journal intime
98 _ Dimanche 9 février 2003

Je sors avec David

La vie est belle, je vous le dis. Les jours passent, c'est sûr, et on vieillit à vue d'œil. Mais chaque seconde qui passe est comme un cadeau. Je vois d'ici le sourire moqueur des pessimistes convaincus qui doivent me dire en pensée " attends tu as encore le temps d'en baver ". Pourtant, je déclare avec Aragon que " le bonheur existe ailleurs que dans le rêve ". Et pour moi le bonheur n'est pas une terre inconnue et lointaine, à laquelle on parvient après des années d'efforts et de coups durs.
Après avoir éteint mon ordinateur hier, j'ai voulu sortir. Et puis non, pas tellement envie que ça dans le fond. Plutôt envie de rester à glander chez moi. Et puis si, c'est mauvais de rester entre quatre murs, et surtout il fallait que je " passe à l'action ". Alors je suis sortie avec mon chien pour aller chez David. D'ailleurs mon chien, lui, il est toujours partant pour aller respirer l'air du dehors, même pollué de Paris. J'arrive là-bas, j'appuie sur la sonnette, je me présente et je monte l'escalier. Manque de chance il n'était pas tout seul, d'ailleurs il n'est jamais tout seul. Heureusement, la personne qui était chez lui était sur le point de partir, et bientôt je me retrouvai seule avec David. On a parlé un peu mais je lui ai rapidement demandé " tu fais quoi ce soir ? " Il a semblé étonné de ma question. C'est vrai, les gens ne sont pas habitués à ce qu'on leur parle directement sans y aller par quatre chemins, alors ça leur fait drôle quand ça arrive. Il n'est pas timide et pourtant il a bredouillé " beh… je sais pas, j'comptais passer chez un pote mais je sais pas… " Alors je lui ai dit " ça te dirait qu'on sorte quelque part ? " Encore plus étonné il me fait " ouais… beh ouais… " Eh eh… J'avais raison d'avoir confiance en moi, dès lors j'étais sûre que c'était gagné.
Il m'a demandé où je voulais aller, je lui ai répondu que c'était lui le Parisien. Je sais c'est la réponse facile quand on n'a pas d'idées, et en général ça met l'autre dans l'embarras, mais parfois c'est le but…
Nous sommes restés encore une heure à parler puis on est allé vers la Bastille, dans un bar dansant de sa connaissance. Sans mon chien bien sûr… Pauvre Adonis, il ne sait pas qu'il y a des endroits où sa présence est indésirable. David n'aime pas danser et moi non plus, ça tombe bien, alors on est resté debout au bar. Au fil de la soirée le bar se remplissait et le volume de la musique augmentait. Les fêtards du samedi soir étaient de sortie. Des copains de David sont hélas arrivés, par hasard. Ah les lourds ! Apparemment ils n'ont pas vu qu'ils nous cassaient les pieds, qu'on aurait préféré rester rien que tous les deux, il y a des gens qui sont vraiment très patauds. Au bout d'un moment David m'a dit à l'oreille : " on se casse ? " J'ai adoré ce moment où il a parlé à mon oreille. Effectivement on s'est cassé, poliment mais cassé quand même.
On est quand même resté dans les parages de la Bastille, mais plus loin de l'animation générale. Et là, par le plus absolu des hasards, on s'est retrouvé à passer devant ce petit bar paumé dans lequel je m'étais déjà arrêtée, un soir où je me promenais seule, où le patron m'avait gentiment offert le deuxième café. Le lieu n'avait pas changé : un peu cradingue, assez peu de clients mais tellement vivants que leur présence rayonnait jusque sur le trottoir. Tous des habitués je suppose. Nous voilà dedans. Je me suis dirigée vers cette même banquette où je m'étais déjà assise, car il y a des petits signes comme ça qu'il faut savoir repérer. Je sens encore le petit sourire moqueur des pessimistes convaincus, tant pis pour eux. C'était vraiment chouette, dix fois plus que dans le lieu de fête qu'on avait quitté un quart d'heure auparavant. La banquette était longue mais je me suis serrée contre David, au cas où il n'aurait pas encore compris ce que je voulais, mais à mon avis il l'avait compris depuis longtemps. On parlait comme ça, tout ce qu'il me disait me faisait rire, mais il faut dire que j'avais bu un peu. Des clients charriaient le patron dans une langue inconnue de moi, mais leurs gestes parlaient d'eux-mêmes. Je me suis jetée à l'eau, j'ai regardé David dans les yeux et j'ai attendu voir s'il ferait un mouvement. Il a approché son visage et on s'est embrassés. C'était beau. Et on n'a pas arrêté de se faire des bisous pendant une heure. Du coup on ne disait plus rien…
On est rentré chez lui en se tenant par la main. Arrivés là-bas on a continué de s'embrasser, on a fait l'amour, au moins on n'a pas perdu notre temps en bavardages inutiles. La nuit a été magnifique.
C'est pour cela que je dis que la vie est belle. Je sais bien que ce n'est pas toujours vrai, que demain est un autre jour et que peut-être il sera moins beau. Mais peu importe demain, on devrait toujours se contenter d'aujourd'hui. Facile à dire je sais, surtout quand aujourd'hui est parfait. Si ça se trouve dans un mois, en relisant ce texte, je me dirai que je suis la dernière des imbéciles. Tant pis.
Je ne me rappelle plus à quelle heure je me suis réveillée ce matin. Il n'y a pas vraiment eu de nuit ni de matin, avec David on n'a pas beaucoup dormi… Et pourtant je suis en pleine forme.
Je suis sortie promener mon chien, et me voilà à écrire ce texte dans la précipitation. J'ai rarement écrit aussi vite depuis que je tiens ce journal. Je sens que la semaine qui vient va être magnifique. Tous les jours vont ressembler à cette nuit que je viens de passer, c'est certain. Alors je ne suis pas sûre de pouvoir écrire régulièrement. J'essaierai de venir me connecter, car j'aime bien la solitude malgré tout, et j'aime bien écrire, j'adore même, mais ça risque d'être plus difficile cette semaine. Peu importe.
Je suis après me demander si je ne vais pas parler de l'existence de ce journal à mon cousin. D'abord parce que ce n'est pas marrant de toujours attendre qu'il soit couché pour écrire, et surtout parce que j'ai une petite idée derrière la tête vis-à-vis de ce site, et que j'ai pour cela absolument besoin de l'aide d'une tierce personne. Je vais voir…
Zioup !

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