Le retour.
La semaine dernière fut bien jolie. Ce
fut une semaine comme on aimerait en vivre tous
les jours, bien qu'elle ne se soit pas terminée
comme je l'aurais souhaité. Ben ouais,
j'aurais voulu que Julie reste ici, moi
Mais elle a pris le train pour Lille hier soir.
Et ce matin le réveil a sonné, j'avais
presque perdu l'habitude de l'entendre. Je me
suis aussitôt jetée sur David pour
essayer de le retenir un petit peu, sinon il sort
du lit en coup de vent. J'ai réussi à
le garder une dizaine de minutes, mais il a bien
fallu que je le lâche. Et vingt minutes
après il était déjà
parti, alors que moi j'étais encore plantée
au milieu de la place à traîner.
Mais j'ai besoin de prendre mon temps, le matin.
Autant commencer par le commencement et se rouler
une petite cigarette, activité difficile
le matin car on a les doigts secs. Et après
la douche c'est encore pire : ils glissent sur
le papier. Je me suis quand même attelée
à la tâche, et c'était d'autant
plus difficile que j'étais sur la fin du
paquet : il ne restait plus que des miettes de
tabac, du foin. Au moment où j'allais passer
la langue sur la bande adhésive, mon uvre
m'a échappé des mains et s'est étalée
sur le bureau, éparpillant les miettes
dans tous les coins. La journée commençait
bien ! Enfin j'ai quand même réussi
à rassembler les morceaux et à rouler
quelque chose de fumable.
J'ai ouvert la fenêtre. Il faisait un peu
gris, mais toujours assez chaud. Décidément
l'été approche à grands pas,
et ce n'est pas pour me réjouir. D'ailleurs,
je ne me réjouis jamais de tout ce qui
me rappelle que le temps passe. Dire que dans
trois jours c'est mon anniversaire
Je vais
bientôt être majeure et vaccinée,
ça fait drôle. Mais ne parlons pas
de choses tristes, demain est un autre jour, et
à l'heure qu'il est je suis toujours sous
la barre fatidique des dix-huit ans. N'empêche
qu'il faisait chaud ce matin, et je n'aime pas
tellement ça. Si je pouvais arrêter
le temps d'un claquement doigt, j'attendrais pour
le faire qu'on soit en plein hiver, quand les
journées sont toutes courtes et qu'il fait
froid.
Après ça je me suis mise au travail,
ça aussi ça fait drôle, après
deux semaines sans rien faire. Je n'en avais ni
le temps ni l'envie. Je sais que ce ne sont pas
des excuses valables, mais bon
Le bac aussi
approche à grands pas, et ça non
plus ce n'est pas pour me réjouir. Il va
falloir que je mette le paquet d'ici quelques
temps, je sens que ça va être la
joie.
Je me suis mise au travail mais j'avais bien du
mal à me concentrer, j'étais encore
dans la semaine dernière. J'aurais bien
aimé la prolonger un tout petit peu...
Je vais la raconter, histoire de l'immortaliser
à ma manière. En relisant mes textes,
je me dis parfois qu'un récit est plus
porteur d'images qu'un film ou qu'une photographie.
Ecrire mon journal, c'est ma façon à
moi de prendre ma vie en photos.
Le dimanche de la semaine d'il y a deux semaines
(si ça se dit), ce fut le jour des arrivées.
J'ai fait écouter à Julie quelques
disques de blues, je ne crois pas qu'elle ait
beaucoup aimé, mais il fallait bien lui
faire entendre pour le savoir. Puis ce fut l'heure
d'aller accueillir David à la gare. Julie
m'a conseillé d'y aller seule, que je serais
mieux pour retrouver l'amour de mes dix-sept ans
qui vont bientôt partir. De son côté
elle irait promener mon chien. Ce fut entendu,
me voilà partie pour la gare, impatiente,
limite avec le cur qui battait, c'est étrange
et agréable en même temps
Décidément
je passe beaucoup de temps dans les gares, entre
celle de Montparnasse dont je visite jusqu'au
toit, celle du Nord, ou encore celle de Saint
Lazare vu que j'habite à côté
et que j'y prends le métro. Quand on est
revenu à l'appartement avec David, Julie
n'était effectivement pas là. On
a refermé la porte et on s'est embrassés,
enfin tranquilles, à l'abri des regards
indiscrets des passants honnêtes. J'ai fermé
les yeux dans son cou et je ne pensais plus à
rien. C'est fou comme le contact physique a le
pouvoir de vider l'esprit. Quand je pose ma tête
sur son épaule, mes pensées s'évaporent.
Comme si David était un magicien. Avec
une baguette magique. Hum
On s'est doucement dirigés vers la chambre,
et rapidement on s'est retrouvé nus comme
en plein mois de mai (je viens d'inventer l'expression).
J'avais mis de jolis sous-vêtements rouges
exprès mais il n'ont pas fait long feu.
Ca a été un peu brutal, mais une
semaine d'abstinence, ça fait monter l'envie.
Après ça je me suis serrée
contre lui et me suis endormie en moins de deux.
Des petits couinements m'ont réveillée
quelques temps après. J'ai rassemblé
mes esprits et j'ai compris que mon chien était
derrière la porte et essayait de se faire
entendre doucement pour entrer lui aussi. Alors
j'ai dit à David : " Julie est revenue,
j'y vais. Mais t'inquiète pas, prends ton
temps ". J'ai repassé mes jolis sous-vêtements,
et mes non moins jolis vêtements tout courts,
et suis allée retrouver Julie. Elle était
assise avec une tisane, elle m'a souri gentiment
en devinant parfaitement ce que je venais de faire.
D'ailleurs elle m'a dit : " Tu as les cheveux
tout en bataille.
_ Ca doit être à cause du vent, ça
souffle aujourd'hui.
_ Et ton débardeur a changé de couleur
". Ah ! Ah ! Ah ! J'ai rigolé
Elle m'a demandé si on avait fait l'amour,
question qui m'a étonnée venant
d'elle. J'ai dit oui. Elle m'a demandé
si c'était bien, ce qui m'a encore plus
étonnée. J'ai répondu "
beh ouais ben sûr
" Julie est
encore vierge. Elle a raison de ne pas se précipiter,
il ne faut pas faire ça avec n'importe
qui, ça coupe l'envie de recommencer sinon.
David est venu nous rejoindre peu après.
J'ai fait les présentations, ce qui était
un peu inutile vu que je leur avais longuement
parlé de l'un et de l'autre séparément.
Julie était d'ailleurs un peu inquiète
à l'idée de se retrouver mélangée
au milieu de tout ce monde pendant une semaine.
Mais je l'avais rassurée : " Tu verras
mon copain il est sympa, il ne parle pas pour
ne rien dire, il ne fait pas de blagues pourries,
tu verras vous allez bien vous entendre ".
J'ai essayé de favoriser au maximum la
conversation, et après une heure de discussion,
je crois que Julie et David avaient fait connaissance.
Puis ce fut au tour de mon cousin et de sa copine
d'arriver, et là encore tout s'est admirablement
bien passé. Comme les jours suivants d'ailleurs.
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