Belle journée,
aujourd'hui. Surtout ce soir. J'ai eu l'impression
d'être parachutée dans un rêve
ou dans une chanson de Brassens, ce qui revient
au même...
Pourtant la journée avait mal commencé.
J'ai peu dormi la nuit dernière, et le
lundi matin c'est toujours difficile... En plus,
il faut bien avouer que j'ai passé un week-end
pitoyable. Un vilain petit week-end à oublier
le plus vite possible : mon escapade dans les
rues de La Rochelle, la soirée et la nuit
chez Alain, que je me demande encore ce que je
suis allée y foutre... Heureusement, il
y a eu cet homme qui est venu caresser mon chien
sur les marches, ce fut le rayon de soleil de
mon week-end. Mais tout le reste...
Alors ce matin, ce n'était pas la grande
forme. Mais forme ou pas il faut bien se remuer
et sortir, dans le noir et le froid. Bien couverte
je prends le chemin du lycée, seule, sans
mon chien. Un jour pourtant, c'est certain, les
chiens seront autorisés à l'école.
Mais je ne connaîtrai pas ça. Arrivée
sur l'avenue Guiton j'ai attendu un petit peu
que Noémie arrive, comme j'étais
en avance... Et puis finalement j'ai décidé
que j'irais seule, le matin j'aime bien marcher
seule, un peu. J'ai traversé la ville dans
le boxon des voitures, et dans le froid, c'est
vrai qu'il fait un temps épouvantable depuis
quelques jours.
Arrivée devant la grille du lycée
j'aperçois Julie, et machinalement je me
dirige vers elle. Elle avait le dos tourné
alors je lui ai posé la main sur l'épaule
: elle s'est retournée et sans que j'aie
le temps de réagir elle a ouvert les bras
et m'a serrée contre elle ! Eh ben... Ca
fait plaisir d'être accueillie de la sorte...
J'ai repris mes esprits et me suis rappelée
tout le chagrin qu'elle a en ce moment. Quand
je l'ai appelée samedi elle était
inquiète, et la deuxième fois j'entendais
une voix crier chez elle, mais elle ne voulait
pas que je vienne la voir. Elle a de quoi être
inquiète, c'est sûr. Mais je n'ai
toujours pas envie d'en causer ce soir. Et puis
le reste de la journée a été
tellement agréable ! Sans réfléchir
j'ai fait comme elle : je l'ai serrée dans
mes bras, les autres autour ils ont dû croire
qu'on ne s'était pas vues depuis des années
! Mais moi, avec le sale week-end que j'ai passé,
c'est fou comme j'étais heureuse de retrouver
une personne qui m'est si agréable... On
avait tellement de choses à se raconter
qu'en fin de compte on ne s'est rien raconté
du tout ! Pas assez de temps !
Là-haut, j'ai retrouvé Noémie...
Comme toujours on s'est mises côte-à-côte
en classe, et c'était bien, on a papoté
pendant une heure, c'est toujours mieux que suivre
un cours inintéressant. Elle m'a raconté
calmement tout son week-end, j'étais contente,
elle avait un peu plus de voix que l'autre jour
! Je me suis trompée : elle est restée
la même. Elle a un peu changé bien
sûr, mais c'est bien normal après
ce qu'elle vient de vivre. Mais dans le fond elle
est la même. Ouf !!
Le soir j'ai retrouvé Julie et je lui ai
proposé de passer chez moi avant de rentrer
chez elle. On est donc revenu ensemble, toujours
dans le froid, toujours dans ce sacré bruit
de voitures. Arrivées à la maison,
on s'est installées un peu pour reprendre
nos esprits, et aussi se soulager les bras de
ces fichus sacs de cours inutiles. Ma mère
n'était pas là, il y avait juste
mon petit frère et un copain à lui,
ils étaient devant la télé
à buller, ils ont bien raison de se reposer.
Avec Julie on est reparties aussi sec promener
mon chien. Elle le sait, Julie, que la première
chose que je fais quand je rentre chez moi c'est
de ressortir aussitôt : mon Adonis il a
besoin de se dégourdir les pattes
Comme d'habitude, on a marché à
droite à gauche, parfois même c'est
mon chien qui guidait le pas, car à vrai
dire bien souvent je n'ai pas d'objectif précis
dans mes balades. On est allé sur la petite
plage près du port, la nuit commençait
à tomber et il faisait très froid,
mais on était bien couvertes alors c'était
agréable. Et c'est là, sur la plage,
que le rêve a commencé, la chanson,
tout ça... Je sais pas. C'est bizarre mais
d'un seul coup je me suis sentie bien, comme remontée,
et Julie aussi je crois, et même mon chien
il s'est mis à courir comme un fou et sans
raison, c'est étrange... J'ai ramassé
un bout de bois et je lui ai lancé, chose
que je fais rarement car bon, lancer un bâton
c'est marrant une fois, mais au bout de dix minutes
c'est un peu lassant... Mon chien était
heureux bien sûr. Puis Julie a pris le relais
et le lui a lancé à son tour. Evidemment
elle a fait mine de le lancer et lui il a couru
comme un fou dans le vide. Puis d'un seul coup
il se retourne, intrigué, et nous regarde
en tirant la langue... eh eh... Ca nous a fait
rire, c'est dire si on avait le rire facile, ce
soir... Et Julie a eu l'idée de lancer
le bâton dans l'eau. Pas de problème
: Adonis a sauté dedans, et pourtant elle
n'était pas chaude ! Alors on a essayé
de le lancer le plus loin possible, et résultat
on avait les pieds trempés. Mais peu importe.
Moi je suis montée un peu plus haut, là
où le sable était sec (enfin plus
ou moins), et je me suis assise pour les regarder.
On aurait dit un film, ou une image. En ce moment
elle a des soucis, ma pauvre Julie. Si ça
se trouve, elle va bientôt devoir rentrer
chez elle, à Paris. Ca lui donne bien du
chagrin, et moi aussi. Ce serait injuste qu'on
soit séparé toutes les deux, on
s'entend trop bien ! Je pensais à tout
ça en la regardant, elle avait vraiment
l'air heureuse de s'amuser avec mon chien... Et
je me disais que tant qu'elle pourrait être
heureuse pour des petites choses comme ça,
l'espace de quelques minutes, eh bien elle ne
serait jamais complètement désespérée,
il y aura toujours de l'espoir.
Quand on est rentrées on avait les pieds
trempés et surtout on commençait
à avoir sérieusement froid. Le vent
cognait. On était bien contentes de se
retrouver au chaud, dans la maison. On a bu quelque
chose de brûlant et on est monté
dans ma chambre. On a discuté comme ça
pendant une heure ou deux, c'était agréable,
j'ai déjà l'impression que c'est
un lointain souvenir... Hélas il a fallu
qu'elle rentre. Sa mère l'attendait, là-bas,
dans ce fichu immeuble à Mireuil, au dix-huitième
étage... C'est nul ! Je ne lui ai pas proposé
de rester dormir, sa mère, là-bas,
elle a besoin de sa fille... Mais j'aurais vraiment
voulu qu'elle reste. Ca me faisait mal au coeur
de la voir s'emmitoufler dans son manteau, mal
de me dire qu'elle allait devoir affronter le
froid et le noir encore une fois, et toute seule
cette fois-ci... J'avais un petit pincement au
coeur quand elle est sortie.
Maintenant que je suis seule, le cafard me reprend
un peu. Mais pas trop, ça va. C'est juste
que je préfèrerais avoir quelqu'un
à mes côtés en ce moment.
Mais pas Alain. Je ne sais plus comment me situer
par rapport à lui depuis la soirée
de samedi
Enfin vivement demain que je retourne
dans le monde ! Ca y est, me voilà à
souhaiter de reprendre les cours au plus vite,
c'est grave ?
J'ai appelé Noémie : occupé.
Bon...
Enfin voilà pour cette journée.
C'était chouette ce soir. C'était
chouette mais je suis un peu inquiète pour
Julie. Je sens que ça va mal de son coté
en ce moment. J'espère que ça va
s'arranger, mais j'ai des doutes. J'en saurai
peut-être un peu plus demain.
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