journal intime
139 _ vendredi 11 avril 2003

Une étrange journée

Aujourd'hui est une journée étrange, un peu à l'image de la semaine. Etrange car à la fois magnifique et si triste. Optimiste comme je suis (si si), je vais commencer par le côté magnifique.
Julie arrive ce soir. C'est fou, elle qui m'a tant manqué en décembre dernier, elle va être ici-même, là, devant moi, avec ses yeux bleus et sa voix. Après tout ce temps. Je viens de relire mes textes de novembre dernier, du temps où elle était chez moi, à La Rochelle, et ça m'a fait tout bizarre. Ca m'a donné le sourire, tous ces bons petits moments. Voilà l'avantage de tenir un journal, on se rappelle plus facilement des choses. Et ces choses-là elles étaient belles, je riais toute seule en me relisant. Parfois je me pose la question : " Si tu tombais par hasard sur ton journal, est-ce que tu l'aimerais ? " Eh bien je crois que oui. Peut-être même que je m'enverrais un petit mail pour me remercier. Surtout si je tombe sur les passages où je parle de Julie.
Le côté triste de la journée, c'est que mon copain David s'en va. Il va retrouver ses parents pour une semaine. Je ne crois pas avoir déjà parlé de sa famille. Il a trois frères et sœurs, lui il est le cadet, le dernier. Ses parents sont à la retraite, et après avoir travaillé toute leur vie à la capitale ils se sont retirés en Province. Oh, pas bien loin, à Chartres. J'ai demandé à David comment était la ville de Chartres, il m'a répondu : " Mouais bof… Poitiers, Chartres, même combat ". Petit clin d'œil à mon cousin qui est poitevin. D'ailleurs lui aussi va passer sa semaine hors de la capitale, il sera à Poitiers, avec sa copine. C'est fou, tout le monde déserte Paris, sauf moi qui ne suis pourtant pas parisienne… Mais j'ai une bonne raison de rester, avec Julie qui arrive.
Ma mère était un peu déçue que je ne rentre pas sur La Rochelle. Ben oui, désolée Maman mais là je ne peux pas manquer ça, avec Julie ici, je vais redécouvrir la ville. Voilà plus de trois mois que je suis ici, je commence à connaître un peu les quartiers de Paris. Mais je suis certaine que Julie va m'en apprendre de nouveaux.
Je suis donc un peu partagée aujourd'hui, à l'image de toute la semaine. Elle avait joliment commencé, jusqu'à mardi ce n'était que du plaisir. Et puis sans que je sache pourquoi, mercredi ça a commencé à se gâter. Au moment pile où je suis entrée dans cette cafétaria dont je parlais hier. C'est certainement une coïncidence, je ne vois pas le rapport entre mon moral et une cafétaria, mais le fait est là.
Et le texte que j'ai écrit hier m'a encore toute remuée. Je ne sais pas si ça s'est senti, mais à la fin j'avais le cafard. De repenser à cette époque où je feuilletais mon livre d'images de maisons, ça m'a replongée dans tous ces souvenirs, et dans ces cas-là ça ne loupe pas : le moral chute. Et le pire c'est que j'aime ça. Ah oui j'adore me sentir triste en repensant au passé, c'est une tristesse qui fait du bien, qui te caresse. Mais après ça, j'ai eu bien du mal à me détacher de mes souvenirs.
Et puis cette nuit j'ai rêvé de ma sœur, ce qui n'est pas très fréquent. J'étais là, à mon ordinateur, et elle me parlait. Je ne sais pas d'où venait sa voix, elle n'était pas physiquement à côté de moi, mais je lui parlais naturellement comme s'il n'y avait rien d'anormal à lui faire la causette, alors que ce n'est pas arrivé depuis deux ans. Même trois, maintenant. Il n'est pas très facile de raconter un rêve, et en général c'est ennuyeux pour le lecteur, car il n'y a aucune logique. Je vais essayer quand même, mais je vais probablement tout déformer, ma mémoire est incertaine. C'était doux, elle me disait : " J'ai lu ton texte d'aujourd'hui sur les maisons, je suis bien d'accord avec toi ". Puis elle m'expliquait qu'elle aussi, là-haut, au ciel, elle s'amusait à enlever le toit de notre maison à La Rochelle et à nous regarder vivre dedans. Et moi je trouvais ça fantastique. Mais peu à peu, ses paroles devenaient de plus en plus agitées et violentes. Et elle finissait par se mettre en colère, quelque chose ne tournait pas rond. Moi je lui répétais " mais arrête ! " mais elle ne m'entendait pas. Là je me suis réveillée toute retournée. J'ai même allumé la lumière, oubliant complètement que David dormait à côté, du coup je l'ai réveillé…
Je ne sais plus quoi penser de tout ça. Oublions. La semaine qui vient, je vais essayer d'écrire dans mon journal tous les soirs, du lundi au dimanche, afin d'immortaliser les bons moments que Julie et moi allons passer ensemble. De manière à pouvoir les relire dans trois mois, un peu comme je viens de relire mon mois de novembre. A tous les coups quand je relirai ça, ça me donnera le sourire et me chagrinera un peu. Mais c'est trop bon. Ce journal est une machine à cafards, mais c'est ça que j'aime. Il faut que je me fasse soigner peut-être. En tous cas, je ne répondrai certainement pas trop à mes mails dans la semaine. Ca ne se fait pas de dire ça, mais bon, autant prévenir.
Peut-être que j'en parlerai à Julie, de mon journal. Histoire qu'elle comprenne un peu pourquoi je passe du temps sur l'ordi. Lui dire que je raconte ma vie sur le Net, sans lui donner plus de détails. Je ne sais pas… je ferai comme je le sentirai à ce moment-là. Et puis là tout de suite, je n'ai pas envie de me poser la question. Je pense que bientôt je serai à la gare avec David, et qu'à tous les coups je vais chialer quand il va monter dans le train, je veux bien essayer d'être forte mais je crois que ça va être dur. Et une heure ou deux après, je vais serrer Julie contre moi, et tout sera beau. Quelle étrange journée.
Mon chien est à côté de moi, il dort. Il s'en fout, lui, de tout ça.

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