journal intime
95 _ Mardi 4 février 2003

Un copain

Voilà un mois que je suis à Paris. La ville est belle, c'est sûr, mais parfois je m'ennuie un petit peu. Mon cousin travaille beaucoup, il est rarement là de toute la journée. Le matin je m'occupe avec mes cours et mes bouquins, l'après-midi je sors me balader avec mon chien, mais quand j'ai marché trois bonnes heures dans les rues et que je rentre chez moi, je me tourne un peu les pouces… La télévision m'ennuie beaucoup, alors je lis des livres ou des journaux, mais ça ne fait pas passer le temps bien vite. Il faudrait que je me fasse des amis, des gens de mon âge. Parce que là je ne connais personne. Ce n'est pas évident de rencontrer des gens quand on ne va pas au lycée. Tous ceux que je connais, ce sont les amis de mon cousin, ils ont tous 21 ou 22 ans, alors j'ai souvent un peu de mal. Je les adore tous, et je pense que de leur côté ils ne me voient pas que comme une gamine. Mais j'ai souvent un peu de mal à les suivre.
Ils discutent rarement de leurs études mais quand ça arrive je n'ai plus qu'à me taire. Je n'ai aucune opinion sur les développements limités ni sur les mathématiques booléennes. Heureusement, j'ai quand même quelques point d'accroche avec certains. Je peux parler de musique avec David, on a des goûts semblables, et je peux parler de chiens avec Marine puisqu'elle les adore elle aussi. Mais à part ça… Et puis le problème n'est pas vraiment là, il n'y a pas que les sujets de conversation, il y aussi la façon d'en parler, et je vois bien qu'ils n'ont pas la même façon que moi de causer. Ils sont bien plus mûrs que ceux de mon âge. Quoique Marine m'a dit qu'elle me trouvait très mûre pour mon âge. Mais bon…
Quand je pense qu'à La Rochelle je connaissais des centaines de personnes et que je ne m'en rendais même pas compte. Quand je dis " des centaines " je ne crois pas exagérer. En dix-sept ans, dans une ville de taille moyenne, tu as le temps d'accumuler des connaissances ! Alors qu'ici, au bout d'un mois, c'est à peine si j'en connais une dizaine. Je n'ai même pas d'amie sur qui compter.
Mais surtout, je crois que j'aimerais bien avoir un copain. Après mon aventure avec Mathieu en décembre, je ne voulais plus entendre parler de ça, je voulais juste me cacher dans un coin et attendre, mais on ne peut pas se fuir comme ça éternellement, et je sens bien que ça me manque. C'est quand même bien agréable de penser à quelqu'un, de savoir qu'il pense à vous, de le retrouver et passer du bon temps avec. Et puis il n'y a pas à dire, ça fait du bien de faire l'amour.
Ca fait un petit moment que je suis seule. En septembre j'étais avec Olivier. Aux dernières nouvelles il avait une autre copine… Je ne l'envie pas, il n'était pas marrant tous les jours l'Olivier, mais peut-être qu'elle est comme lui et que ça se passe très bien. Ensuite Alain. Là j'étais vraiment amoureuse par contre. J'adorais me retrouver avec lui. Hélas ce n'était pas réciproque. Enfin si, je pense qu'il adorait lui aussi se retrouver avec moi, mais peut-être pas pour les mêmes raisons. Et puis il n'a pas fait grand chose pour me retenir quand je l'ai quitté. Quelle déception cette aventure ! Hou la la… Enfin non, il ne faut pas exagérer, il y a eu des bons moments et des mauvais, mais tout ne fut pas moche. Et avec le recul, le souvenir est plutôt agréable que désagréable. Et je sais très bien que si par hasard je le croisais dans la rue, aujourd'hui ou demain, je retomberais dans ses bras. Il avait vingt et un ans de plus que moi. Vingt et un, c'est l'âge de David. Je l'adore celui-là. C'est mon préféré parmi la dizaine de personnes que je connais. Enfin non c'est le numéro deux après mon cousin, mais bon mon cousin on ne le compte pas. J'aimerais bien savoir ce que David pense de moi. J'aimerais le lui demander mais ça ne se fait pas, ça craint comme question " que penses-tu de moi ? " Ca ne rime à rien… Il m'a invitée chez lui samedi soir, c'est plutôt bon signe, je pense. Mais peut-être que ça ne veut rien dire. Il faudrait que je demande à mon cousin ce qu'il pense que David pense de moi. Pourquoi pas… Ou bien à Marine, elle est gentille, elle ne se moquera pas de moi, même pas par derrière. Je ne sais pas…
David est vraiment chouette comme gars, surtout son humour, il n'arrête pas de se moquer de tout, et j'adore ça. Tant que ça reste gentil il n'y a pas de mal à se moquer. C'est marrant, il est très calme et très nerveux à la fois, j'aurais bien du mal à le décrire avec exactitude. En plus physiquement il n'est pas mal je trouve. L'autre jour il se regardait dans la glace en faisant la grimace et en répétant qu'il était moche, un peu désabusé… Mais non ! C'est vrai qu'il a très mauvais goût dans le choix de ses vêtements, et c'est vrai qu'il est souvent mal rasé. Mais ce sont des détails…
Je me demande ce que je vais faire, et surtout comment je vais faire. Laisser le temps peut-être, c'est parfois la meilleure méthode. Mais je suis de nature impatiente, et quand je veux quelque chose je n'aime pas bien attendre. Enfin bref.
Excellente nouvelle aujourd'hui : j'ai reçu une carte de Noémie ! ! Ah j'étais contente ! Sur l'enveloppe j'ai tout de suite reconnu son écriture, alors je n'ai pas perdu de temps pour l'ouvrir. Je lui avais envoyé une carte postale très originale de Paris (la Tour Eiffel), alors elle a répondu par une carte postale très originale de La Rochelle : la Tour Saint Nicolas (c'est le dessin en haut à gauche de cette page). Eh eh… Rien que ça c'était plutôt bon signe, une petite touche d'humour. Parce que j'appréhendais un peu, quand même… Mais non, sa carte est très gentille, enfin sans excès non plus, et elle se termine par " reviens vite ". Ah la la c'est beau…
Certains lecteurs m'ont dit que j'étais pleine de courage d'être montée à Paris. D'autres ont sous-entendu que c'était de la lâcheté que de fuir ses problèmes. Tsss… il faudrait que les gens arrêtent de coller une étiquette sur les actes. La vie ce n'est pas du cinéma ! Il n'y a pas une situation initiale, un élément perturbateur, et une situation finale, avec des évènements liés entre eux par des causes et des effets ! La vie est un gros boxon, je suis montée à Paris sur un coup de tête, et je me moque de savoir si c'est du courage ou de la lâcheté.

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