Un lecteur m'a
fait remarquer que je n'avais même fait
une bonne grosse blague dans mon journal pour
le premier avril. Eh bien figurez-vous que je
n'y ai même pas pensé, d'ailleurs
je ne pense jamais à ce genre de choses.
C'est pratique pour les autres : je gobe tout
ce qu'on me raconte ce jour-là. Eh oui,
je suis naïve. Mais je l'assume et le vis
plutôt bien. Et puis mon chien me disait
ce matin : " une vérité est
dépassée sitôt qu'elle est
énoncée ". Aussi, si je dis
que je suis naïve c'est que je le sais, et
donc si je le sais je ne le suis pas tant que
ça.
Allez, je vais faire un petit effort à
retardement pour ce premier avril : je suis enceinte.
Eh oui, malgré l'utilisation de trois préservatifs
les uns par-dessus les autres à chaque
rapport, sexuel ou non, eh bien j'ai un petit
bébé dans le ventre depuis trois
jours. Et le kiné est formel : c'est un
garçon. C'est David qui va être content
! Enfin quand je lui dirai, parce que je veux
d'abord être sûre que c'est bien lui
le père, sait-on jamais. Ben oui, il paraît
que maintenant on peut faire un bébé
toute seule. Tu commandes un magazine de papas,
avec plein de photos d'hommes dedans, tu en choisis
un, beau de préférence, parce qu'autant
faire les choses proprement, tu passes une commande,
et ils t'envoient un colis avec un tube de semence.
Tu bois la semence et neuf mois plus tard, le
petit sort tout seul. Mais il paraît que
ce n'est pas encore très efficace et que
ça ne marche qu'une fois sur deux : si
vous êtes un homme, c'est perdu d'avance.
Poisson d'avril, je suis même pas enceinte.
Et heureusement d'ailleurs. Je m'imagine mal téléphoner
à ma mère : " _ Maman, je suis
enceinte. _ Tu plaisantes ? _ Non non. _ Mais
comment t'as fait ! ? _ Beh chais po. _ Bon ben
tu vas avorter ? _ Ah non ! Pas question ! Je
le garde ! " Hou la la
je crois que
même dans une famille ouverte et pas très
catholique comme la mienne, ça coincerait
légèrement. Trois mois plus tard
: " Maman, bonne nouvelle, ce sont des jumeaux.
_ Mais comment t'as fait ? _ Beh chais po. _ Bon
ben tu gardes le plus beau et tu éjectes
l'autre immédiatement ! _ Ah non ! Pas
question ! Il m'en voudrait toute sa vie ! "
Trêve de plaisanteries, je ne suis pas enceinte.
Enfin j'espère.
Ca c'était pour la rubrique " rions
un peu ", passons maintenant à la
rubrique " concentrons-nous ".
Il paraît que l'article sur le théâtre
que j'ai écrit pour le journal est mauvais.
Ou plus exactement, il ne suit pas la " ligne
éditoriale " de la revue. Je m'enflamme
trop, je ne suis pas objective, et puis je consacre
une longue première partie à la
troupe de Cécile, et une toute petite au
second atelier. Mais je n'y peux rien, moi, si
Cécile est quelqu'un de fantastique, et
que la deuxième troupe est insipide
J'étais assez déçue par la
réaction de mes collègues. J'ai
posté mon article sur le site privé
hier, et j'ai récolté deux ou trois
commentaires assez mitigés. Mais l'essentiel,
c'est que l'article plaise au chef, au professeur.
Mais même lui, ben il a trouvé ça
moyen. Je suis allée le voir ce matin à
l'Université (au passage merci la grève),
parce que dialoguer sur le Net ça va deux
minutes, rien ne vaut un bon face à face.
On a discuté une vingtaine de minutes.
Il m'a dit que mon article n'était pas
mauvais, non, loin de là, mais j'aurais
dû présenter les choses de façon
plus sobre, plus posée, et faire un peu
moins de pub.
Je trouvais que ce dernier argument n'était
pas très logique. Pourquoi écrit-on,
dans ce journal distribué gratuitement
? Pour présenter les différentes
activités du coin, les différentes
associations, les gens qui s'investissent. Donc
forcément, on écrit pour les faire
connaître, pour leur faire un peu de pub,
je crois
Je n'aime pas la pub, mais quand
elle est faite proprement, comme par exemple dans
un bel article de journal, eh bien ça ne
me dérange pas. Donc oui, j'ai fait de
la pub à l'atelier théâtre
de Cécile, car j'ai envie que tout le monde
aille les voir jouer. Et je suis sûre que
mon article aurait été efficace
en ce sens. Mais non, apparemment j'en ai fait
un peu trop.
Le professeur a fait des gribouillages sur mon
texte, pour m'indiquer quelles étaient
les parties à conserver, les parties à
supprimer, et les parties à développer.
Bon, ben je n'ai plus qu'à recommencer.
Je suis sortie de son bureau et suis descendue
dans le petit parc, en bas. Je me suis assise
sur un banc et j'ai profité de mon droit
de fumer. Et j'ai réfléchi, activité
courante quand on est assis sur un banc et qu'on
n'a rien à faire. D'accord, je suis nouvelle
dans ce journal, et je dois m'adapter. C'est à
moi de suivre la " ligne éditoriale
", pas à la ligne éditoriale
de s'adapter à moi. Il est donc normal
que je modifie mon article. Ok, n'en parlons plus.
Mais quand même, je sentais qu'il y avait
quelque chose à faire, sans savoir trop
quoi. Et là, j'ai eu une idée de
génie. Oui, de génie. Puisque mon
article ne répond pas à la demande,
il n'y a qu'à proposer une autre demande
!
Je suis immédiatement retournée
voir le professeur pour lui faire part de mon
projet. Je lui ai dit que plutôt que de
rédiger une bafouille sur la représentation
théâtrale à laquelle Caroline
et moi avons assisté, eh bien je pourrais
rédiger une bafouille sur les coulisses,
je veux dire sur l'activité proprement
dite de l'association. Dire ce qu'il y a derrière,
et non me contenter du spectacle en lui-même.
Dire qui fait quoi, qui anime, comment, etc
Eh bien le professeur a trouvé mon idée
excellente et m'a donné carte blanche,
j'étais bien contente ! Il m'a juste demandé
d'en parler d'abord à Caroline, vu qu'on
fait équipe, ce n'est pas qu'à moi
de prendre les décisions. Mais Caroline
est d'accord.
Je vais donc retourner assister à une répétition
la semaine prochaine, pour poser des questions
plus axées sur mon article. Et je vais
faire un truc magnifique, je le vois d'ici.
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