La vie est belle,
je vous le dis. Les jours passent, c'est sûr,
et on vieillit à vue d'il. Mais chaque
seconde qui passe est comme un cadeau. Je vois
d'ici le sourire moqueur des pessimistes convaincus
qui doivent me dire en pensée " attends
tu as encore le temps d'en baver ". Pourtant,
je déclare avec Aragon que " le bonheur
existe ailleurs que dans le rêve ".
Et pour moi le bonheur n'est pas une terre inconnue
et lointaine, à laquelle on parvient après
des années d'efforts et de coups durs.
Après avoir éteint mon ordinateur
hier, j'ai voulu sortir. Et puis non, pas tellement
envie que ça dans le fond. Plutôt
envie de rester à glander chez moi. Et
puis si, c'est mauvais de rester entre quatre
murs, et surtout il fallait que je " passe
à l'action ". Alors je suis sortie
avec mon chien pour aller chez David. D'ailleurs
mon chien, lui, il est toujours partant pour aller
respirer l'air du dehors, même pollué
de Paris. J'arrive là-bas, j'appuie sur
la sonnette, je me présente et je monte
l'escalier. Manque de chance il n'était
pas tout seul, d'ailleurs il n'est jamais tout
seul. Heureusement, la personne qui était
chez lui était sur le point de partir,
et bientôt je me retrouvai seule avec David.
On a parlé un peu mais je lui ai rapidement
demandé " tu fais quoi ce soir ? "
Il a semblé étonné de ma
question. C'est vrai, les gens ne sont pas habitués
à ce qu'on leur parle directement sans
y aller par quatre chemins, alors ça leur
fait drôle quand ça arrive. Il n'est
pas timide et pourtant il a bredouillé
" beh
je sais pas, j'comptais passer
chez un pote mais je sais pas
" Alors
je lui ai dit " ça te dirait qu'on
sorte quelque part ? " Encore plus étonné
il me fait " ouais
beh ouais
" Eh eh
J'avais raison d'avoir confiance
en moi, dès lors j'étais sûre
que c'était gagné.
Il m'a demandé où je voulais aller,
je lui ai répondu que c'était lui
le Parisien. Je sais c'est la réponse facile
quand on n'a pas d'idées, et en général
ça met l'autre dans l'embarras, mais parfois
c'est le but
Nous sommes restés encore une heure à
parler puis on est allé vers la Bastille,
dans un bar dansant de sa connaissance. Sans mon
chien bien sûr
Pauvre Adonis, il ne
sait pas qu'il y a des endroits où sa présence
est indésirable. David n'aime pas danser
et moi non plus, ça tombe bien, alors on
est resté debout au bar. Au fil de la soirée
le bar se remplissait et le volume de la musique
augmentait. Les fêtards du samedi soir étaient
de sortie. Des copains de David sont hélas
arrivés, par hasard. Ah les lourds ! Apparemment
ils n'ont pas vu qu'ils nous cassaient les pieds,
qu'on aurait préféré rester
rien que tous les deux, il y a des gens qui sont
vraiment très patauds. Au bout d'un moment
David m'a dit à l'oreille : " on se
casse ? " J'ai adoré ce moment où
il a parlé à mon oreille. Effectivement
on s'est cassé, poliment mais cassé
quand même.
On est quand même resté dans les
parages de la Bastille, mais plus loin de l'animation
générale. Et là, par le plus
absolu des hasards, on s'est retrouvé à
passer devant ce petit bar paumé dans lequel
je m'étais déjà arrêtée,
un soir où je me promenais seule, où
le patron m'avait gentiment offert le deuxième
café. Le lieu n'avait pas changé
: un peu cradingue, assez peu de clients mais
tellement vivants que leur présence rayonnait
jusque sur le trottoir. Tous des habitués
je suppose. Nous voilà dedans. Je me suis
dirigée vers cette même banquette
où je m'étais déjà
assise, car il y a des petits signes comme ça
qu'il faut savoir repérer. Je sens encore
le petit sourire moqueur des pessimistes convaincus,
tant pis pour eux. C'était vraiment chouette,
dix fois plus que dans le lieu de fête qu'on
avait quitté un quart d'heure auparavant.
La banquette était longue mais je me suis
serrée contre David, au cas où il
n'aurait pas encore compris ce que je voulais,
mais à mon avis il l'avait compris depuis
longtemps. On parlait comme ça, tout ce
qu'il me disait me faisait rire, mais il faut
dire que j'avais bu un peu. Des clients charriaient
le patron dans une langue inconnue de moi, mais
leurs gestes parlaient d'eux-mêmes. Je me
suis jetée à l'eau, j'ai regardé
David dans les yeux et j'ai attendu voir s'il
ferait un mouvement. Il a approché son
visage et on s'est embrassés. C'était
beau. Et on n'a pas arrêté de se
faire des bisous pendant une heure. Du coup on
ne disait plus rien
On est rentré chez lui en se tenant par
la main. Arrivés là-bas on a continué
de s'embrasser, on a fait l'amour, au moins on
n'a pas perdu notre temps en bavardages inutiles.
La nuit a été magnifique.
C'est pour cela que je dis que la vie est belle.
Je sais bien que ce n'est pas toujours vrai, que
demain est un autre jour et que peut-être
il sera moins beau. Mais peu importe demain, on
devrait toujours se contenter d'aujourd'hui. Facile
à dire je sais, surtout quand aujourd'hui
est parfait. Si ça se trouve dans un mois,
en relisant ce texte, je me dirai que je suis
la dernière des imbéciles. Tant
pis.
Je ne me rappelle plus à quelle heure je
me suis réveillée ce matin. Il n'y
a pas vraiment eu de nuit ni de matin, avec David
on n'a pas beaucoup dormi
Et pourtant je
suis en pleine forme.
Je suis sortie promener mon chien, et me voilà
à écrire ce texte dans la précipitation.
J'ai rarement écrit aussi vite depuis que
je tiens ce journal. Je sens que la semaine qui
vient va être magnifique. Tous les jours
vont ressembler à cette nuit que je viens
de passer, c'est certain. Alors je ne suis pas
sûre de pouvoir écrire régulièrement.
J'essaierai de venir me connecter, car j'aime
bien la solitude malgré tout, et j'aime
bien écrire, j'adore même, mais ça
risque d'être plus difficile cette semaine.
Peu importe.
Je suis après me demander si je ne vais
pas parler de l'existence de ce journal à
mon cousin. D'abord parce que ce n'est pas marrant
de toujours attendre qu'il soit couché
pour écrire, et surtout parce que j'ai
une petite idée derrière la tête
vis-à-vis de ce site, et que j'ai pour
cela absolument besoin de l'aide d'une tierce
personne. Je vais voir
Zioup !
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