journal intime
57 _ Lundi 2 décembre 2002

Petit moment agréable

Belle journée, aujourd'hui. Surtout ce soir. J'ai eu l'impression d'être parachutée dans un rêve ou dans une chanson de Brassens, ce qui revient au même...
Pourtant la journée avait mal commencé. J'ai peu dormi la nuit dernière, et le lundi matin c'est toujours difficile... En plus, il faut bien avouer que j'ai passé un week-end pitoyable. Un vilain petit week-end à oublier le plus vite possible : mon escapade dans les rues de La Rochelle, la soirée et la nuit chez Alain, que je me demande encore ce que je suis allée y foutre... Heureusement, il y a eu cet homme qui est venu caresser mon chien sur les marches, ce fut le rayon de soleil de mon week-end. Mais tout le reste...
Alors ce matin, ce n'était pas la grande forme. Mais forme ou pas il faut bien se remuer et sortir, dans le noir et le froid. Bien couverte je prends le chemin du lycée, seule, sans mon chien. Un jour pourtant, c'est certain, les chiens seront autorisés à l'école. Mais je ne connaîtrai pas ça. Arrivée sur l'avenue Guiton j'ai attendu un petit peu que Noémie arrive, comme j'étais en avance... Et puis finalement j'ai décidé que j'irais seule, le matin j'aime bien marcher seule, un peu. J'ai traversé la ville dans le boxon des voitures, et dans le froid, c'est vrai qu'il fait un temps épouvantable depuis quelques jours.
Arrivée devant la grille du lycée j'aperçois Julie, et machinalement je me dirige vers elle. Elle avait le dos tourné alors je lui ai posé la main sur l'épaule : elle s'est retournée et sans que j'aie le temps de réagir elle a ouvert les bras et m'a serrée contre elle ! Eh ben... Ca fait plaisir d'être accueillie de la sorte... J'ai repris mes esprits et me suis rappelée tout le chagrin qu'elle a en ce moment. Quand je l'ai appelée samedi elle était inquiète, et la deuxième fois j'entendais une voix crier chez elle, mais elle ne voulait pas que je vienne la voir. Elle a de quoi être inquiète, c'est sûr. Mais je n'ai toujours pas envie d'en causer ce soir. Et puis le reste de la journée a été tellement agréable ! Sans réfléchir j'ai fait comme elle : je l'ai serrée dans mes bras, les autres autour ils ont dû croire qu'on ne s'était pas vues depuis des années ! Mais moi, avec le sale week-end que j'ai passé, c'est fou comme j'étais heureuse de retrouver une personne qui m'est si agréable... On avait tellement de choses à se raconter qu'en fin de compte on ne s'est rien raconté du tout ! Pas assez de temps !
Là-haut, j'ai retrouvé Noémie... Comme toujours on s'est mises côte-à-côte en classe, et c'était bien, on a papoté pendant une heure, c'est toujours mieux que suivre un cours inintéressant. Elle m'a raconté calmement tout son week-end, j'étais contente, elle avait un peu plus de voix que l'autre jour ! Je me suis trompée : elle est restée la même. Elle a un peu changé bien sûr, mais c'est bien normal après ce qu'elle vient de vivre. Mais dans le fond elle est la même. Ouf !!
Le soir j'ai retrouvé Julie et je lui ai proposé de passer chez moi avant de rentrer chez elle. On est donc revenu ensemble, toujours dans le froid, toujours dans ce sacré bruit de voitures. Arrivées à la maison, on s'est installées un peu pour reprendre nos esprits, et aussi se soulager les bras de ces fichus sacs de cours inutiles. Ma mère n'était pas là, il y avait juste mon petit frère et un copain à lui, ils étaient devant la télé à buller, ils ont bien raison de se reposer. Avec Julie on est reparties aussi sec promener mon chien. Elle le sait, Julie, que la première chose que je fais quand je rentre chez moi c'est de ressortir aussitôt : mon Adonis il a besoin de se dégourdir les pattes…
Comme d'habitude, on a marché à droite à gauche, parfois même c'est mon chien qui guidait le pas, car à vrai dire bien souvent je n'ai pas d'objectif précis dans mes balades. On est allé sur la petite plage près du port, la nuit commençait à tomber et il faisait très froid, mais on était bien couvertes alors c'était agréable. Et c'est là, sur la plage, que le rêve a commencé, la chanson, tout ça... Je sais pas. C'est bizarre mais d'un seul coup je me suis sentie bien, comme remontée, et Julie aussi je crois, et même mon chien il s'est mis à courir comme un fou et sans raison, c'est étrange... J'ai ramassé un bout de bois et je lui ai lancé, chose que je fais rarement car bon, lancer un bâton c'est marrant une fois, mais au bout de dix minutes c'est un peu lassant... Mon chien était heureux bien sûr. Puis Julie a pris le relais et le lui a lancé à son tour. Evidemment elle a fait mine de le lancer et lui il a couru comme un fou dans le vide. Puis d'un seul coup il se retourne, intrigué, et nous regarde en tirant la langue... eh eh... Ca nous a fait rire, c'est dire si on avait le rire facile, ce soir... Et Julie a eu l'idée de lancer le bâton dans l'eau. Pas de problème : Adonis a sauté dedans, et pourtant elle n'était pas chaude ! Alors on a essayé de le lancer le plus loin possible, et résultat on avait les pieds trempés. Mais peu importe. Moi je suis montée un peu plus haut, là où le sable était sec (enfin plus ou moins), et je me suis assise pour les regarder.
On aurait dit un film, ou une image. En ce moment elle a des soucis, ma pauvre Julie. Si ça se trouve, elle va bientôt devoir rentrer chez elle, à Paris. Ca lui donne bien du chagrin, et moi aussi. Ce serait injuste qu'on soit séparé toutes les deux, on s'entend trop bien ! Je pensais à tout ça en la regardant, elle avait vraiment l'air heureuse de s'amuser avec mon chien... Et je me disais que tant qu'elle pourrait être heureuse pour des petites choses comme ça, l'espace de quelques minutes, eh bien elle ne serait jamais complètement désespérée, il y aura toujours de l'espoir.
Quand on est rentrées on avait les pieds trempés et surtout on commençait à avoir sérieusement froid. Le vent cognait. On était bien contentes de se retrouver au chaud, dans la maison. On a bu quelque chose de brûlant et on est monté dans ma chambre. On a discuté comme ça pendant une heure ou deux, c'était agréable, j'ai déjà l'impression que c'est un lointain souvenir... Hélas il a fallu qu'elle rentre. Sa mère l'attendait, là-bas, dans ce fichu immeuble à Mireuil, au dix-huitième étage... C'est nul ! Je ne lui ai pas proposé de rester dormir, sa mère, là-bas, elle a besoin de sa fille... Mais j'aurais vraiment voulu qu'elle reste. Ca me faisait mal au coeur de la voir s'emmitoufler dans son manteau, mal de me dire qu'elle allait devoir affronter le froid et le noir encore une fois, et toute seule cette fois-ci... J'avais un petit pincement au coeur quand elle est sortie.
Maintenant que je suis seule, le cafard me reprend un peu. Mais pas trop, ça va. C'est juste que je préfèrerais avoir quelqu'un à mes côtés en ce moment. Mais pas Alain. Je ne sais plus comment me situer par rapport à lui depuis la soirée de samedi… Enfin vivement demain que je retourne dans le monde ! Ca y est, me voilà à souhaiter de reprendre les cours au plus vite, c'est grave ?
J'ai appelé Noémie : occupé. Bon...
Enfin voilà pour cette journée. C'était chouette ce soir. C'était chouette mais je suis un peu inquiète pour Julie. Je sens que ça va mal de son coté en ce moment. J'espère que ça va s'arranger, mais j'ai des doutes. J'en saurai peut-être un peu plus demain.

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