Vendredi soir
j'ai joué au Monopoly en réel :
la gare Montparnasse d'abord, la gare du Nord
ensuite, et la gare Saint Lazare enfin. Passant
d'une case à l'autre en métro, comme
un pauvre petit pion qui a bien du mal à
comprendre les règles du jeu. Quittant
mon copain d'abord, accueillant mon amie Julie
ensuite, rentrant chez moi enfin.
C'est vers 9H00 du soir que j'étais à
la gare du Nord. C'est une bien jolie gare, plus
que celle de Montparnasse parce que plus vieille
et plus crasseuse. J'attendais Julie qui arrivait
de Lille. Le voyage n'est pas bien long paraît-il
: une heure pour joindre les deux villes. Et presque,
elle a quitté Lille en même temps
que j'ai quitté mon chez moi juste à
côté. Je venais de quitter David
et j'attendais Julie : j'étais en quelque
sorte entre deux mondes.
Il a bien sûr fallu que le train ait dix
minutes de retard. Heureusement j'avais de quoi
patienter : du tabac. Le train a fini par entrer
en gare, et j'ai jeté mon mégot
sous les roues histoire de ne pas accueillir Julie
la clope aux lèvres, ça ne se fait
pas. Le train s'est immobilisé, les portes
se sont ouvertes, et l'immense flot de voyageurs
est sorti de là. Des qui prenaient tout
leur temps, d'autres qui à peine arrivés
étaient déjà pressés
de repartir, des tout encombrés de valises,
d'autres les mains dans les poches
mais
pas de Julie. La connaissant, je savais qu'elle
ne serait certainement pas dans les premières
à sortir, elle est plutôt du genre
à prendre son temps, comme moi d'ailleurs.
Mais là quand même, la plupart des
wagons devait déjà être vide.
J'étais après me demander si j'avais
eu une bonne idée en l'attendant au milieu
du train, que j'aurais peut-être mieux fait
de l'attendre en tête, que si ça
se trouve je l'avais loupée. Ce serait
quand même malheureux de s'impatienter pendant
des mois, tout ça pour se perdre au point
d'arrivée
J'ai aperçu au loin
une fille qui parlait à un couple de personnes
âgées : c'était elle ! J'y
suis allée à grands pas, en comprenant
ce qui se passait : les deux pauvres personnes
semblaient perdues et demandaient des indications
à Julie. Quand elle m'a vue elle a eu un
grand sourire, on s'est serré dans les
bras l'une de l'autre. Exactement comme quand
on s'était séparées en décembre.
A l'époque, c'était déjà
sur un quai de gare. Mais plus petit, c'était
à La Rochelle. Et ce qui se passait dans
nos têtes était bien différent.
Quelques heures avant j'avais pleuré en
quittant David, à nouveau j'avais les larmes
aux yeux en serrant son corps chaud contre moi.
Elle m'a dévisagée en souriant,
comme si j'avais changé. Peut-être
que c'est le cas d'ailleurs, il s'est passé
tant de temps et tant de choses depuis notre séparation,
ça doit bien se sentir sur mon visage et
le sien.
Puis Julie s'est rappelée tout à
coup qu'il y avait un pauvre petit couple âgé
qui était perdu derrière elle, alors
elle s'est retournée pour leur demander
si ça irait. Ils ont dit oui en souriant
gentiment, et me disant " Bonjour Mademoiselle
" à moi aussi.
Julie s'est assise sur le petit banc à
côté pour refaire son lacet. Je me
suis assise à côté d'elle
et on est restées plantées là
vingt minutes. Le quai était désert.
Juste quelques contrôleurs, quelques chefs
de gare, et quelque voyageurs étourdis
qui n'avaient rien à faire ici. J'ai demandé
à Julie si elle avait fait bon voyage.
Question vide d'intérêt je le sais
bien, mais c'était juste pour le plaisir
de parler. Puis je lui ai demandé si ça
lui faisait plaisir de retrouver Paris. Elle a
souri en regardant le hall de la gare au-dessus
de notre tête et en me répliquant
que c'est pour moi qu'elle était là,
pas pour Paris. Eh eh
J'ai pris sa main et lui ai dit " On y va
? " Allez
Nous voilà dans le
métro, puis à la gare Saint Lazare,
qui est un peu ma case départ à
moi dans ce Monopoly. Arrivées là-bas
on sort dehors, on marche encore un peu jusqu'ici,
à l'appartement. On monte les marches,
nous sommes sur le pallier, j'ouvre la porte,
Julie entre, j'entre et referme à clé
derrière moi. Ca y est nous y sommes. Elle
a lâché son sac en regardant autour
d'elle, un peu comme elle l'avait fait en entrant
dans sa chambre à La Rochelle. Mon chien
est arrivé tout content, comme chaque fois
que je rentre. Je pense qu'il a reconnu Julie,
sa mémoire a dû lui rappeler qui
elle était. Parce que d'habitude il se
moque complètement de la personne qui m'accompagne.
Tandis que là il a réclamé
quelques caresses à Julie, qui ne s'est
pas faite prier bien sûr. Elle l'aime bien,
mon Adonis
On s'est assises dans le canapé et je me
suis allumée une cigarette. On a fait la
causette pendant une bonne heure, on s'est raconté
nos vies. Sans entrer dans les détails,
le but n'était pas de raconter des choses,
le but était d'entendre nos voix respectives.
Elle était surtout très intéressée
par tout ce que je lui racontais à propos
de David. J'étais même étonnée
qu'elle me pose toutes ces questions. Du genre
: " il est sympa ? " Bin sûr qu'il
est sympa, sinon qu'est ce que je ferais avec
lui
Je lui ai montré sa photo, elle
l'a regardée intriguée. Ce n'est
pas vraiment David en lui-même qui l'intriguait,
non, c'est plutôt le fait que ce soit mon
copain. Ca aurait pu être n'importe qui
d'autre sur la photo, je pense qu'elle l'aurait
regardé aussi attentivement du moment que
c'était mon ami. Elle l'a fixé une
bonne minute en m'interrogeant dessus, j'étais
presque gênée pour David, de le voir
se faire scruter dans tous les détails
pendant toute une minute. Puis elle m'a rendu
la photo et on est passé à autre
chose. La photo de mon cousin ne l'a absolument
pas intéressée. Là aussi
j'étais presque gênée pour
lui, lui qui avait dit en voyant Julie qu'elle
était mignonne, eh ben apparemment ce n'est
pas réciproque (ça lui apprendra
à lire mon journal).
Puis j'ai fait la cuisine. Julie voulait m'aider
mais j'ai dit non pas question, chez moi l'invité
est Roi. Du moins au début
J'aime
bien que les gens, chez moi, se sentent bien accueillis.
Puis on est allées balader mon chien.
Ca fait déjà trois jours qu'elle
est là mine de rien. Et on ne s'est vraiment
pas tourner les pouces de tout ce temps. Il faudrait
que j'écrive des texte cinq fois plus longs
pour tout raconter
Tout se passe merveilleusement
bien. C'est ma petite sur, Julie. Y a pas
de doute, ma petite sur spirituelle.
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