Le 22 décembre,
mon père revenait pour une semaine de son
long voyage sur l'océan. Ca m'a fait un
immense plaisir, et pendant une semaine il n'a
pas arrêté de me faire rire. Personne
ne me fait plus rire que mon père, même
si quelquefois il ne le fait pas exprès.
Il se moque de lui-même et j'adore ça.
Et quand il a un petit coup dans le nez c'est
encore mieux. Mais il n'est resté qu'une
semaine, le 29 il repartait pour deux autres mois.
Enfin
le tiers du voyage est fait
Et puis il m'a rapporté un beau souvenir
du Canada où il a fait escale, une espèce
de gourde en peau de je ne sais quoi, avec un
dessin du grand Nord et des caribous dessus, le
pur cliché mais ça m'a quand même
fait plaisir.
Le 25 c'était Noël.
Le 26 j'ai commencé à faire quelques
malaises assez sérieux et à avoir
terriblement mal au ventre. Diagnostic : crise
d'appendicite. Chouette ! Juste après ma
grippe carabinée, ça ne pouvait
pas mieux tomber. Mon petit corps n'est pas près
d'oublier ce mois de décembre 2002 ! Le
soir je me suis faite opérer et j'en étais
bonne pour rester plusieurs jours à l'hôpital,
clouée au lit. Genre pour parcourir les
trois mètres qui séparaient mon
lit du couloir, il me fallait cinq minutes, et
encore j'étais aidée par une infirmière.
Et ce dans d'atroces souffrances. Non pour les
souffrances j'en rajoute, en fait une fois que
l'opération est faite c'est très
supportable, je crois même que je ressentais
moins de douleurs que pendant ma grippe. Mais
ça me fait drôle de penser que si
j'étais née il y a deux siècles,
eh bien je serais morte la semaine dernière.
Et mon pauvre petit journal intime sur le Net
serait resté à l'abandon.
Mais le plus important de toutes ces vacances,
c'est la venue de mes cousins, et en particulier
de Greg, l'aîné de vingt et un ans,
car il a changé ma vie pour les mois à
venir. Alors je vais bien insister sur tout ça.
Greg et sa famille sont arrivés chez nous
le 25. Sa famille, ce sont mon oncle, ma tante,
lui, et sa petite sur qui a mon âge.
Autant le fil ne passe pas très bien entre
elle et moi, autant avec Greg on s'entend comme
si on s'était fait. Je ne connais personne
du même âge que lui, vingt et un ans,
mais j'ai quand même l'impression qu'il
est en avance par rapport aux autres. On ne se
voit guère que deux ou trois fois par an,
à l'occasion des fêtes ou anniversaires,
mais chaque fois on a plusieurs discussions passionnantes,
et moi qui n'aime pas recevoir de conseils en
général, venant de lui je suis toujours
demandeuse. Il fait partie des personnes qui m'ont
été très importantes après
la mort de ma sur. Car c'était quelqu'un
de ma famille, sans être trop proche non
plus, quelqu'un de concerné, mais de loin.
On s'écrit des lettres, de temps en temps,
pendant un moment on écrivait même
un roman à deux, chacun notre tour un chapitre.
C'était un roman romain, c'est à
dire qu'il se passait à Rome. Et on a réussi
à le terminer : trente chapitres en tout
! En venant il avait même pensé à
m'offrir un cadeau, j'avais honte car moi je n'y
avais pas pensé du tout, mais il faut dire
que c'est la première fois qu'il me fait
ça, il m'a prise de court ! Il m'offrait
l'Adolescent de Dostoïevski, seul livre de
cet auteur que je n'avais pas encore lu, et dont
je lui avais parlé cet été.
Je l'ai lu, c'est chouette, mais je préfère
l'Idiot, celui dans lequel l'héroïne
s'appelle Aglaia. Enfin bref, tout ça pour
dire qu'entre lui et moi, le courant passe à
merveille.
Evidemment les joyeusetés n'ont pas été
très longues à cause de ma crise
d'appendicite. Mais tout ce monde qui était
sous mon toit pendant que je me morfondais à
l'hôpital venait très souvent me
rendre visite, alors je ne me plains pas.
Des copines sont aussi venues me voir. Un jour,
trois filles de ma classe ont passé l'après-midi
dans ma chambre, j'ai vraiment beaucoup apprécié.
Et le lendemain l'une d'elles est revenue, c'est
incroyable
Elle et moi on s'entend bien
mais c'est tout, on n'a jamais eu l'occasion de
faire beaucoup de choses ensemble. Et je me suis
aperçue à ce moment-là que
finalement, elle m'aimait peut-être plus
que d'autres filles avec qui je passe beaucoup
plus de temps. C'est peut-être vrai que
les véritables amis, on les découvre
dans la douleur et non dans la joie. D'ailleurs
Noémie n'est même pas venue, elle.
Mais je pense qu'elle n'était pas au courant,
enfin j'espère
Mathieu non plus n'était
pas au courant. Je ne voulais surtout pas appeler
ni l'un ni l'autre, mais je suis certaine que
Mathieu serait venu dans l'heure s'il l'avait
appris. Même si je ne comprends pas toujours
le petit jeu qu'il a joué avec Noémie
et moi, je sais que c'est un gars bien, avec des
mauvais côtés comme tout le monde
et surtout comme les gars, mais quelqu'un de bien
quand même.
Mais la visite la plus importante que j'ai reçue
c'est celle de Greg. Il a passé plusieurs
heures avec moi et à la fin j'ai pris une
grande décision.
Au début on parlait de choses et d'autres,
de l'Adolescent que je venais d'ingurgiter (il
faut bien s'occuper quand on est cloué
au lit), de sa vie, tout ça
Depuis
le mois de septembre il vit dans un appartement
à Paris, études obligent. Lui qui
est poitevin, ça a dû lui faire bizarre
d'arriver là-bas. Poitiers c'est incroyablement
mort comme ville, du moins ce que j'en connais
Il m'a raconté que malgré tout il
s'y plaisait très bien, là-haut
à Paris. Et peu à peu je me suis
confiée à lui. Il y avait longtemps
que je ne l'avais pas fait si ce n'est sur ce
journal, mais ici je me parle un peu toute seule,
il faut bien l'avouer. Julie je lui disais tout
mais elle n'était plus là depuis
plusieurs semaines, alors c'est Greg qui m'a écoutée.
Je lui ai raconté tout ce que j'avais vécu
depuis cet été, Olivier, Alain,
Julie, et surtout Mathieu et Noémie, une
sorte de résumé de tout ce que j'ai
écrit depuis que j'ai commencé ce
journal. Je crois que ça l'a beaucoup étonné,
pas Julie ni mes déboires avec Mathieu,
non, tout ça il l'a déjà
vu d'une manière ou d'une autre, c'est
surtout l'épisode d'Alain qui lui a fait
bizarre. On a parlé de ma sur
Elle avait le même âge que lui, il
l'a donc très bien connue, et moi dans
mon lit d'hôpital toute douloureuse, à
remuer tous ces souvenirs, je me suis mise à
pleurer. Je n'aime pas du tout pleurer devant
quelqu'un mais parfois je ne peux pas me contrôler,
même si c'est assez rare. Il m'a annoncé
que selon lui, il fallait que je change de vie
de façon brutale, que je reparte sur autre
chose de complètement nouveau, en somme
que je me détourne de tous ces petits soucis
qui me rongent à longueur de journées.
Mais comment ? Il m'a proposé de venir
habiter chez lui à Paris
" Impossible
", lui ai-je répondu
La suite demain. Je ne fais pas ça pour
faire planer le suspense, mais c'est que je n'aime
pas écrire trop d'un coup, je sais que
sur la fin je fais moins attention à ce
que j'écris, et puis un trop long texte
c'est lassant pour tout le monde.
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