Aujourd'hui est
une journée étrange, un peu à
l'image de la semaine. Etrange car à la
fois magnifique et si triste. Optimiste comme
je suis (si si), je vais commencer par le côté
magnifique.
Julie arrive ce soir. C'est fou, elle qui m'a
tant manqué en décembre dernier,
elle va être ici-même, là,
devant moi, avec ses yeux bleus et sa voix. Après
tout ce temps. Je viens de relire mes textes de
novembre dernier, du temps où elle était
chez moi, à La Rochelle, et ça m'a
fait tout bizarre. Ca m'a donné le sourire,
tous ces bons petits moments. Voilà l'avantage
de tenir un journal, on se rappelle plus facilement
des choses. Et ces choses-là elles étaient
belles, je riais toute seule en me relisant. Parfois
je me pose la question : " Si tu tombais
par hasard sur ton journal, est-ce que tu l'aimerais
? " Eh bien je crois que oui. Peut-être
même que je m'enverrais un petit mail pour
me remercier. Surtout si je tombe sur les passages
où je parle de Julie.
Le côté triste de la journée,
c'est que mon copain David s'en va. Il va retrouver
ses parents pour une semaine. Je ne crois pas
avoir déjà parlé de sa famille.
Il a trois frères et surs, lui il
est le cadet, le dernier. Ses parents sont à
la retraite, et après avoir travaillé
toute leur vie à la capitale ils se sont
retirés en Province. Oh, pas bien loin,
à Chartres. J'ai demandé à
David comment était la ville de Chartres,
il m'a répondu : " Mouais bof
Poitiers, Chartres, même combat ".
Petit clin d'il à mon cousin qui
est poitevin. D'ailleurs lui aussi va passer sa
semaine hors de la capitale, il sera à
Poitiers, avec sa copine. C'est fou, tout le monde
déserte Paris, sauf moi qui ne suis pourtant
pas parisienne
Mais j'ai une bonne raison
de rester, avec Julie qui arrive.
Ma mère était un peu déçue
que je ne rentre pas sur La Rochelle. Ben oui,
désolée Maman mais là je
ne peux pas manquer ça, avec Julie ici,
je vais redécouvrir la ville. Voilà
plus de trois mois que je suis ici, je commence
à connaître un peu les quartiers
de Paris. Mais je suis certaine que Julie va m'en
apprendre de nouveaux.
Je suis donc un peu partagée aujourd'hui,
à l'image de toute la semaine. Elle avait
joliment commencé, jusqu'à mardi
ce n'était que du plaisir. Et puis sans
que je sache pourquoi, mercredi ça a commencé
à se gâter. Au moment pile où
je suis entrée dans cette cafétaria
dont je parlais hier. C'est certainement une coïncidence,
je ne vois pas le rapport entre mon moral et une
cafétaria, mais le fait est là.
Et le texte que j'ai écrit hier m'a encore
toute remuée. Je ne sais pas si ça
s'est senti, mais à la fin j'avais le cafard.
De repenser à cette époque où
je feuilletais mon livre d'images de maisons,
ça m'a replongée dans tous ces souvenirs,
et dans ces cas-là ça ne loupe pas
: le moral chute. Et le pire c'est que j'aime
ça. Ah oui j'adore me sentir triste en
repensant au passé, c'est une tristesse
qui fait du bien, qui te caresse. Mais après
ça, j'ai eu bien du mal à me détacher
de mes souvenirs.
Et puis cette nuit j'ai rêvé de ma
sur, ce qui n'est pas très fréquent.
J'étais là, à mon ordinateur,
et elle me parlait. Je ne sais pas d'où
venait sa voix, elle n'était pas physiquement
à côté de moi, mais je lui
parlais naturellement comme s'il n'y avait rien
d'anormal à lui faire la causette, alors
que ce n'est pas arrivé depuis deux ans.
Même trois, maintenant. Il n'est pas très
facile de raconter un rêve, et en général
c'est ennuyeux pour le lecteur, car il n'y a aucune
logique. Je vais essayer quand même, mais
je vais probablement tout déformer, ma
mémoire est incertaine. C'était
doux, elle me disait : " J'ai lu ton texte
d'aujourd'hui sur les maisons, je suis bien d'accord
avec toi ". Puis elle m'expliquait qu'elle
aussi, là-haut, au ciel, elle s'amusait
à enlever le toit de notre maison à
La Rochelle et à nous regarder vivre dedans.
Et moi je trouvais ça fantastique. Mais
peu à peu, ses paroles devenaient de plus
en plus agitées et violentes. Et elle finissait
par se mettre en colère, quelque chose
ne tournait pas rond. Moi je lui répétais
" mais arrête ! " mais elle ne
m'entendait pas. Là je me suis réveillée
toute retournée. J'ai même allumé
la lumière, oubliant complètement
que David dormait à côté,
du coup je l'ai réveillé
Je ne sais plus quoi penser de tout ça.
Oublions. La semaine qui vient, je vais essayer
d'écrire dans mon journal tous les soirs,
du lundi au dimanche, afin d'immortaliser les
bons moments que Julie et moi allons passer ensemble.
De manière à pouvoir les relire
dans trois mois, un peu comme je viens de relire
mon mois de novembre. A tous les coups quand je
relirai ça, ça me donnera le sourire
et me chagrinera un peu. Mais c'est trop bon.
Ce journal est une machine à cafards, mais
c'est ça que j'aime. Il faut que je me
fasse soigner peut-être. En tous cas, je
ne répondrai certainement pas trop à
mes mails dans la semaine. Ca ne se fait pas de
dire ça, mais bon, autant prévenir.
Peut-être que j'en parlerai à Julie,
de mon journal. Histoire qu'elle comprenne un
peu pourquoi je passe du temps sur l'ordi. Lui
dire que je raconte ma vie sur le Net, sans lui
donner plus de détails. Je ne sais pas
je ferai comme je le sentirai à ce moment-là.
Et puis là tout de suite, je n'ai pas envie
de me poser la question. Je pense que bientôt
je serai à la gare avec David, et qu'à
tous les coups je vais chialer quand il va monter
dans le train, je veux bien essayer d'être
forte mais je crois que ça va être
dur. Et une heure ou deux après, je vais
serrer Julie contre moi, et tout sera beau. Quelle
étrange journée.
Mon chien est à côté de moi,
il dort. Il s'en fout, lui, de tout ça.
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