journal intime
146 _ lundi 28 avril 2003

Jolie semaine

Le retour.
La semaine dernière fut bien jolie. Ce fut une semaine comme on aimerait en vivre tous les jours, bien qu'elle ne se soit pas terminée comme je l'aurais souhaité. Ben ouais, j'aurais voulu que Julie reste ici, moi… Mais elle a pris le train pour Lille hier soir.
Et ce matin le réveil a sonné, j'avais presque perdu l'habitude de l'entendre. Je me suis aussitôt jetée sur David pour essayer de le retenir un petit peu, sinon il sort du lit en coup de vent. J'ai réussi à le garder une dizaine de minutes, mais il a bien fallu que je le lâche. Et vingt minutes après il était déjà parti, alors que moi j'étais encore plantée au milieu de la place à traîner. Mais j'ai besoin de prendre mon temps, le matin. Autant commencer par le commencement et se rouler une petite cigarette, activité difficile le matin car on a les doigts secs. Et après la douche c'est encore pire : ils glissent sur le papier. Je me suis quand même attelée à la tâche, et c'était d'autant plus difficile que j'étais sur la fin du paquet : il ne restait plus que des miettes de tabac, du foin. Au moment où j'allais passer la langue sur la bande adhésive, mon œuvre m'a échappé des mains et s'est étalée sur le bureau, éparpillant les miettes dans tous les coins. La journée commençait bien ! Enfin j'ai quand même réussi à rassembler les morceaux et à rouler quelque chose de fumable.
J'ai ouvert la fenêtre. Il faisait un peu gris, mais toujours assez chaud. Décidément l'été approche à grands pas, et ce n'est pas pour me réjouir. D'ailleurs, je ne me réjouis jamais de tout ce qui me rappelle que le temps passe. Dire que dans trois jours c'est mon anniversaire… Je vais bientôt être majeure et vaccinée, ça fait drôle. Mais ne parlons pas de choses tristes, demain est un autre jour, et à l'heure qu'il est je suis toujours sous la barre fatidique des dix-huit ans. N'empêche qu'il faisait chaud ce matin, et je n'aime pas tellement ça. Si je pouvais arrêter le temps d'un claquement doigt, j'attendrais pour le faire qu'on soit en plein hiver, quand les journées sont toutes courtes et qu'il fait froid.
Après ça je me suis mise au travail, ça aussi ça fait drôle, après deux semaines sans rien faire. Je n'en avais ni le temps ni l'envie. Je sais que ce ne sont pas des excuses valables, mais bon… Le bac aussi approche à grands pas, et ça non plus ce n'est pas pour me réjouir. Il va falloir que je mette le paquet d'ici quelques temps, je sens que ça va être la joie.
Je me suis mise au travail mais j'avais bien du mal à me concentrer, j'étais encore dans la semaine dernière. J'aurais bien aimé la prolonger un tout petit peu... Je vais la raconter, histoire de l'immortaliser à ma manière. En relisant mes textes, je me dis parfois qu'un récit est plus porteur d'images qu'un film ou qu'une photographie. Ecrire mon journal, c'est ma façon à moi de prendre ma vie en photos.
Le dimanche de la semaine d'il y a deux semaines (si ça se dit), ce fut le jour des arrivées. J'ai fait écouter à Julie quelques disques de blues, je ne crois pas qu'elle ait beaucoup aimé, mais il fallait bien lui faire entendre pour le savoir. Puis ce fut l'heure d'aller accueillir David à la gare. Julie m'a conseillé d'y aller seule, que je serais mieux pour retrouver l'amour de mes dix-sept ans qui vont bientôt partir. De son côté elle irait promener mon chien. Ce fut entendu, me voilà partie pour la gare, impatiente, limite avec le cœur qui battait, c'est étrange et agréable en même temps… Décidément je passe beaucoup de temps dans les gares, entre celle de Montparnasse dont je visite jusqu'au toit, celle du Nord, ou encore celle de Saint Lazare vu que j'habite à côté et que j'y prends le métro. Quand on est revenu à l'appartement avec David, Julie n'était effectivement pas là. On a refermé la porte et on s'est embrassés, enfin tranquilles, à l'abri des regards indiscrets des passants honnêtes. J'ai fermé les yeux dans son cou et je ne pensais plus à rien. C'est fou comme le contact physique a le pouvoir de vider l'esprit. Quand je pose ma tête sur son épaule, mes pensées s'évaporent. Comme si David était un magicien. Avec une baguette magique. Hum…
On s'est doucement dirigés vers la chambre, et rapidement on s'est retrouvé nus comme en plein mois de mai (je viens d'inventer l'expression). J'avais mis de jolis sous-vêtements rouges exprès mais il n'ont pas fait long feu. Ca a été un peu brutal, mais une semaine d'abstinence, ça fait monter l'envie. Après ça je me suis serrée contre lui et me suis endormie en moins de deux.
Des petits couinements m'ont réveillée quelques temps après. J'ai rassemblé mes esprits et j'ai compris que mon chien était derrière la porte et essayait de se faire entendre doucement pour entrer lui aussi. Alors j'ai dit à David : " Julie est revenue, j'y vais. Mais t'inquiète pas, prends ton temps ". J'ai repassé mes jolis sous-vêtements, et mes non moins jolis vêtements tout courts, et suis allée retrouver Julie. Elle était assise avec une tisane, elle m'a souri gentiment en devinant parfaitement ce que je venais de faire. D'ailleurs elle m'a dit : " Tu as les cheveux tout en bataille.
_ Ca doit être à cause du vent, ça souffle aujourd'hui.
_ Et ton débardeur a changé de couleur ". Ah ! Ah ! Ah ! J'ai rigolé… Elle m'a demandé si on avait fait l'amour, question qui m'a étonnée venant d'elle. J'ai dit oui. Elle m'a demandé si c'était bien, ce qui m'a encore plus étonnée. J'ai répondu " beh ouais ben sûr… " Julie est encore vierge. Elle a raison de ne pas se précipiter, il ne faut pas faire ça avec n'importe qui, ça coupe l'envie de recommencer sinon.
David est venu nous rejoindre peu après. J'ai fait les présentations, ce qui était un peu inutile vu que je leur avais longuement parlé de l'un et de l'autre séparément. Julie était d'ailleurs un peu inquiète à l'idée de se retrouver mélangée au milieu de tout ce monde pendant une semaine. Mais je l'avais rassurée : " Tu verras mon copain il est sympa, il ne parle pas pour ne rien dire, il ne fait pas de blagues pourries, tu verras vous allez bien vous entendre ". J'ai essayé de favoriser au maximum la conversation, et après une heure de discussion, je crois que Julie et David avaient fait connaissance. Puis ce fut au tour de mon cousin et de sa copine d'arriver, et là encore tout s'est admirablement bien passé. Comme les jours suivants d'ailleurs.

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