Les touristes
qui viennent à La Rochelle arrivent dans
l'après-midi, garent leur voiture près
du centre-ville, se choisissent un petit restaurant
de fruits de mer sur le vieux port, puis font
le tour du bassin à pied. L'été
ils en profitent pour regarder les artistes qui
jouent leur numéro au bord de l'eau. Puis
ils regagnent leur hôtel, avant de s'en
aller le lendemain matin pour l'île de Ré.
Tout ça c'est bien joli mais ils passent
à côté de l'essentiel : le
port de commerce, qu'on appelle La Pallice. Après
deux mois de vie parisienne il me manquait, alors
on y est allé hier matin avec mon père,
mon petit frère et mon chien. C'est un
très bel endroit, enfin selon les goûts
C'est mort, il y a quelques usines si immobiles
qu'elles paraissent mortes alors qu'elles tournent
jour et nuit, de grandes étendues de pelouse
jaunie, des chaussées en béton où
il ne passe jamais personne, des rails par-ci
par-là pour le transport des marchandises,
la mer en bas et le vent. En face on a la grande
plate-forme en eaux profondes qui est le cur
du port, et derrière le pont immense et
très haut qui va sur l'île. La route
du pont est hyper fréquentée, et
pourtant à sa base il n'y a que deux hôtels
qui se battent en duel, et puis plus rien. Pas
une mobylette, pas un bistrot, la zone. Et moi
j'adore. Certains lecteurs me demandent parfois
ce que je veux faire plus tard, et je suis bien
embêtée car je n'en sais rien. Mais
hier j'ai trouvé : quand je serai grande
je voudrais travailler au port. Enfin pas sûr,
j'hésite entre ça, infirmière,
poétesse, ou gangster. Il va falloir que
je me décide. Merci de ne plus me poser
la question, elle m'ennuie beaucoup.
Plus tard dans l'après-midi mon père
m'a emmenée à la gare afin de prendre
mon train pour la capitale. D'habitude quand on
va tous les deux à la gare, c'est lui qui
a un train à prendre. Ca fait bizarre quand
c'est l'inverse, mais c'est normal, le temps passe
et la roue tourne, je suis adulte maintenant.
Le train. J'étais en seconde classe, avec
un bon bouquin, que je n'ai pas ouvert, tranquille.
Je crois que j'ai dormi car le temps a passé
très vite, malgré un changement.
Paris-Montparnasse. J'étais en queue de
TGV : trois bornes de marche à pied. Heureusement
David m'attendait au bout du quai. On s'est serré
dans les bras l'un de l'autre et il m'a fait des
bisous dans le cou en me disant " tu sens
bon ". La soirée commençait
enfin. Il a fallu récupérer mon
chien qui voyageait dans le wagon spécial
animaux. D'ailleurs il n'aime pas du tout ça
et je le comprends, moi non plus je n'aimerais
pas voyager dans le wagon spécial animaux
: il est entièrement non fumeur.
Le métro. Encore une fois avec mon chien,
un jour ou l'autre je vais me chopper une amende.
Mais hier ça allait, il y avait énormément
de monde alors Adonis passait complètement
inaperçu. On est allé se blottir
dans un coin et avec David on s'est embrassé
pendant tout le trajet. C'est marrant, à
chaque arrêt on manquait de tomber à
la renverse, mais ça ne faisait que nous
rapprocher l'un contre l'autre, déjà
qu'il y avait peu d'espace
On est allé directement à l'appartement.
En fait ce n'était que provisoire : en
principe je devais y déposer mon sac avant
de repartir chez lui pour la nuit, juste le temps
de laisser un petit mot à mon cousin. Mais
j'ai posé mon sac et je me suis allongée
sur mon lit, histoire de prendre quelques forces
après ce voyage épuisant. David
s'est allongé à côté
de moi, on s'est embrassé, et bien malgré
nous, nous avons plongé dans le stupre
et la fornication (quelle phrase !) Il faut dire
qu'après deux journées d'abstinence
la tentation est forte, surtout allongés
sur un lit, surtout le soir. Mon Dieu pardonnez-nous
de ne pas freiner nos instincts, comme nous vous
pardonnons toutes vos saloperies dans le monde.
Epuisés mais ravis, on s'est endormis (eh
ça rime !). C'est la porte qui m'a réveillée
: mon cousin qui arrivait. J'ai passé un
peignoir rapidement pour aller l'accueillir. Il
était crevé de chez crevé,
il m'a regardée difficilement après
m'avoir fait la bise et m'a dit " excuse-moi
j'ai fait nuit blanche faut que j'aille dormir
". Et je l'ai vu s'éloigner. J'ai
juste eu le temps de lui annoncer : " David
est là ". Il m'a regardée,
a rassemblé ses forces pour comprendre
ma phrase puis a laissé échapper
" où ça ? " " Dans
ma chambre " je lui ai dit. Alors il est
entré dans ma chambre sans frapper, heureusement
que David était sous les draps. Il lui
a serré la main et est parti se coucher,
et on ne l'a plus revu de la soirée.
Puisque j'étais en peignoir je suis allée
sous la douche. David m'a rejoint et encore une
fois, nous avons plongé dans le stupre
et la fornication. Mon Dieu pardonnez-nous, cependant
on a mis une capote, enfin surtout David, ce qui
dans la douche et dans l'excitation relève
de l'exploit.
On s'est rhabillés et nous voilà
dans la rue, en direction de chez David. Avec
quelques détours histoire de promener mon
chien qui avait bien besoin de se dégourdir
les pattes.
Arrivés chez David
non, nous
n'avons pas replongé dans le stupre, on
a mangé, normal. Je lui ai vaguement raconté
mon week-end, il m'a vaguement raconté
le sien, finalement ces deux jours n'ont été
joyeux ni de son côté ni du mien.
Puis on est allé au lit, on a forniqué
un petit peu et on s'est endormi. Epuisés
pour de bon.
Je relis ce texte et je m'aperçois que
c'est un enchaînement de faits. Pourtant
je n'aime pas faire ça, j'aime mieux me
concentrer sur un petit événement
marquant. Mais bon, c'est vrai qu'hier c'était
dimanche, et que le dimanche il y a rarement quelque
chose de marquant.
J'ai rendez-vous avec David et mon cousin à
20H00 à la piscine. Eh oui, vous avez bien
lu, je vais faire du sport. J'ai même ramené
mon maillot de bain de La Rochelle exprès.
Grand moment, je le sens déjà. Je
crois que je vais rester dans le petit bassin
avec les mioches, je préfère quand
j'ai pied. Je sais nager mais bon
si je
peux éviter c'est aussi bien.
A demain.
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