Ce matin le téléphone
sonne. Drrring !
Drrring ! (c'est un vieux
téléphone). Je devrais avoir honte
: l'autre jour je disais que le monde appartenait
à ceux qui se levaient tôt. Hors
il était dix heures et Julie et moi étions
encore en train de traîner au lit. Elle
m'a dit : "Tu ne vas pas répondre
? _ Oh non
ça doit être ma
mère, je la rappellerai tout à l'heure."
Drring !
Le répondeur s'est enclenché
et j'ai pu entendre ma voix expliquer que nous
étions dans l'impossibilité de répondre
et qu'il fallait laisser un message. Bip ! C'est
alors que j'ai entendu la voix de David parler.
Oups ! Je me suis levée en vitesse pour
aller décrocher. Je lui avais pourtant
téléphoné hier
Il est
chez ses parents à Chartres, il s'ennuie
beaucoup me dit-il. Et ce week-end ce sera pire
avec une réunion de famille.
Quand je suis revenue dans la chambre Julie n'était
plus là : elle prenait sa douche. Je me
suis roulée une cigarette et j'ai ouvert
la fenêtre pour la fumer. J'adore ça,
fumer à ma fenêtre le matin, et regarder
les gens dans Paris. Il y avait deux petits enfants
sur le trottoir. Une petite fille et un petit
garçon, qui devait être son frère
vue la ressemblance des deux visages. La gamine
venait apparemment d'apprendre quelque chose de
sensationnel et s'évertuait à le
raconter à son frangin : "Est-ce que
tu crois que le soleil s'éteint ?
_ Ah oui ! la nuit ! !
_ Eh non ! Imagine que ça c'est le soleil,
lui a-t-elle dit en montrant le lampadaire qui
était au-dessus de leur tête et en
face de la mienne. Et ça c'est la Terre,
lui a-t-elle dit en montrant son poing fermé.
Nous on est là. Comme je t'ai expliqué
hier, la Terre tourne. Le jour on voit le soleil,
et la nuit
on le voit plus ! Il fait tout
noir ! !" Eh eh
moi je rigolais de
l'écouter parler. Comme le soleil (le lampadaire)
se trouvait juste entre elle et moi, elle m'a
vue. Elle a eu un petit sourire gêné
: autant ce qu'elle racontait était sensationnel
pour son petit frère, autant elle devait
bien se douter que moi je le savais déjà.
Je lui ai dit bonjour, elle m'a répondu
timidement
A ce moment-là Julie est revenue dans la
chambre enroulée dans une serviette et
les cheveux tout mouillés. A mon tour d'aller
prendre ma douche. Julie m'a informé qu'elle
s'en allait acheter du pain. Alors je lui ai dit
"Fais attention, il y a des scientifiques
en bas de la rue..." Elle n'a pas bien compris.
Vingt minutes plus tard on était à
table, devant notre petit déjeuner. Après
ça on s'est fait deux sandwichs qu'on a
fourrés dans un sac, et nous voilà
parties en vadrouille dans Paris avec mon chien,
vers un pays inconnu et nouveau juste à
trois stations de métro : les colonnes
de Buren. C'est un petit film que j'ai vu récemment
qui m'a donné envie d'aller y faire un
tour. On a parcouru le chemin à pied, faisant
quelques détours par-ci par-là,
ce qui nous a pris une bonne heure en tout. Il
était une heure quand nous sommes arrivées.
Pour ceux qui ne connaissent pas, les colonnes
de Buren se trouvent dans une cour très
vieille et très belle. Ces colonnes jonchent
le sol, certaines sont toutes petites, d'autres
plus hautes, et on peut s'amuser à les
escalader ou à jouer à cache-cache
si on n'a rien de mieux à faire.
La première chose que mon chien a faite
en arrivant, c'est de courir après un ballon
rouge en le poussant du museau. Et la propriétaire
du ballon, une fillette, lui courait après
en éclatant de rire et en s'écriant
"Adonis ! Adonis !" Elle avait dû
m'entendre prononcer son nom. Mais mon chien n'en
faisait qu'à sa tête et est venu
un peu plus tard déposer le ballon entre
mes pieds tout content. La petite est venue le
chercher, je lui ai donné et elle m'a remerciée
tout gentiment. Puis elle a regardé mon
chien droit dans les yeux, lui il remuait la queue
devant le ballon rouge. Alors elle l'a lancé
et le manège a recommencé : mon
chien a couru après le ballon en le poussant
du museau, et la fillette s'écriait "Adonis
! Adonis !" Ca me faisait bien rire
J'avais huit ans quand mes parents m'ont offert
le chien. Il aime bien les mioches.
Avec Julie on s'est assises sur un petit morceau
de colonne et on a attaqué les sandwichs.
Je lui ai demandé si elle était
déjà venue ici, elle m'a répondu
oui bien sûr, et m'a raconté une
petite anecdote. Je vais la retranscrire, en essayant
de ne pas trop déformer ses propos. Mais
comme me le dit mon institutrice de mère
: le discours direct est plus vivant que le discours
indirect. Julie racontait donc : "Une fois
on était venu ici avec des cousins de la
famille à mon père. C'était
terrible ! On avait emmené des balles,
on s'est amusé à se bombarder, on
escaladait les colonnes, ou alors on se cachait
derrière. Ca a bien duré une heure."
Julie tout comme moi, aime bien faire des petits
come-backs dans le passé, j'adore ça.
Alors je lui ai dit : " Ben maintenant tu
auras deux anecdotes : celle que tu viens de me
raconter, et celle qu'on est en train de vivre
". Elle était sceptique : "Ca
m'étonnerait que je me rappelle d'aujourd'hui.
_ Tu te rappelleras pas de moi ?
_ Bien sûr que si, mais sûrement pas
des sandwichs et des colonnes
" Bon
alors je lui ai dit qu'il fallait qu'on fasse
quelque chose d'extraordinaire qu'elle ne pourrait
jamais oublié. Elle ne comprenait pas où
je voulais en venir, alors j'ai continué
: " il faut qu'on fasse un truc, tout de
suite, maintenant, un truc inoubliable. "
Julie était très incrédule
et regardait autour d'elle ce qu'on pourrait bien
faire de fantastique. J'ai alors eu une idée
lumineuse.
J'ai appelé la petite fille qui jouait
avec mon chien et lui ai demandé : "Tu
crois que le soleil s'éteint ?
_ Heu
je sais pas
_ A ton avis la nuit il est éteint le soleil
?
_ Ah oui ! Il fait noir, c'est qu'il est éteint
_ Eh bien non. Regarde. Imagine que ça
c'est le soleil, lui ai-je dit en montrant le
visage de Julie, qui se retenait pour ne pas rire.
Et ça c'est la Terre, lui ai-je dit en
montrant son ballon rouge
" Et je lui
ai ressorti le petit spitch entendu le matin.
J'ai dû m'y reprendre à deux fois
pour qu'elle comprenne, mais elle m'a alors regardée
toute émerveillée, les yeux grands
ouverts "Aaaaah ! ! ! d'accord !" Eh
eh
Elle a regardé Julie : "c'est
toi le soleil ? _ Oui
"
Voilà
Tu vois Julie, tu pourras dire
qu'aux colonnes de Buren, tu auras servi de soleil
pour les explications de ton amie Aglaia.
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