Je ne sais pas
si ça se sent, mais depuis lundi j'ai beaucoup
de mal à écrire. Peut-être
que du coup, mes textes sont plus monotones et
plus longuets... Mais je m'y attendais, je le
savais que la reprise serait dure. Avec ces jolies
journées passées avec Julie, que
je prenais soin de raconter quotidiennement, j'ai
placé la barre trop haut. Si je ne devais
garder qu'une seule partie de mon journal, ce
serait celle-là. Jamais je n'ai été
aussi honnête. Et ça aussi je m'y
attendais...
Dès que j'ai su que Julie viendrait passer
une semaine ici, quelque chose me disait que mon
journal, à ce moment-là, serait
dix fois plus beau que tout ce que j'avais écrit
auparavant. Et je ne me suis pas trompée.
Je me rappelle, je me mettais à mon clavier
et les mots sortaient tout seuls, au bout d'une
demi heure je n'avais plus qu'à l'envoyer.
Alors que là, aligner les phrases me prend
un temps fou. Quelquefois, je n'écris pas
directement au clavier, mais d'abord au stylo,
sur une feuille. Ca permet de varier un peu, ensuite
je n'ai plus qu'à recopier. Ce matin j'ai
essayé, mais c'est comme si le stylo me
tombait tout seul des mains. Comme si à
chaque mot, j'imaginais le regard de Julie dessus,
et que sans ce regard je n'arrivais plus à
avancer. C'est stupide, vu qu'elle ne m'a jamais
lue. Mais c'est ainsi... Maintenant que le train-train
a repris et que je passe une bonne partie de mes
journées toute seule, à travailler
ou à me promener, eh bien j'ai l'impression
que tout est gris et fade autour de moi. Il n'y
a rien à en tirer. Et pourtant, rien n'a
changé, la vie continue. Les journées
se rallongent un peu, tout doucement...
Pourtant on aura tout essayé pour qu'elle
reste. Elle me disait que son année scolaire
était fichue, que ses notes étaient
en binaire : que des 0 et des 1. Alors perdue
pour perdue, lui disais-je, autant que tu restes
ici. Hélas ce n'est pas la personne concernée
qui choisit. Ses parents n'ont pas voulu. Sa mère
aurait peut-être fini par fléchir,
mais pas l'autre naze. N'en parlons plus. Et puis
je suis loin d'être malheureuse, je suis
bien entourée ici, c'est pas comme si j'étais
seule... Je sens que demain, David va m'offrir
un joli cadeau pour mon anniversaire. Je me demande
bien quoi, par contre. En ce moment il est au
foot, moi je tourne les pouces, et surtout je
me tourne les méninges pour ne pas rendre
feuille blanche à mon journal. Mais je
sens que je ne vais pas lutter longtemps. D'ailleurs
j'arrête, parler pour ne rien dire ne sert
à rien. Allez, demain j'ai dix-huit ans,
c'est la fête, youpi.
|