Si j'ai rarement
parlé de Dieu dans mon journal, c'est que
j'ai peu de choses à dire à son
sujet. Certains lui consacrent des bouquins entiers,
mais moi j'ai bien du mal à m'en arracher
quelques lignes. Et pourtant, pendant plusieurs
années, toute ma vie a tourné autour
de Dieu.
J'en ai déjà parlé un peu,
il y a quelques mois, mais je n'ai pas tout dit.
Certaines choses sont si intimes qu'on a bien
du mal à les raconter, même en anonyme,
même à des inconnus, même à
soi-même. Mais aujourd'hui je vais le faire,
suite à un petit événement
vécu cet après-midi. Rien d'exceptionnel,
mais il faut que j'en parle.
J'ai dix-sept ans, j'ai donc été
enfant, puis adolescente, et on peut considérer
que je suis aujourd'hui adulte. Mais le passage
de l'enfance à l'adolescence n'a pas été
facile, loin de là. Et c'est à ce
moment-là que Dieu est entré dans
ma vie, je ne sais pas pourquoi, je n'ai pourtant
pas reçu une éducation spécialement
religieuse, mais j'ai lu de moi-même les
missels et autres bibles, et j'étais obsédée
par ces lectures. Il y a des choses magnifiques
dans la Bible, mais si on la lit de travers, comme
je l'ai fait moi, ces choses magnifiques peuvent
être extrêmement dangereuses.
Vers les douze ans, j'ai commencé à
ressentir mes premières pulsions sexuelles.
Mais le problème, et c'était un
très gros problème, c'est que j'étais
attirée par les filles. Il paraît
que c'est normal, que c'est une peur du sexe opposée,
qui passe avec le temps. D'ailleurs elle est passée,
effectivement. Mais moi je le vivais très
mal à l'époque. Ca a commencé
avant l'adolescence, déjà à
la primaire j'adorais être assise à
la même table qu'une fille avec qui je n'avais
pourtant aucune affinité. Mais ça
s'est amplifié avec les années.
Je le sais bien, il faut s'accepter tel qu'on
est. Si je n'avais pas cru en Dieu je l'aurais
certainement accepté, mais là pour
moi c'était un horrible péché
que d'être attirée par les filles.
Je m'en voulais à mort. Parce que non seulement
je croyais en Dieu, mais j'y croyais selon une
tradition " moyen-âgeuse ", extrémiste.
Par exemple, j'étais persuadée qu'un
Juif ou un Arabe n'avait aucune chance de monter
au Ciel, de même qu'un homosexuel. Alors
je m'en voulais, je culpabilisais et j'avais tellement
honte que je n'osais en parler à personne,
même pas à ma sur.
Cela c'était la première partie
du problème, mais il y en avait une deuxième,
aussi terrible que la première. Quand j'ai
ressenti mes premières pulsions, j'avais
souvent envie de me toucher, comme tout le monde
(enfin je crois). Mais pour moi, cela aussi c'était
formellement interdit. Je ne sais pas d'où
je tirais ses croyances, ce n'est pas écrit
noir sur blanc dans la Bible, mais je crois que
je n'entendais que ce que j'avais bien envie d'entendre.
Toutes les idées reçues qui courent
sur la masturbation je les ai prises pour vraies,
en vrac : ça fatigue, ça rend fou,
ça donne les mains jaunes, c'est un signe
d'impureté, etc etc
Alors je réprimais
mes envies. Le soir dans mon lit je mettais parfois
des heures à m'endormir et les pensées
tournaient à cent à l'heure dans
ma tête. Dès que je pensais à
une fille je m'efforçais de me concentrer
sur autre chose, dès qu'une envie montait
je rallumais la lumière, ou bien je faisais
une prière à la con, ou que sais-je,
c'était infernal. Dans la journée
c'était pareil, je m'interdisais de regarder
trop longtemps une fille. Putain quelle connerie
Quand j'y repense, je sais parfaitement que c'est
justement parce que je m'interdisais de penser
aux filles, que justement j'y pensais tout le
temps. Un peu comme si vous vous privez de manger
un gâteau délicieux, tant que vous
n'y aurez pas goûté vous en crèverez
d'envie, alors que tout serait réglé
si vous satisfaisiez votre faim une bonne fois
pour toutes. J'ai vraiment souffert de cela. Et
les choses ne faisaient que s'empirer, en parallèle
avec la maladie de ma sur. D'un autre côté
je crois que c'est à ce moment-là
que j'ai développé mes facultés
de concentration, car il m'en a fallu bien souvent
pour détourner mes désirs et mes
envies pendant toutes ces années
La mort de ma sur a tout chamboulé
dans ma vie. Mais en bien, pas en mal. Plus ou
moins inconsciemment j'ai complètement
baissé les bras. Un peu comme si je m'étais
dit " putain de vie, j'abandonne tout
" Mais j'ai eu bien raison, c'est la meilleure
chose que je faisais depuis des années.
En abandonnant tout, j'abandonnais entre autres
Dieu, les idées reçues, les "
bonnes valeurs ", et en une seconde tous
les murs sont tombés. Je ne l'ai pas fait
exprès bien sûr, c'est avec le recul
que je l'analyse. Mais dès que j'ai eu
envie de penser à une fille, je ne me gênais
plus. Et surtout
hou
je me suis autorisée
à me masturber pour la première
fois depuis des années, alors que j'en
crevais d'envie à longueur de journées.
Je l'ai fait sans culpabiliser, j'ai adoré,
c'était formidable. Enfin je n'avais plus
de barrière. Géant. Je l'ai fait
une fois, deux fois, allez j'ai dû aller
jusqu'à dix bonnes séances
et l'envie a disparu. Incroyable. Ca m'a démangé
pendant des années, et le jour où
je m'y suis autorisée, l'envie a disparu
d'elle-même. Comme quoi, il faut vraiment
accepter ce qu'on a en nous. Et idem pour les
filles, je ne me suis plus privée de rien
et mon attirance pour le même sexe a disparu.
Envolée en fumée ! ! ! Et cette
année-là j'ai fait l'amour pour
la première fois, et c'était merveilleux,
parce que justement je n'avais plus aucun complexe.
Enfin ça c'est une autre histoire
Je parlais d'un petit événement
en début de texte. Eh bien en fait, mon
attirance pour les filles revient de temps en
temps, très rarement, une ou deux fois
par an à tout casser. C'est incontrôlable,
ça survient toujours par hasard. Cet après-midi
j'étais en avance au bureau de tabac alors
je me suis assise sur une marche pas trop mouillée.
Il y avait un groupe de filles pas loin. J'en
ai vu une
impossible de détacher
mon regard. J'étais paralysée, je
ne regardais plus qu'elle, son visage surtout,
elle avait l'air heureuse, et rien ne comptait
plus pour moi, que cette fille en face de moi.
Ca a bien duré dix minutes, avant que le
groupe ne s'en aille. J'ai hésité
à les suivre, mais je me suis dit que ce
serait une attitude bien vicieuse de ma part alors
je ne l'ai pas fait. Mais ça m'a drôlement
calmée, cette histoire
La dernière fois que ça m'était
arrivé, c'était lors de ma première
nuit chez Julie, dans son appartement à
Mireuil-La Rochelle. Elle s'était endormie
avant moi, et comme je suis toujours très
longue à fermer les yeux, je me tournais
les pouces à côté, dans le
lit. A un moment je l'ai regardée dans
la pénombre, et je me suis imaginée
en train de faire l'amour avec elle. Pendant une
trentaine de secondes. Et d'un seul coup je suis
retombée sur Terre et me suis mise à
penser à autre chose. Mais ça m'avait
bien fait drôle, quand même
Voilà ce que je voulais dire. J'espère
que ce texte n'est pas racoleur, ce n'est pas
son but. Un jour un lecteur m'a écrit :
" Plutôt que de raconter ta vie, tu
ferais mieux de montrer des photos de ton cul,
tu aurais plus de monde et ce serait dans le même
état d'esprit ". Mouais
Ca se
défend, mais je pense que ce serait choisir
la solution de facilité.
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