d'habitants qui s'agitent, chacun à leur
place dans cet immense décor.
Aujourd'hui, je suis allée à Montmartre.
Je n'y avais encore pas mis les pieds car dans
la liste des quartiers dont j'avais entendu parler
avant d'arriver ici, celui-ci me paraissait le
plus charmant. Alors autant le garder pour la
fin, une fois que la liste serait épuisée.
Sur cette liste il y avait bien sûr la Tour
Eiffel, l'arc de Triomphe, les Champs Elysées,
le quartier latin,
Et aujourd'hui Montmartre,
dont j'avais si souvent entendu parler dans les
romans et les chansons. Les très vielles
chansons, celles de Bruant ou de Gaston Couté,
qui parlaient de la rue, des filles et des bourgeois.
A l'époque il n'y avait qu'un seul juge
pour les artistes : c'était le peuple,
les gens qui traînaient dans les cabarets.
Pas de piston, pas d'argent, il fallait forcément
être bon pour réussir, et tout cela
ça se passait à Montmartre, le quartier
parisien par excellence.
Alors j'y suis allée. A pied bien sûr,
avec mon chien, d'ailleurs nous n'habitons pas
si loin que ça
Je remonte la rue
d'Amsterdam jusqu'à la place Clichy, puis
je prends le boulevard jusqu'à la place
Pigalle. Ce quartier est incroyable : c'est l'empire
du sexe ! Tous les trois mètres un sex
shop, un cinéma porno, un musée
de l'érotisme, un sexotron, le tout décoré
de femmes en maillot de bain pour les plus cleans,
et complètement à poil pour les
moins cleans. Avec quelques kebabs, quelques vendeurs
de sac à main, quelques joueurs - voleurs
- de carte
Ca ne m'étonne pas que
la réputation de ce quartier soit répandue
bien au-delà de la ville et même
du pays, d'ailleurs cette semaine, alors que je
marchais à l'autre coin de la ville, un
chauffeur de voiture italien m'a interpellée
: " siouplé ! Pigalle ? ". Bah
j'en sais rien moi, je lui ai vaguement indiqué
le nord de la ville, mais il n'était pas
rendu le pauvre gars, on était à
l'opposé ! Si ça se trouve il cherche
encore.
Ensuite j'ai attaqué la butte de Montmartre,
en évitant les rues trop fréquentées
car je voulais un peu de tranquillité.
C'est vrai que ces rues pavées, ces escaliers
très raides en pierre, ces vielles maisons,
ça a beaucoup de charme. En plus de temps
en temps, quand la vue était dégagée,
je me retournais et je voyais Paris à mes
pieds, un peu comme si j'en étais la Reine,
et j'imaginais ces trois millions de personnes
éparpillées dans toutes ces rues
qui s'étalaient. Je me disais là-bas
si ça se trouve, y a un gars qui joue de
la musique, là-bas une femme qui accouche
et qui n'oubliera jamais cette seconde, là-bas
un couple qui fait l'amour, là-bas un vieux
qui se fait taper
tout ça c'est beau,
et j'en avais une sacrée vue d'ensemble.
Quelquefois aussi, je tombais sur un petit morceau
d'endroit qui me replongeait dans le passé.
Genre un petit coin de rien du tout sans voiture,
sans cabine téléphonique et sans
parabole. Alors, pendant quelques secondes, j'arrivais
à me convaincre que j'étais dans
le Paris d'il y a cinquante ans. Mais ça
ne durait pas longtemps, et le reste de ma promenade
m'a un peu déçue. Le reste, c'est
par exemple la place du Tertre, dont j'avais entendu
parler des milliers de fois. On m'avait par exemple
raconté que le peintre Dali y traînait
souvent. Mais qu'ai-je vu ? Des tables de restaurant
qui envahissaient la place, et des peintres prêts
à tout pour vous faire le portrait (payant,
bien sûr)
Ensuite le Sacré-Cur.
Je l'avais déjà aperçu à
plusieurs reprises en me promenant, et c'est vrai
qu'il est grandiose. Le plus joli monument de
culte que j'aie vu de ma vie, après la
cathédrale Saint Louis de La Rochelle.
Mais il y avait un monde fou. Tout cela n'avait
plus rien à voir avec ce que je m'étais
imaginé.
Mince alors ! Où sont-ils les grands peintres
de Montmartre ? Ce ne sont quand même pas
ces types qui vous collent au cul pour vous faire
le portrait ! Et les petits cafés où
venaient les philosophes d'autrefois, je ne les
ai pas vus non plus ! Je n'ai vu que des restaurants
très chers, très surchargés,
animés par des serveurs qui couraient dans
tous les sens. Si Dali voyait ça, sûr
qu'il irait se choisir un autre quartier pour
discuter avec ses potes.
Et le fameux petit joueur à l'accordéon
et à la casquette, qui gagne son pain en
vendant sa musique, où est-il ? Je ne m'attendais
bien sûr pas à le trouver, je sais
très bien que ce n'est qu'une vielle image
dépassée, mais à la place
j'ai vu une bande de six Chiliens, qui avaient
un grand sourire sur les lèvres, qui chantaient
et dansaient en s'amusant, habillés de
leurs panchos multicolores, c'est vachement pitorresque
de Montmartre ça
Et les touristes
qui les couvraient d'argent
En plus ils
vendaient des disques et des cassettes
C'est
nul. Moi j'aurais préféré
entendre un petit gars qui aurait joué
de l'accordéon tellement tristement que
ça m'aurait fait chialer de bonheur, et
je lui aurais jeté une petite pièce,
et il aurait été heureux
je
sais, je suis en plein rêve, je vis dans
mes illusions. Mais la réalité est
bien moche, parfois.
Je suis allée à Montmartre, je n'y
retournerai plus.
J'ai préféré le quartier
de Strasbourg-Saint Denis. J'y étais passée
lundi dernier, pour ma première sortie,
et je faisais très attention à moi
car c'est un peu le centre de la fourmilière,
là-bas. J'ai adoré cette atmosphère
un peu sale, on voit bien que le niveau de vie
n'est pas très élevé, et
je devrais avoir honte de dire que j'ai pris du
plaisir à regarder ce spectacle, alors
que si je m'y plongeais pour de bon je m'apercevrais
bien vite que c'est beaucoup moins joyeux que
ça n'en l'air. Aux fenêtres des premiers
étages je voyais des ateliers de couture,
où des femmes travaillaient par dizaines,
dans les rues des hommes trimballaient des vêtements
sur des petites carrioles à roulettes,
ils se parlaient dans une langue que je ne connaissais
pas, certains avaient le sourire, d'autres semblaient
pressés et inquiets. C'est le Sentier,
et c'est beau. J'ai beaucoup aimé cet endroit,
même si ce n'est pas le genre de lieux où
j'aimerais traîner la nuit.
Mon chien, il s'en fiche complètement de
tous ces petits coins. La Rochelle ou Paris, Montmartre
ou Saint Lazare, je pense qu'il ne fait aucune
différence. Car finalement pour mon chien,
il n'y a que deux endroits : là où
je suis, et là où je ne suis pas.
Avec tout ça je n'ai encore pas parlé
de Julie. Demain.
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