Les journées
se suivent, tranquillement. Je pense très
souvent à Julie, elle me manque terriblement.
Depuis qu'elle est repartie sur Paris avec sa
mère, je me sens bien seule, et j'ai bien
du chagrin quand je pense à elle. J'essaie
d'imaginer sa nouvelle vie : sa chambre, son décor,
son lycée, son nouveau petit chat qu'elle
vient d'adopter, son père
Mardi matin
elle était en larmes au téléphone
et j'ai du mal à l'oublier, même
si depuis les choses semblent s'être arrangées.
Et finalement, pour elle aussi les journées
se suivent, tranquillement.
Je l'admire, quand même. Beaucoup à
sa place, et peut-être moi-même, seraient
abattus. Mais elle tient le coup. Ses parents
s'engueulent à longueur de journées,
aucun des deux ne travaille, mais elle continue
malgré tout de mener sa vie normalement.
Bien sûr elle n'est pas indifférente
à ce qui se passe, bien sûr mardi
matin elle était au fond du gouffre, mais
elle s'en sort et jour après jour au téléphone
je la sens redevenir joyeuse. Parfois je l'entends
qui rit et ça me fait plaisir.
Mardi matin quand elle m'a appelée elle
était en sanglots, et moi toute la journée
je n'ai plus pensé qu'à ça.
Je ne suis pas rentrée dans les détails
dans le texte que j'ai écrit sur jour-là
car j'avais trop de peine. Mais maintenant que
les choses vont mieux je peux le dire, ce qu'elle
m'a raconté.
Tout allait bien pour elle, lundi. Jusqu'à
ce que son père arrive, vers minuit. Et
même quand il est arrivé tout allait
bien encore, pendant une heure ou deux
Il
avait l'air content de retrouver sa femme et sa
fille après si longtemps. Il a dit à
Julie qu'il n'avait cessé de penser à
elle pendant tout ce temps. C'est peut-être
vrai, qui sait
Et puis ils ont discuté
un peu, ils avaient tant de choses à se
raconter. Mais l'ambiance était tendue,
les paroles n'étaient pas sincères
de part et d'autre (là c'est moi qui extrapole
un peu d'après ce que Julie m'a raconté).
Et puis les mots ont commencé à
fuir de travers. C'est la mère qui a enclenché
les choses, mais il faut la comprendre car si
quelqu'un souffre dans l'histoire, c'est bien
elle. Elle a demandé à son mari
comment il voyait l'avenir proche, le travail,
sa famille, tout ça
Au début
il faisait la sourde oreille ou bien évitait
de répondre, mais peu à peu il fini
par s'exaspérer. Et comme sa femme renchérissait
il s'est mis en colère, et voilà,
ils se sont disputés pendant des heures.
Il paraît qu'ils hurlaient dans l'appartement,
que Julie avait honte en se disant que les voisins
devaient tout entendre. Elle n'intervenait pas,
elle regardait, c'est tout. Puis son père
est devenu insultant, il a dit à sa femme
des choses du genre " De toutes façons
je sais très bien ce que tu faisais à
La Rochelle, t'avais des amants ! " N'importe
quoi. Et il l'a traitée de salope et de
traînée. Il devenait presque méchant
et Julie a eu peur qu'il devienne violent, mais
il est parti en claquant très fort la porte.
Alors sa mère s'est assise effondrée
en pleurant et encore une fois, c'est Julie qui
a dû la consoler.
Mais julie, elle, qui va la consoler ? Son père
? Il ne sait répandre que le mal autour
de lui. Sa mère ? C'est la plus accablée
de toutes. Il ne reste plus que le petit chaton
qu'elle vient d'adopter. Bon, c'est toujours mieux
que rien. Mais un chaton ça ne répond
pas. Alors on passe énormément de
temps au téléphone, tous les soirs.
Tout à l'heure on a discuté une
heure durant. Mais le téléphone
ce n'est pas gratuit alors quand j'ai raccroché
ma mère m'a dit " il faudrait essayer
de faire plus court, la prochaine fois
"
J'étais tellement outrée qu'elle
me dise une chose pareille que je n'ai rien répondu.
Mais elle a vu ma tête et a rectifié
: " Oui enfin t'inquiète pas, vous
pouvez parler quand même
" Ben
ouais, ma mère a autant de chagrin que
moi pour ce qui arrive. La mère de Julie
est quand même son amie d'enfance. D'ailleurs
elle a tout fait pour la convaincre de rester
ici, à La Rochelle, mais sans succès,
hélas.
J'aimerais bien aller chez elle, à Paris.
Comme ça, ce serait plus facile de m'imaginer
comment elle vit. En attendant je fais travailler
mon esprit.
Julie est sensible, ce qu'elle vit lui donne bien
de la peine. C'est vrai, elle n'a pas participé
à la dispute. C'est vrai, elle a consolé
sa mère de la même manière
qu'une mère consolerait son enfant. Mais
ce n'est pas pour ça que les choses ne
lui font beaucoup de mal à elle aussi.
Alors elle a craqué et c'est pour ça
qu'elle m'a appelée mardi matin. Elle s'excusait
de me réveiller. Mais non ! Je lui ai dit
qu'elle pouvait me téléphoner deux
cents fois par jour si elle le voulait, que je
serais toujours là pour l'écouter.
Je crois que ça lui a fait du bien.
Julie croit très fort en Dieu. Ce n'est
même pas qu'elle y croit, d'ailleurs, elle
ne se pose même pas la question, pour elle
Dieu existe, c'est tout. Et si on lui apportait
la preuve qu'il n'existe pas, et bien elle continuerait
d'y croire rien que pour le plaisir. Elle se moque
de savoir s'il a une existence réelle ou
non. Tout ce qu'elle sait, c'est que le soir elle
prie la vierge Marie et que ça la comble
de bonheur. Alors à quoi débattre
pendant des heures
Moi je ne crois pas en
tout ça, et quand je me sens mal et que
j'essaie de prier Marie, et bien je n'y arrive
pas, rien ne sort. Je n'ai rien à lui dire,
moi, à la vierge. Enfin si, en fait j'en
ai tellement que je ne sais pas par où
commencer. Et total je ne dis rien. Je ne peux
pas.
Je vais inviter Julie pour les vacances de Noël.
Ce sera chouette, comme ça en hiver, il
fait noir très tôt, il fait si froid
qu'on ne peut pas sortir sans bonnet, les rues
sont toutes illuminées, j'adore cette ambiance.
Et avec Julie, ce sera encore plus illuminé.
Vivement Noël.
Jolie surprise : j'ai reçu
un mail d'une jeune fille, elle a seize ans, elle
est roumaine, et elle s'appelle... Aglaia ! Je
lui ai répondu qu'elle avait un prénom
magnifique, que j'en étais presque jalouse...
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